Monsieur le secrétaire d’état aux anciens combattants a
répondu à Monsieur le député de l’Isère Richard Cazenave,
au sujet d’un courrier du CRI concernant le massacre
du 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger.
Monsieur Mékachéra a répondu par une lettre du 16 juin
2003 :
« ''Par lettre du 7 avril 2003, vous avez
bien voulu me communiquer un message du "Collectif des
Rapatriés Internautes" relatif à la fusillade de la rue
d'Isly à Alger le 26 mars 1962.
Il est parfaitement compréhensible que les victimes survivantes
de ce drame et leurs descendants veuillent perpétuer la mémoire
des évènements douloureux qu'ils ont vécus.
Pour répondre à votre demande d'information, je suis en mesure
de vous préciser qu'il s'agissait d'une manifestation interdite,
organisée à l'instigation d'un groupe, "OAS" qui agissait
hors des lois de la république et avait fait de la violence un
moyen d'action qui fit de nombreuses victimes sur le territoire
métropolitain et en Algérie. Ce jour là, si la manifestation à
débuté de façon pacifique, des tirs ont été dirigés contre les
forces de l'ordre et l'armée, celle ci ayant alors brutalement
riposté.
C’est la raison pour laquelle il apparaît difficile de
commémorer cet événement de façon officielle. De plus,
l'indemnisation des victimes et de leurs descendants ne pourrait
se faire en l'état de la législation du code des pensions
militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Cela n'empêche nullement d'éprouver de la compassion pour les
victimes entraînées, le plus souvent à leur corps défendant, dans
une tragédie qui symbolise celle de la France et dont on peut
comprendre qu'elle reste encore légitimement au cœur de la
conscience de certains de nos compatriotes.
Je vous prie de croire, monsieur le député, à l'assurance de ma
considération distinguée.
Bien à vous
Hamlaoui MEKACHERA''
---==oOo==---
Réaction de Georges Clément
10 septembre 2003
La France, indigne comme au premier jour ?
Monsieur Mékachéra est secrétaire d’état aux anciens
combattants, certains s’étaient réjouis de sa nomination, moi pas.
Certains arguèrent alors de l’ancienne condition militaire du
ministre comme d’un certificat de patriotisme qui aurait du le
placer, voici quarante ans, aux côtés de ceux qui luttaient les
armes à la main pour la sauvegarde d’un destin français des
départements d’Algérie, ils se sont trompés. Monsieur
Mékachéra fit pourtant partie de ces Français musulmans de
l’Armée française dont des historiens, comme le général Faivre,
tirent la preuve que la cause de l’indépendance - et celles du FLN,
de l’arabité et de l’islamité réunies - étaient minoritaires en
1962. Et c’est ainsi que l’algérianité d’origine du secrétaire
d’état pouvait le mettre du côté des habitants de son ancienne
province natale qui mirent leurs vies au bout de leur patriotisme.
Et bien non ! La preuve vient d’être administrée que la
position de ministre que l’on fit à monsieur Mékachéra
devait plus à son appartenance à la communauté musulmane de France
qu’à sa naissance dans l’Algérie française ou à sa carrière
militaire.
De plus, il est donné à voir – et de quelle façon – qu’il n’est
toujours pas de poste officiel possible sans allégeance au
gaullisme ou à son ombre portée, le gauchisme. En l’occurrence,
monsieur le secrétaire d’état pare sa réponse au député de l’Isère
Richard Cazenave des plus beaux atours et mensonges du
parti de cet ancien président de la république qui fit « don de
nos corps » - européens et harkis mêlés – aux républiques
algérienne et française libérées l’une de l’autre : à la
république populaire d’Algérie pour la débarrasser d’une engeance
qui aurait terni son arabité et son islamité, à la république
française pour lui ouvrir les portes de l’internationalisme
prolétarien dans lequel elle se vautra dés 1968 avec délectation.
Quels atours ? Quels mensonges ?
La forme d’abord est celle, parfaitement conservée, de la
rhétorique gaulliste, christo-progressiste et communiste des
années 60.On croirait ce texte du 16 juin 2003 sorti de journaux
comme La Croix, le Figaro ou l’Humanité du 27 mars
1962. Tout y est ! C’est du Vitalis-Cros de la plus belle
eau, de l’Ailleret revu et corrigé, du Tricot, du
Fouche, du Messmer, du… de [Gaulle !
Les mensonges, eux, sont innombrables, et surtout les plus gros
: l’oubli du contexte, des motivations, de l’enjeu national,
humain, et même, des circonstances atténuantes accordées à
Salan deux mois plus tard par le Haut Tribunal Militaire.
Là encore tout y est ! « L’interdiction de la manifestation
» qui autorisa certainement à tirer à hauteur d’hommes sur une
foule désarmée comportant des femmes et des enfants, au fusil
mitrailleur et pendant douze minutes ; l’action de l’OAS « hors
des lois de la république », lesquelles ? Celles de la
constitution bafouée ? Des internements administratifs ? Des
polices parallèles ? Des tirs sur les façades ? ; « les tirs
» fantômes « dirigés contre les forces de l’ordre et l’armée
» alors qu’il n’y avait, rue d’Isly que des Tirailleurs et
qu’aucun tir - ni poste de tir - n’a pu être identifié, ni prouvé,
par aucune enquête publique ou privée depuis quarante ans ; et
l’absence des victimes, au moins de leur nombre : 87 morts
sans compter les blessés enterrés à la sauvette sur ordre de la
préfecture de police…
Monsieur Mékachéra oublie-t-il les circonstances qui
entourèrent ce massacre ? Se souvient-il seulement du siège de
Bab el Oued qui décida le colonel Vaudrey – commandant
l’OAS d’Alger – à appeler à la manifestation (sans armes et
sans cris) pour obtenir la lever du blocus d’un quartier privé
depuis trois jours de lait pour les nourrissons et de
soins pour malades et blessés ? Le secrétaire d’état n’a pas
du lire toutes les études (Celles de Francine Dessaigne et
Marie-Jeanne Rey par exemple) qui depuis quarante ans
accumulent témoignages, analyses scientifiques, et enquêtes sur la
présence – ou l’absence – des fameux « tireurs ». Combien
apparaît évidente, en 2003, la préméditation, l’organisation du
piège, le choix de la troupe (le bataillon de tirailleurs) et le
refus de nombreux officiers de participer à l’attentat qui se
préparait.
Combien les multiples fusillades qui entourèrent celle de la
rue d’Isly comme des pétales le cœur d’une marguerite,
prouvent la détermination de tuer des civils, de casser la
population européenne d’Alger – et quelques musulmans francophiles
au passage – afin de détruire en elle toute velléité de résister.
Aujourd’hui, l’Histoire est connue et l’analyse ne permet plus
l’envoi d’une réponse dont on ne sait s’il faut la qualifier
d’ignorante ou d’ignoble.
Le secrétaire d’état aux anciens combattants devrait savoir que
le ministère qui lui est confié régit des associations qui avaient
fait le serment, en 1957 à Alger, de combattre par tous les
moyens l’abandon de l’Algérie. Un certain Bourgoin qui en
était le président le prononça qui oublia de le tenir. D’autres,
ses alter ego, ont respecté leur parole qui combattirent l’infamie.
La question se pose, comme elle se posa pendant l’occupation, de
savoir si la république – ou la France – était visée par l’OAS, ou
bien la politique du général de Gaulle ? Pour notre part,
nous considérons que si le régime de Vichy ne peut-être
confondu avec la France, celui du général de Gaulle ne peut
l’être avec la république.
Et puis, monsieur Mékachéra ne dirige-t-il pas le
ministère le plus éminemment historique ? Celui le la mémoire des
plaies et des tragédies de la nation ? N’aurait-il pas du être
mieux et plus éclairé sur celle du 26 mars 1962, et ceci quarante
ans plus tard ? Ne pouvait-on espérer de la part de celui qui fit
le choix de servir dans l’armée française, et donc celui de la
France, une « confraternité » avec ceux qui ne voulaient
pas d’un fossé entre leur patrie et leur nationalité ? Ces hommes,
ces femmes, ces enfants qui furent hachés par les FM,
n’offraient-ils pas leurs vies pour que le ministre pût retourner
mourir en terre française, pour qu’un officier français pût finir
sa vie et reposer dans sa terre natale demeurée française ?
Mais certes, il ne peut y avoir de Français d’Algérie, musulman,
chrétien ou juif, qui puisse, sans risque moral, s’asseoir à la
table d’un conseil des ministres présidé par un gaulliste. Quand
on le fait on épouse la grande ombre. Souvenez-vous, monsieur le
secrétaire d’état qu’une autre avant vous, en pleine débâcle de
1961/62, accepta un secrétariat d’état à la condition féminine qui
consista à organiser et cautionner l’exil, la mort et
l’enfermement de ses sœurs d’Algérie, elle s’appelait Sid Cara.
Sachez le, rien n’est gratuit en ce monde, pas même la dignité de
ministre.
Enfin, qu’il nous soit permis de dire à monsieur Mékachéra
que les Français d’Algérie n’ont guère besoin de « compassion
» eux qui furent la passion nationale incarnée, ce dont ils ont
soif c’est de justice, de reconnaissance et de considération
pour l’œuvre accomplie.
Georges Clément
|