Des bandes magnétiques et des films
sur les événements de la rue d’Isly
mis en lieu sur à l’etranger ?
Transmis pour le Site par Simone Gautier |
Extrait de : « La bataille de
l’OAS »,
d’AXEL NICOL
(Ed. Les sept
couleurs, novembre 1962)
L’auteur ne fait
pas mystère de son appartenance à l’OAS.
Le 26 mars il se
trouve place de la Poste mêlé à
la foule. Il
remarque, chose insolite « il y avait des soldats sur les terrasses, notamment
sur celle de l’agence Havas ». Son chef lui a dit son inquiétude, qu’il n’était
pas possible « d’arrêter ça » (la manifestation) et ne lui a donné aucune
directive. Désemparé il revient vers le boulevard Saint Saëns et se rend chez
une amie.
« A peine arrivé j’entendis claquer les premières
rafales. Tout de suite le feu prit une intensité impensable. C’était un
roulement continu, si dense qu’on n’en définissait pas
la
nature. On
aurait dit le grondement d’une cascade. Il diminua un moment pour reprendre de
plus belle. Nous nous entre regardions terrifiés… »
Le lendemain à son
bureau il reçoit des renseignements :
« on racontait des histoires qui dans un autre contexte auraient paru
incroyables. Des soldats avaient marqué à
la
craie W4
(willaya 4) sur leurs casques. La chose me fut rapportée un grand nombre de
fois….un civil vietnamien avait été trouvé tué par une balle perdue sur un toit,
un fusil mitrailleur à ses côtés ».
Ces détails
avaient leur valeur mais n’étaient pas contrôlés. Ce qui importait au premier
chef c’était la concordance des récits. La foule avait été prise au piège
comme dans une nasse.
« Bientôt j’eus dans les mains des photographies de la tuerie, suivies d’autres
prises à
la
morgue.
En
fin d’après-midi, on m’apporta plusieurs boîtes extrêmement précieuses. Presque
toutes les caméras, les appareils photographiques des reporters français et
étrangers avaient été saisis par les CRS ou les gendarmes mobiles et les
pellicules détruites.
Deux
américains, l’un travaillant pour CBS l’autre pour une compagnie américaine dont
j’ai oublié le nom, avaient réussi à sauver leurs films et enregistrements. Ils
étaient accompagnés d’un membre de l’organisation à qui ils passaient les
bobines impressionnées au fur et à mesure… »
L’auteur les
reçoit avec mission de les expédier en métropole pour leur acheminement pour le
Canada et les USA.
Il veut en garder
une copie mais il n’y a pas à Alger de laboratoires capables d’exécuter ce
travail.
« Je
dus abandonner ce projet, toutefois je pris un duplicata des bandes magnétiques.
Ce
document unique réalisé au cœur même du feu était hallucinant. Il débutait par
un bruit d’ambiance de foule. Au loin on chantait la Marseillaise, à côté de
l’opérateur, des gens parlaient, on les entendait très distinctement. Une voix
juvénile disait : « Ah, vous connaissez ma sœur ! ». Puis c’était la fusillade,
les cris des blessés, les râles … ».
Plus loin il précise :
« Il est à noter que les enregistrements sont
d’une technique parfaite. On y entend le vrombissement lointain d’un
hélicoptère, le bruit d’un klaxon situé au moins à
200
mètres
à vol d’oiseau puisque le périmètre de la manifestation était interdit à la
circulation des automobiles. On n’y perçoit pas une seule sommation, pas un seul
de ces coups de feu préliminaires tirés sur le service ordre, si l’on en croit
la version officielle... »
Le précieux colis
fut acheminé vers l’Amérique. Où est maintenant le duplicata des bandes
magnétiques ? Le pseudonyme gardant bien son secret, nous ne le saurons pas.
Il reste qu’il se
dégage de ce livre bien vite écrit après les événements, un accent de sincérité
et des détails qui confirment qu’ils furent vécus. Le civil vietnamien tué dont
aucun journal n’a parlé apparaît ici pour la première fois, de même que la
destruction des pellicules par le service d’ordre.
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