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CE QU’EST DEVENU EN DIX-NEUF MOIS UN
CHIFFON DE PAPIER
Recueilli par Hervé Cuesta
PARIS MATCH N.758 DU 19 OCTOBRE 1963

EUX AUSSI AVAIENT CRU AUX ACCORDS D’ÉVIAN

“ A partir de cette minute, il n’y a plus un seul hectare de terre qui appartienne à des colons”

Ces paroles, prononcées le 1er octobre par M. Ben Bella sur le forum d’Alger, devant cent mille auditeurs enthousiastes, continuent à elles seules huit violations des accords d’Evian.

Dans ceux-ci, en effet, l’engagement par l’Algérie de respecter les biens des ressortissants Français est inscrit, en toutes lettres, à huit reprises.

Mais que reste-t-il encore dix-neuf mois après leur signature, des accords d’Evian?

ENGAGEMENTS PRIS PAR LE GOUVERNEMENT FRANCAIS

TOUS RESPECTÉS

L’OCTROI DE L’INDÉPENDANCE TOTALE à partir du 1er Juillet 1962.

UNE AIDE FINANCIÈRE. 1050 millions de francs figurent à ce titre au budget de l’Etat, et pour 1963, et 1 010 millions au projet de budget 1964.

UNE AlDE ÉCONOMIQUE. Les surplus de la production algérienne (agrumes, primeurs et vins) ont été admis sur le marché français - Malgré l'hostilité des viticulteurs français, les 10 500 000 hectolitres prévus à l’accord franco-algérien de janvier 1963 ont été admis intégralement en France.

UNE AIDE TECHNIQUE IMPORTANTE.

18000 Français - 13000 enseignants, 5000 techniciens et agents de l’administration se trouvent actuellement à la disposition de l'Algérie au titre de la coopération.

LES BATIMENTS appartenant a l’Etat français en Algérie ont été ou vont être transférés l'Etat alqérien.

EFFECTIF DES TROUPES FRANÇAISES en Algérie a été ramené en dessous du chiffre prévu de 80000 hommes. L'évacuation totale (à l'exception des garnisons autorisées à rester pendant quinze ans) sera terminée on 1964, c'est-à-dire plutôt que les accords ne le prévoyaient.

VIOLÉS

• Les Français restant en Algérie, auraient dû garder le droit d’acquérir de céder la propriété de tous les biens meubles et immeubles, de les gérer, d’en jouir sous réserve des dispositions concernant la reforme agraire, ( Déclaration des garanties, 3eme partie.)

• Les Français quittant définitivement l’Algérie devaient pouvoir « transporter leurs biens mobiliers, liquider leurs immeubles et transférer leurs capitaux ». (Déclaration des garanties, 3ème partie )

• Pour la reforme agraire, « un plan de rachat préalable » des terres devait etre établi par l’Algérie et soumis à la France. (Convention économique, art. 13.)

• L'Algérie devait assurer « sans aucune discrimination la paisible jouissance des droits patrimoniaux acquis sur son territoire avant l’autodétermination », Nul ne devait « être privé de ces droits » sans indemnité équitable préalablement fixée. (Déclaration sur la coopération économique, art. 12)

• Aucune « mesure arbitraire ou discrimination » ne devait être prise « à l’encontre des intérêts, des biens et des droits acquis des ressortissants français » (Déclaration des garanties ) Or, la confiscation générale des terres et des journaux ne s’applique qu’aux Français.

• Une « Cour des garanties » (chargée de veiller au respect des droits des Français et composée de quatre magistrats : deux musulmans et deux Français ayant opté pour la nationalité algérienne) devait être créée. (Déclaration des garanties, chap. IV.) Elle ne l’a jamais été.

• Aucune mesure d’expulsion d’un ressortissant français, même « jugé dangereux pour l’ordre public », ne devait intervenir « sans que le gouvernement français ait été préalablement informé », En cas d’urgence absolue, « un délai suffisant devait être laissé à l’intéressé pour régler ses affaires en instances ». En outre « ses biens et ses intérêts » devaient être sauvegardés. (Déclaration des garanties, 3ème partie.)

• Il ne devait pas y avoir de mesures de police ou de justice, ni de sanctions « contre des Français ou des musulmans » en raison d’opinions émises avant l’autodétermination ou d’actes commis avant le cessez-le-feu ». D’autre part, aucun sujet algérien ne pourrait être « ni contraint de quitter le territoire algérien, ni empêché d’en sortir ». (Accord sur le cessez-le-feu, paragraphe B.)

RESPECTÉS

• Tout les engagements concernant l’exploitation pétrolière du Sahara, la location à la France des bases de mers El-Kébir, de Colomb-Béchar, Amaguir, Roggane et de plusieurs aérodromes, le stationnement des garnisons françaises, les conventions culturelles (écoles françaises, équivalence des diplômes, etc.)

• Le maintien de l’Algérie dans la zone franc. (Convention économique, art. 8.)

• La possibilité de transférer librement des fonds entre l’Algérie et la France, « compte tenu des impératifs du développement économique et social », (Convention économique, art. 10.)

• La faculté pour les ressortissants Français d’entrer et de sortir librement « sous le couvert de leur carte d’identité nationale ou de leur passeport ». (Déclaration de garantie, 3ème partie.)

• L’admission en Algérie, sans droit de douane ni restriction, des marchandises françaises. (Convention économique, art. 5.)

LES PIEDS-NOIRS

Q.- Pourquoi avez-vous nationalisé et si vite, les dernières terres françaises ?
R.- La donnée fondamentale est la suivante ; 1. 80% de notre armée de libération nationale sont constitués par des fellah; 2. 1 million de familles de fellahs ne possèdent pas de terre. En un mot notre économie est à base agricole et cela militait en faveur d'une action urgente et profonde dans ce domaine.

Q.- Vous voulez dire qu’il a toujours été dans vos intentions de récupérer ces terres ?
R.-
C'est exact.

Q.- était-il prévu par les négociateurs d’Evian ?
R.- Exactement. J'ai toujours pour ma part précisé que la réforme agraire serait totale, que ce serait une révolution agraire.

J'ai toujours précisé qu'elle se ferait vite.

Pour ce qui est de la décision que nous venons de prendre, je rajouterai que c'est la mesure qui a été la plus préparée de toutes celles que nous avons arrêtées. Nous avons prévenu le gouvernement français de nos intentions et nous l'avons averti quelques jours avant que la mesure soit prise. J'ai dit que je la prendrai avant d'aller à l’O.N.U...

Q.- N’est-il pas injuste de pénaliser ces Français qui étaient restés ? Qui avaient « parié » sur l’Algérie nouvelle ?
R.- Je vous répondrai ceci. Il y avait une attitude qui pouvait nous faire réfléchir : que ces colons prennent la nationalité algérienne I Très rares sont ceux qui l’ont fait. Pourtant ce pays a fait preuve d'une grande sagesse. C'est un miracle après tout ce qui s'est passé. Les touristes de cet été peuvent en témoigner, les gens ici ont été très corrects, ils ont été très gentils avec tous les Français isoles ou qui se sont promenés un peu partout dans le pays. Vraiment l'on peut dire que c'est un miracle : rappelez-vous qu'il y a un an, le général Gardy était à Oran où II s'est passé ce que vous savez. Le peuple algérien a une exceptionnelle puissance d'oubli. Aujourd’hui on peut souvent voir attablés sur la même terrasse, un officier de l'armée française et de notre armée, quand ils ne sont pas côte à côte.

Q.- Mais les récoltes ?
R.- J’ai promis que pour l’année elles reviendraient aux colons, elles leur reviendront. Sur le plan du droit de propriété il y avait une réparation rapide à faire à nos fellahs : il fallait la faire. Toute autre attitude n'aurait pas été comprise. Il y a d'autre part le phénomène d’autogestion qui devient le phénomène n.1 de l'Algérie, c'est une véritable contagion. C'est un succès, la terre est mieux travaillée qu’elle ne la jamais été ; c'est une réussite d'ensemble. Je dis d'ensemble, parce qu'évidemment les résultats sont techniquement inégaux. Il y a du frottement encore dans l'appareil administratif : c'est le même responsable de le S.A.P. (1) qui fait les papiers depuis toujours et ses papiers, il y tient !
L’appareil est encore là, qui n'est pas encore reconverti et cependant je le répète, l'expérience d’autogestion est une magnifique réussite.
N'avons-nous pas eu les plus belles récoltes depuis cinquante ans ?

Q.- Les Français qui ont pris la nationalité algérienne ont-ils conservé leur terre ?
R.- Oui, mais je vais vous dire, ce ne sont pas des petits colons qui sont restés mais surtout les grands colons. Borgeaud, il a fallu Ie nationaliser ainsi que Germain, Averseing, le comte d'Hespel. etc. Ceux-là, ils sont trop malins. Ils ne partent pas comme cela.

Q.- Pour en terminer avec ce problème n'êtes-vous pas allé un peu vite ?
R.- Dans une révolution il y a toujours 20% de mesures hâtives.

Q.- Allez-vous Indemniser /es colons expropriés ?
R.- Non, parce que je pense que leur exploitation est amortie depuis longtemps. Et d'ailleurs, où trouver cet argent pour Indemniser ? Le calcul - je ne sais pas ce qu'il vaut - a été fait par M. Guy Mollet, c’est 110 milliards de francs actuels pour les biens mobiliers et immobiliers.
Même avec tous les gaz et pétroles du monde, je ne pourrais pas payer. Je pense qu’il faut tourner la page. Cela a obéré la coopération.

NATIONALISATIONS

NOTRE VIN,
NOTRE GAZ,
NOTRE PÉTROLE,
NOUS POUVONS LE VENDRE SANS VOUS

Q.- Envisagez-vous d'autres mesures de récupération dans le domaine industriel et commercial cette fois ?
R.- Je vous ferai une réponse générale. Je veux faire en Algérie un socialisme révolutionnaire, cela implique la liquidation de tous les privilèges ou leur correction, mais assez rapidement perce que c'est une exigence fondamentale du peuple.

Q.- Laisserez-vous malgré tout un secteur privé ? ;
R.- Oui, maïs qui ne constitué pas un goulot d'étranglement pour notre socialisme ; le secteur nationalisé .doit être prédominant.

Q.- Vous allez nationaliser de nouvelles usines, de nouveaux commerces ?
R.- Oui.

Q.- N'allez-vous pas manquer de techniciens?
R.- Non. D'abord parce qu'à la base le système est bon. Ensuite parce que le plus dur est passé, à savoir l’année qui vient de s'écouler. Quand nous sommes entrés dans ce pays, c'était le désert administratif. Il n'y avait plus d'organisation. Nous avons créé un Etal à partir d'une fiction d'Etat de quelque chose qui n'existait pas. Nous avons dû prendre des biens que l'on appelle biens vacants, les gérer avec des moyens absolument infimes, sans Ingénieurs agricoles.

Voilà qu'au bout d'un an il y a des ombres au tableau, mais incontestablement c'est une réussite. Reste évidemment à élever le niveau de ces exploitations. Mais la technique, ça s’importe aussi. D'ailleurs, le problème qui se pose n est nullement celui de la sous-production comme l'avait pronostiqué notre ami René Dumont, mais celui de la surproduction. c'est-à-dire de la commercialisation et de la vente de nos produits. Cette année nous avons eu trop de tomates, trop de pommes de terre, trop de produits agricoles. Nous aurons peut-être une récolte d'olives ou de vin presque une fois et demi supérieure à l'habitude. Dans une région comme celle de Picard - c'est presque un miracle - nous avons du 22 hecto dans tout un arrondissement.

LE PÉTROLE

Q.- Allez-vous nationaliser les pétroles ?
R.- Non, je n'envisage pas de les nationaliser. Le pétrole, ça ne se boit pas, il faut le vendre à l'étranger.
Là aussi je pense qu'il faut discuter, c'est tout.

ÉVIAN

Q.- Evian est mort, n'est-ce pas ?
R.- Nous voudrions que la coopération soit dégagée du contexte d'Evian, nous voudrions une nouvelle coopération Voyez-vous il fallait arrêter cette guerre, il fallait faire cette paix, mais il faut dire aussi que tout ce qui a été conçu à Evian l'a été dans une conjoncture qui ne permettait pas de bâtir quelque chose de durable et de positif. Pour que la coopération soit viable. Il faut la repenser, éliminer les aspects négatifs.

Je pense que tous les petits ou grands privilèges obèrent cette coopération, qu'elle doit d'abord concerner la coopération technique, culturelle. Nous avons un besoin fou d'instituteurs, de professeurs. La France a fait un énorme effort pour nous puisqu'on Algérie il y a à peu prés l'équivalent de tout ce qu'il y a en

Afrique, Nous en voudrions le double, le triple, si c'était possible.

Q.- Ces instituteurs et professeurs, il faudrait peut-être les payer à temps?
R.- C'est vrai, mais il y a eu voici un an un rush d'un million de Français vers la métropole. On ne nous avait pas préparés à prendre en main ce pays. C'est déjà un miracle que nous ayons pu faire la rentrée des classes l'an dernier, payer les professeurs ; cela a pris du temps parce qu'il a fallu mettre en place une organisation, trouver des hommes, des techniciens capables de manipuler des machines mécanographiques. Cette année nous les avons : nous paierons donc les enseignants en temps voulu. Mais nous ne sommes pas les seuls fautifs, n'est-ce pas ? L'Algérie veut coopérer avec la France parce qu'elle pense que cela est utile et raisonnable pour les deux pays. La Franco aussi, pour faire une politique africaine, une politique arabe, doit conserver de bonnes relations politiques avec l'Algérie. Nous n'avons aucune hostilité contre ce qu'on appelle le génie français. Au contraire ! Je dis plus : lorsque la France veut pratiquer une politique d'indépendance, nous comprenons très bien cela, et nous l'approuvons parce que c'est exactement ce que nous faisons nous-mêmes. Nous voulons une Algérie souveraine qu'on traite en partenaire égal, peut-être en partenaire plus jeune qui vient à la vie avec des moyens réduits, maïs qui a des possibilités extraordinaires.

Ce pays est d'une richesse fabuleuse, et ce n'est pas le chef de l'Etat qui voue le dit mais quelqu'un qui connaît bien Algérie. En pétrochimie, II y a des possibilités Immenses. II y a aussi incontestablement une maturation extraordinaire qui s'est opérée depuis sept ans et demi ; notre peuple est prêt à tous les efforts. Il n'y a tout de même qu'à voir la rapidité avec laquelle ce pays s'est transformé au bout d'un an.

L'intérêt de la France, voyez-vous, c'est d'abord la coopération technique et culturelle dont je viens de parler. Le reste, la bataille pour l'Aletti ou la Dépêche d'Algérie , ce sont des petits coups d'épingle qui blessent la dignité de l'Algérien.

Le gouvernement français a d’ailleurs très bien pris la mesure du problème.

Q.- Sur le plan humain la nationalisation n'a-t-elle pas été un peu rude, notamment dans la presse ? Quand on ne peut pas critiquer le fond on critique la forme.
R.- Il y a un problème important : celui des ouvriers qui n'ont pas été payés. J'ai demandé : « Combien ça représente ? » j’ai dit : « Bon. je vais les payer » Et même je suis prêt à les reprendre. On les a repris à Oran, ils vont les reprendre certainement à Constantine.

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Paris-Match


 
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