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Témoignage de Mr. JOSÉ SANCHEZ

«l’Agonie d’Oran»de Geneviève de TERNANT
(éditions J Gandini - Calvisson)

Témoignage de m. JOSÉ SANCHEZ

P. 59 à 63

Objet : Plainte contre le Général Katz

Nous étions le lundi de Pentecôte en 1962. Nous habitions à la cité Jourdin (Castors de l'Arsenal à Oran) dans un petit immeuble de cinq étages, au croisement des routes allant à Arzew, à Dar Beida, à Saint Eugène, au Port, à Gambetta. Juste en face de notre immeuble légèrement sur la droite à l'intersection des routes allant à Arzew et Gambetta se trouvait le garage de la Sotac, derrière celui-ci il y avait une caserne de CRS, laquelle fut occupée par les barbouzes quelque temps auparavant.

De celle-ci partait tous les matins un escadron pour effectuer des bouclages et des perquisitions quartier par quartier chez l'habitant. Une fois leur besogne accomplie, ces hommes rentraient à leur caserne avec armes et bagages y compris les automitrailleuses.

Quelque temps avant le jour de la Pentecôte, au moment de leur arrivée, ils se firent attaquer par un commando de l'OAS équipé d'une mitrailleuse 12/7 depuis la terrasse de notre immeuble, la riposte fut immédiate, les barbouzes arrosèrent la façade de notre bâtiment, le criblant de balles de gros calibre. Le lundi de la Pentecôte à leur retour vers quinze heures trente, ils se firent intercepter de nouveau par un commando de l'OAS depuis notre terrasse. Nous étions encore à table, mes parents vivant avec nous ma femme qui était enceinte de six mois, notre fils âgé à l'époque de trois ans, et mon frère que nous avions invi­té.

La riposte ne se fit pas attendre par des barbouzes, ils arrosè­rent de nouveau la façade, et prirent d'assaut notre immeuble, ils éventrèrent la porte d'entrée, de même que celle du bar qui se trou­vait au rez-de-chaussée à droite du couloir dans la cage d'escaliers. Comme ils ne trouvèrent personne, ils commencèrent l'assaut de la cage, en lançant des grenades offensives devant les portes palières (deux par étage), toutes volèrent en éclat au niveau de la serrure.

En arrivant chez nous au troisième, deux barbouzes nous rouèrent de coups de crosses mon frère et moi, devant notre famille. Ils lais­sèrent dans l'appartement mes parents âgés, mon fils s'étant blot­ti contre mon père et ma femme qui s'était écroulée évanouie par terre.

Nous fûmes jetés dans les escaliers, où à chaque palier, on nous recevait à coups de crosses, de menaces et d'injures.

Nous nous sommes retrouvés dans le bar une quinzaine de voisins. A un moment arriva un lieutenant avec un revolver à la main; il dit :

"II n'y a plus personne dans le bâtiment, on peut les emmener".

Le barbouze qui était à côté de moi, alors que je me trouvais le premier le plus près de la porte, me commanda de sortir par celle-ci qui était fermée, constituée de deux vantaux en petit bois et de grandes vitres.

Comme je lui fis remarquer qu'elle était fermée, il tira cinq balles de mitraillette entre mes jambes, mais celle-ci s'enrailla, la plupart des balles ricochèrent sur le sol et firent voler en éclat les vitres de la porte, alors le barbouze me poussa et je dus passer à travers la porte, je mis les mains en avant pour protéger mon visage, en pas­sant je me blessais au front, au poignet droit, au genou droit et à là cheville droite, j'en garde encore aujourd'hui les traces.

Pour accéder au bar de l'extérieur il y avait trois ou quatre marches, je me trouvais donc déséquilibré, et je tombais par terre, je fus reçu à coup de pieds. Mon frère passa aussi au travers de la porte et fut déséquilibré, il trébucha aussi dans les escaliers. Un officier le reçu à coup de pieds. Il déchira son tricot avec le canon de son revolver encore fumant, cela lui brûla l'épaule, je m'interposais, mais il me reçut par un croche-pied.

Je fus donc plaqué contre le mur, le lieutenant dit : "dès qu'il y en aura dix on les fusille". Le sang coulait de mon front, de mon poi­gnet, de mon genoux, et de ma cheville.

On nous emmena à la caserne qui était à deux cents mètres environ à pied. Arrivés là on nous plaça contre un mur en plein soleil, on prit les gens un par un pour interrogation dans un bureau, j'étais là depuis plus d'une heure quand arriva un haut gradé, l'interrogatoire se poursuivit. Les barbouzes se chargeaient de nous faire relever les mains à coups de crosses à tout bout de champs.

Lorsque tout fut terminé, ils s'inquiétèrent de mon sort, je ne voyais plus clair,

j'avais attrapé une insolation, le sang ne coulait plus, mais le mur était taché. Le commandant ordonna alors de me soigner, et de m'interroger. Comme je lui dis que j'habitais dans l'immeuble en question, il voulait à tout prix que je donne la preuve, car pour eux je faisais partie du commando de l'OAS. Un gradé leur dit que de la façon dont j'étais habillé cela pouvait être possible que j'y réside. Après une bonne heure de nouveau au soleil, deux camions arri­vèrent. On nous embarqua, il faisait presque nuit lorsque l'on arriva au collège Ardaillon. On nous mit des menottes, on nous donna un lit de camp.

Nous eûmes droit de nouveau à un nouvel interrogatoire, mais cette fois par des gendarmes dont les parements du képi était blanc, ceux-ci établirent une fiche pour chacun de nous, ils nous accusaient de faire partie de l'OAS, ou alors de leur donner des noms de personnes impliquées, quelques uns répondirent par Salan, Challes, Jouhaud, ce que tout le monde savait, ils furent mis à l'écart, je ne les ai plus revus.

Le surlendemain sur intervention de l'amiral de la base de Mer-el-Kébir, nous fûmes libérés, la plupart d'entre nous travaillaient à la DCAN.

On nous relâcha un par un, comme j'insistais je pus partir avec mon frère.

Quelle surprise nous attendait à l'extérieur, à tel point que nous avons rebroussé chemin, mais les gendarmes avaient fermé les portes derrière nous, nous fûmes accueillis à coup de pierres par de jeunes arabes d'une quinzaine d'années, heureusement une frise de barbelés nous séparait d'eux, nous dûmes marcher à quatre pattes.

Lorsque nous arrivâmes chez moi la porte d'entrée de mon appar­tement était éventrée et entrebâillée, il n'y avait personne à l'inté­rieur, je fis un tour dans toutes les pièces, et me résignai que ma femme mon fils et mes parents étaient partis. Nous avions un oncle et une tante qui habitaient à St Eugène à la rue Fustèl de Coulange, nous décidâmes d'y aller, effectivement ils étaient là.

Ma femme m'avoua que lorsqu'elle revint à elle, elle était mouillée comme si elle avait uriné, elle avait donc perdu ses eaux.

Nous sommes rentrés en France le 29 juin 1962, le jour où l'OAS fit sauter les dépôts de pétrole du port d'Oran. Nous avons été hébergés par des cousins à Grenoble. J'ai trouvé rapidement du travail à Lyon. Nous nous sommes installés à Villeurbanne le 7 juillet 1962, mes parents nous ont rejoints une semaine plus tard.

Ma femme me disait souvent qu'elle ne sentait pas le bébé. Le 28 septembre en rentrant du travail, je trouvais ma femme couchée, elle était toute rouge, comme c'était approximativement la date de son accouchement, je compris que quelque chose de grave s'était produit. Il était dix-neuf heures environ, je lui dis habille-toi nous allons à la clinique.

Je ne connaissais pas Lyon, mais j'avais entendu parler de la Clinique du Parc, nous partîmes donc à la recherche de cet établissement, c'était une grande clinique, mais il n'y avait pas de service accouchement, une religieuse s'occupa de nous, elle nous dit d'aller en face où se trouvait une autre cli­nique spécialisée. Dans celle-ci on ne daigna même pas l'auscul­ter, nous sommes retournés à la clinique du Parc où la religieuse s'occupa de nouveau de nous, elle fit venir le professeur Roux, lequel après examen diagnostiqua que la situation était très grave, il appela lui-même la clinique St Augustin à la Croix Rousse 12 rue Jean de Bournes, il m'expliqua le chemin, je lui demandais le mon­tant de ses honoraires, il me dit que c'était gratuit, mais dépêchez-vous d'y aller on vous attend.

Lorsque nous sommes arrivés une doctoresse gynécologue nous attendait, lorsqu’elle examina ma femme, elle se précipita sur le téléphone et appela un confrère, en attendant son arrivée qui pour moi dura des heures, elle commença la préparation pour une opé­ration, elle me prit à part et me dit que le bébé était mort depuis longtemps, par contre elle me dit aussi que ma femme était empoi­sonnée par le foetus, qu'elle attendait la venue d'un spécialiste. Lorsque celui-ci arriva et après examen, il me dit que la situation était très grave, le bébé étant décédé, il ne pouvait pas pousser, il me dit que l'on allait tenter l'impossible, sinon il faudra faire une césarienne, mais que dans ce cas, il ne garantissait pas !a vie de ma femme.

J'ai assisté à l'accouchement : au bout d'une heure environ la doctoresse, après concertation avec son collègue, monta sur une chaise et de là, elle enjamba la table d'opération et se mit à califourchon sur le ventre de ma femme, elle aida ainsi à l'extraction du fœtus, lequel était de couleur marron foncé.

Le doc­teur transpirait à grosses gouttes. Il me dit : "voilà une première et bonne chose de faite, mais votre femme n'est pas hors de danger, nous allons la garder quelque temps afin de pouvoir la sauver".

Je suis allé à l'église de la place Grandclément à Villeurbanne, et j'ai prié la Vierge de Santa Cruz avec toute ma ferveur pour qu'el­le sauve ma femme.

Aujourd'hui grâce à Dieu elle vit encore, c'est peut-être un miracle, mais depuis elle a de l'hypertension. Moi-même j'ai attrapé du diabète depuis cette date, heureusement il n'est pas très important, aujourd'hui j'en suis à deux grammes

avec médicaments.

Nous ne pourrons jamais oublier cette tragédie, qui a bouleversé complètement notre vie.

Après avoir fait un curetage à ma femme, nous allions tous les trimestres afin qu'elle passe une visite.

Notre fils aîné a vécu avec le traumatisme du sifflement des balles jusqu'à l'âge de dix ans.

A cause de Katz, j'ai perdu un enfant, et j'ai failli perdre ma femme

de plus je l'accuse de non-assistance à personne en danger.

 

José SANCHEZ

 

 

 


 
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