Ce lundi 26 mars 1962, à 14 heures 50
à l’horloge de la Grande Poste
Transmis pour le Site par Simone Gautier |
14 heures 49 minutes 59 secondes,
dans une seconde ces
tirailleurs,
issus d'on ne sait d'où,
vont faire un carnage en
tirant sans sommation sur
la foule désarmée.
Ce
lundi 26 mars 1962, à 14 heures 50 à l’horloge de
la
Grande
Poste,
une foule française a été mitraillée par ses propres soldats, sur ordre du
sommet de l’Etat.
Bâb
el Oued, quartier populaire, était devenu au bout de trois jours un enfer, un
ghetto : blocus, ratissage, déportation des hommes, appui aérien et blindé…
Dans un élan de solidarité toute la population d’Alger se rassemble au Plateau
des Glières pour une marche pacifique vers Bâb el Oued par la rue d’Isly, seule
voie restée possible pour s’y rendre.
La
manifestation est interdite et il faut la briser par tous les moyens : contre
une foule désarmée et pacifique se met en place un dispositif de guerre :
gendarmes, CRS, troupes du contingent, compagnies de tirailleurs…
Pourquoi alors aucune décision de couvre feu ?
Pourquoi la foule n’est pas informée que l’ordre est d’arrêter la manifestation
par tous les moyens, au besoin par le feu ?
Pourquoi met-on en place des tirailleurs musulmans venus des djebels,
transbahutés depuis des jours d’un endroit à l’autre, fatigués, nerveux, n’ayant
aucune pratique du maintien de l’ordre en milieu urbain ?
Pourquoi enlève-t-on de la rue ceux qui justement ont l’habitude du maintien de
l’ordre et des manifestations publiques ?
Pourquoi tous les PM et fusils mitrailleurs des barrages sont approvisionnés et
armés ?
14
heures 50 à l’horloge de
la
Grande Poste.
Sans qu’il y ait eu provocations, sans sommation, la première rafale mitraille
la foule à bout portant et dans le dos. Elle est suivie d’une fusillade
généralisée. C’est la tuerie. On tire sur la foule de tous les barrages.
Les
armes ne sont arrêtées qu’après épuisement des munitions.
Plus de 80 morts et plus de cent blessés. Parmi les morts le plus jeune était un
bébé dans les bras de sa mère, morte elle aussi, réfugiés dans une pharmacie.
Et
eux ? Ce qu’ils avaient fait, ils ne voulaient pas que le monde le voie. On s’en
prend aux caméramans dont on détruit les films, aux agents de presse qu’on
menace de mort, aux journalistes étrangers qu’on fait fuir. Les preuves sont
détruites.
Les
corps ne seront pas rendus aux familles. Ils seront enfermés dans leur
cercueil, dans la nuit, pendant le couvre feu. Au petit matin ils seront
transportés à la sauvette, dans des camions bâchés pour être dispersés dans les
cimetières d’Alger. Ils seront enterrés dans des fosses hâtivement creusées,
avec une bénédiction hâtive. Il n’y aura aucune autopsie.
Les
films et les photos ont disparu, les cadavres ont disparus, les preuves
médicales ont disparu, les documents officiels sont portés disparus...
« Circulez, il n’y a rien à voir, il ne s’est rien passé »!
Ce
sera la chape de silence qui dure depuis 43 ans.
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