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OÙ SONT LES ROSES DE FOUKA?
de Camille Gilles
Presses Pocket
  - 116, rue du Bac Paris
(Avril 2004)

 


3ÈME RÉGIMENT DE COMMANDO PARACHUTISTE

  3èm Compagnie

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P.114 à 118
La compagnie venait d’arriver en vue du village de Melouka. Leroy qui était toujours en éclaireur de pointe fit signe de la main, aussitôt les trente hommes qui suivaient comme un seul se jetèrent derrière les oliviers qui bordaient la route. En rampant le baron remonta jusqu'à Leroy.

—  Qu'est-ce qui se passe ?

—  En bas mon commandant, dans la mechta, ça semble anormal.

Le baron avec ses jumelles parcourut le panorama lumineux qui s'offrait à ses yeux : une vaste plaine ou plutôt, en raison de l'altitude, une vaste prairie semée de pierrailles et coupée de rochers. Autour, les méditas.

Même à la jumelle il était impossible d'y déceler le moindre signe de vie.

En avançant vers le village, la section du comman­dant M.R. entra dans l'odeur de la mort. Elle les attendait comme un nuage invisible, et elle s'étendait loin autour de la mechta.

Les plus anciens arrivaient à démêler l'odeur des cadavres d'animaux de celle des corps humains. Ils avaient l'habitude, depuis longtemps ils savaient faire la différence. Ils étaient même capables, certains jours, de la sentir avant, comme si elle était pal­pable.

Pour la première fois de sa vie, Marc se trouvait devant la mort à l'état massif, non pas celle liée à la rafale d'une arme automatique, celle de l'éclat d'une grenade mêlée à l'odeur de la poudre, mais celle du carnage.

—  Bon Dieu ! Quel massacre, ce village est vide, sans vie, mais il paraît encore plus vide avec tous ces morts.

Les habitants du village semblaient avoir été mas­sacrés, abattus en pleine course, alors qu'ils tentaient vraisemblablement de s'enfuir vers les montagnes, de l'autre côté, là où se trouvaient les militaires !

D'autres étaient parqués à l'intérieur des maisons, entassés en grappes sur le pas des portes, ou dans les cours.

D'après le nombre des cadavres, tous les habitants avaient été exécutés. Les animaux n'avaient pas été épargnés : les chiens, les chèvres, les moutons, les poules, les bourricots gisaient égorgés, certains les pattes raidies vers le ciel, comme dans un dernier sursaut de la vie.

—  Ah ! ben merde alors... Ah ! ben merde alors. Oh !... les fumiers... ne cessait de répéter Voldemar en roulant les « R » à la manière de Mme Popesco.

Assis par terre, sa MAT entre les jambes Marc regardait le spectacle qui s'offrait à lui, puis tout à coup il se leva, courut jusqu'à un olivier et vomit.

—  Putain de guerre.

Presque au même moment, Voldemar, comme un fauve, s'était levé à son tour, et avait braqué son F.M. en direction d'une petite maison en terre bat­tue.

—  Il y a quelqu'un là-dedans mon commandant, je suis sûr qu'il y a quelqu'un.

Marc l'avait rejoint ; d'un geste, Voldemar lui fit comprendre de se coller au mur et surtout de ne pas bouger.

Voldemar écouta à nouveau, il semblait « voir » le bruit plutôt qu'il ne l'entendait, puis tout à coup, il bondit en avant, le canon de son F.M. pointé vers la petite maison. Il s'arrêta derrière un mur de pierre, au-delà duquel s'étendait une courette.

Voldemar écoutait toujours. Le gros de la section, qui connaissait l'instinct du Russkoff, s'était mis en protection.

Alors, Voldemar, qu'est-ce qui se passe ? de­manda le baron.

—  Sais pas mon commandant, mais je suis sûr qu'il y a quelqu'un là-dedans.

T'as qu'à foutre une grenade, on verra bien.

Soudain une planche bougea, un peu de poussière se dégagea et un gamin de dix-sept ans apparut. Il avait affreusement peur, et son regard reflétait toute l’horreur dont il avait été le témoin. Il levait ses mains sur sa tête et il disait : « Ne me tuez pas, ne me tuez pas, je vous en supplie chef, ne me tuez pas... » puis avant de s'évanouir, il eut le temps de dire :

Je m'appelle Ahmed, j'habitais ici, au village de Sédrata, les fellagha ont tué tout le monde, c'est les fellagha, ne me tuez pas...

Toute la section était autour de Marc et du petit Ahmed qui maintenant n'avait plus peur. Il parlait en arabe et Marc traduisait.

Tout le village dormait, quand les fellagha sont arrivés, raconta le petit Ahmed. Ils avaient été repé­rés depuis longtemps par les fellahs qui travaillaient aux champs. Nous avons pensé que c'était le capi­taine qui commande la S.A.S. Il avait coutume de venir au douar avec ses hommes manger le couscous avec nous.

A peine arrivés au douar, les rebelles ont rassem­blé tous les habitants du village. Après avoir écarté les femmes et les enfants, ils conduisirent les hommes adultes ou adolescents dans le centre du village où les trois cent cinquante hommes furent parqués après avoir été détroussés, puis ligotés. Et puis ce fut le pillage. Aucune mechta ne fut épargnée. Le butin fut réparti entre les rebelles, ces valeureux soldats de la libération.  

Ces « moujahidines » sans peur et sans reproche.

Puis par groupes de cinq, ils firent sortir les hommes et, devant les femmes et les enfants rassem­blés en spectateurs, ils les tuèrent au fusil ou à la mitraillette.

Après avoir exécuté une trentaine d'hommes, ils firent entrer les autres dans les maisons, et, là, par les fenêtres, par les portes, pris d'une folie sanguinaire, les hommes de l'A.L.N. tirèrent sur eux. 

Après la tuerie, les Djounouds fouillèrent les mech­tas, tirant les blessés hors des maisons, ils se mirent à les achever à coups de couteau, à coups de serpe, à coups de pioche. Des corps furent retrouvés complètement décapités. Partout, dans les ruelles du village, des éclats de cervelle, des lambeaux de chair. 

Les femmes et les enfants qui étaient gardés à vue, non loin des lieux du massacre, assistèrent impuis­sants à la tuerie, entendant les cris de leurs époux, de leur père, de leur frère, avant d'être eux-mêmes exé­cutés. 

Un chauffeur de taxi qui venait vers Sbahi à quelques kilomètres de Sédrata, avec quatre passa­gers à bord, fut arrêté sur la route par des rebelles en uniforme. Il fut conduit au village de Molite Casbah Mechta. Enfermé dans une maison, il a vécu le drame des villageois. 

Il fut atteint l'un des premiers par une balle à l'aine ; il s'évanouit et ne revint à lui qu'à l'arrivée des militaires ; il était à côté d'Ahmed, lui-même blessé à la jambe et qui avait fait le mort, sous un monceau de cadavres mutilés. 

Le F.L.N. ne se vanta jamais de cette victoire.

P 131 à 135

Ce matin-là, Krim Belkacem, dans son Q.G. de Hamman Mélouane, avait rassemblé ses adjoints : Ouamrane, Chollal et Améziane

Il faut frapper un grand coup dans la région, avait expliqué Krim, les frères commencent à douter de nous, certains douars se sont ralliés à l'armée française.  

Dernièrement les « hommes peints » (Parachutistes.) et la Légion ont fait subir de lourdes pertes aux willayas d'Amirouche et de Chittani dans les Aurès.

« Pour reprendre en main la population qui com­mence à céder au découragement et qui accueille les hommes de la S.A.S. (section administrative spéciali­sée) et les «: commandos noirs » de Jean-Jacques Servan-Schreiber, cantonnés à l'Arba et à Rivet, mieux que les nôtres, nous devons de notre côté monter une action qui frappera la population musul­mane autant que les Européens... » 

Ce mercredi matin une patrouille du 9e R.I.C. qui se dirigeait en camion du côté de Souk-el-Haad et qui arrivait du Fondouk, croisa à quelques kilomètres de Palestro sur la N. 22, une vingtaine d'hommes armés et casqués qui semblaient rentrer d'une opération dans les gorges de Keddara, où, depuis quelques jours, l'armée avait déclenché une vaste offensive de nettoyage et de pacification.

Les jeunes appelés, du G.M.C. qui les conduisait à Lapérine où se trouvait le Q.G. opérationnel, firent un signe amical à leurs « collègues » qui répondirent par un large signe de la main accompagné d'un : « Salut les gars ! »

Ces militaires n'étaient autres que des hommes de Krim Belkacem qui avaient, pour la circonstance, revêtu des tenues de l'armée française.

Vers dix-huit heures, le commando de Krim, sous le commandement du colonel Ouamrane, arrivait en vue de Palestro.

Au bout d'un chemin se dressait la ferme de la famille Becker en vacances en métropole ; un soleil radieux inondait ce domaine de douze hectares situé au pied de la montagne. Tout était parfaitement calme quand le commando de Krim pénétra dans la cour.

Assis sur son tracteur qu'il rangeait dans le hangar, Alphonse Seruat dit à son père en voyant les soldats pénétrer dans le domaine : « Certainement une patrouille qui rentre d'opération et qui doit avoir soif... Tu devrais les inviter à boire un coup et ouvrir une de tes bonnes bouteilles pour la circons­tance.  

Mais en voyant la tête de ces soldats Alphonse Seruat comprit vite son erreur ; il sauta en toute hâte de son tracteur et courut en direction de la maison pour prévenir sa femme et son enfant. Il hurlait de toutes ses forces : « Claire, Claire, les fellagha ! Les fellagha sont là ! !... »

Quand elle vit Alphonse rentrer dans la grande pièce qui servait de salle à manger, poussé par un militaire arabe qui tenait un fusil de chasse à la main, elle poussa un cri.

Pendant ce temps, Ouamrane et ses hommes don­naient l'ordre à Lucien Seruat, âgé de soixante-sept ans, de remettre le tracteur en marche.

—  Comme cela les militaires n'entendront rien, avait dit Ouamrane au commandant Krim Belkacem, qui dirigeait les opérations. Le tracteur toussa une fois, deux fois, cracha un épais nuage de fumée noire, puis se mit en route.

La détonation se mêla aux bruits du moteur ; Lucien Seruat resta planté sur sa machine. Sa tête avait basculé en avant, sur le volant, et ses longs bras, secs comme du vieux bois, se balançaient dans le vide. Il était le premier mort de cette tuerie. 

Ouamrane et ses hommes rassemblèrent Alphonse Seruat, Claire, son épouse, Gérard, leur fils âgé de quatre ans et Jeanine Sintès, une parente, dans leur maison. 

Puis ce fut l'horrible massacre. Les hommes de Belkacem ouvrirent le feu sur leurs malheureuses victimes qui s'écroulèrent sur le tapis blanc du salon que Mme Becket leur avait offert comme cadeau de mariage. Ouamrane s'occupa personnellement du petit Gérard : il lui tira une cartouche de chevrotines à bout portant. Puis, avant de partir, un homme de la bande s'approcha une nouvelle fois des victimes et leur tira une balle de 9 mm dans la tête.

—  Je  ne  veux  aucun  survivant,  aucun  témoin, avait ordonné Krim.

Heureusement pour le petit Gérard, la balle que lui tira le  fellouze   dévia   sur   la   boîte   crânienne   et s’enfonça dans le tapis.  

Avant de s'en aller, comme pour signer leur crime, les fellagha  mutilèrent  affreusement  les  corps  de M. Seruat et de son fils Alphonse. D'un coup de  razoir, ils leur coupèrent les parties génitales et les enfoncèrent dans la bouche de Mme Seruat. Gérard restera le seul témoin de cette tuerie.  

Plus loin, à la ferme Bénéjean, située à quatre cents mètres de celle des Seruat, ce fut le même scénario. 

La famille Bénéjean venait de terminer les travaux de la ferme et s'était réunie dans la grande cuisine pour prendre un verre. Soudain, Lounici, le gardien musulman ouvrit la porte.

—  Monsieur Bénéjean, venez vite, il y a des mili­taires dehors qui ont arrêté M. André ; ils viennent vers la maison. 

Emile Bénéjean, que tout le monde, à Palestro, appelait familièrement « Milou », jeta un regard par la fenêtre et vit en effet son père entouré par des militaires en tenue de campagne qui le poussaient devant eux avec une mitraillette.

Ce n'est qu'une fois qu'ils eurent pénétré dans la cuisine qu'Emile comprit lui aussi qu'il ne s'agissait pas de Français mais bien de fellagha. 

—  Allez, tout le monde les mains en l'air et met­tez-vous contre le mur, dit Ouamrane qui s'exprimait dans un excellent français. Je viens des Aurès, je suis officier de l'armée de libération nationale ; n'ayez pas peur, nous ne vous ferons aucun mal ; nous ne sommes pas des assassins ! Donnez-nous de l'essence et votre argent.

—  Je n'ai que dix mille francs à la maison, répon­dit Emile Bénéjean, si vous le voulez bien, je vais aller les chercher pour vous les donner. 

L'un des hommes, armé d'une mitraillette, repoussa Ouamrane en arrière et dit à Emile Béné­jean

—  Tes dix mille balles, tu peux te les mettre au cul, je n'en ai rien à foutre, ce que je veux, ce sont tes armes. 

—  Je vous en supplie, prenez tout ce que nous avons, mais ne nous tuez pas ; nous ne sommes que des ouvriers qui travaillons la terre pour vivre. 

—  Pour nous, vous êtes des roumis, des chiens, des serpents galeux. 

Mme Bénéjean s'approcha de son mari et lui prit la main. C'est ainsi qu'ils moururent, tandis qu'André Bénéjean ne fut que légèrement blessé à l'épaule. 

Les croyant tous morts, les fels allèrent chercher des jerricans d'essence, arrosèrent abondamment la maison et y mirent le feu, avant de s'en aller vers une autre ferme gérée par un autre Européen, M. Mary

Comme les deux autres, celle de M. Mary n'était qu'à une centaine de mètres à peine de la route nationale qui mène à Constantine. 

Heureusement pour lui, M. Mary s'était absenté de sa ferme pour acheter des cigarettes au village de Palestro

Fous de rage, les fels tuèrent toutes les bêtes de l'étable et même le chien, Ritou, qui était attaché à une chaîne dans la cour.

Quand M. Mary revint, sa femme brûlait et il découvrit le corps de Ritou criblé de balles.

.... 

 


 
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