André LORÉ
Lettre à son
neveu Patrick
Recueilli
pour le Site par H.Cuesta |
Je vous adresse la copie du courrier que j’envoie à mon
neveu.
Bien qu’il
soit très intéressé par notre histoire, il ne connaît pas certains aspects de
cette guerre.
Regardez autour de
vous, à part les initiés, combien connaissent le calvaire qu’ont subit les
Pieds-noirs, les Harkis et d’une façon générale le malheur de la population
algérienne qui croyait aux promesses de la France ?
Copie
du Message
à PATRICK
sur le 26 MARS 62 à ALGER
30 mars 2006
Mon cher neveu,
Merci d'avoir lu
mon message sur le 26 mars à Alger. Tu me réponds:
"stupéfiant, je l'ignorais".
Malgré les efforts que nous avons fait pour vous informer de tous les mensonges
qui sont enseignés à l'école, nous n’avons pas réussi à diffuser efficacement
ces vérités.
Par raisons
d'état, mais aussi par le véritable lavage de cerveau, insidieux, distillé jour
après jour à nos enfants et petits enfants, vous avez été maintenus dans
l'ignorance par les mêmes qui mènent aujourd'hui notre pays à l'abaissement des
valeurs morales, de tout sentiments de patriotisme et de fierté. Valeurs qui
pourtant prédomines dans tant d'autres pays.
Je me souviens
quand tu était adolescent et étudiant, les soirées que nous passions à parler
de l'histoire de la guerre d'Algérie.
Malgré ton vif intérêt et les questions que tu me posait, je me rends bien
compte que face au politiquement correct et à ceux qui ont fabriqué la légende
d'infaillibilité de ceux qui dirigeait la France dans les années 60, je ne
faisait pas le poids. Pourtant petit à petit des vérités éclatent et c'est sur
la lucidité de notre jeunesse que nous devons compter.
Tous ceux qui ont
vécu cette période, acteurs ou témoins, ont le devoir de rétablir des vérités
que nul ne peux sérieusement contester. Il ne faut jamais baisser les bras et
dire cela fait 44 ans qu'on le répète. Il ne faut pas avoir peur de crier la
vérité, ne pas céder à la lassitude et aux pressions qui s’exercent sur
nous par ceux-la même qui redoutent d'être démasqués et qui font tout ce qu'ils
peuvent pour empêcher les français de comprendre combien ils se sont
stupidement et lâchement
comportés.
Quelques
compléments d’informations sur le 26 mars 62: j'ai le témoignage écrit du
Capitaine Didier KLING de Cagnes sur Mer: lieutenant commandant la
Compagnie de passage et Commandant de la Harka du sous-secteur de Maison Carrée,
au 45ème Régiment de Transmissions. Il était chargé de recevoir,
d'héberger et nourrir les militaires de passage. La veille de la fusillade,
il reçoit l'ordre d'accueillir une unité de tirailleurs
algériens. Un sous-officier signale au lieutenant Kling que
ses hommes ont été intrigués par l'allure de ces tirailleurs qui lorsqu'ils
ont sortis leurs casques lourds, ont vu inscrit à la peinture blanche sur le
casque léger: W 3 (Pour
les non initiés:le casque léger est en plastique, il reçoit par dessus le casque
lourd en métal). W 3 est le terme employé
pour désigner la Willaya 3.
Le lieutenant
KLING avait apprit que depuis la signature des accords d’Evian le 18 mars
1962, on préparait l’intégration d’éléments de willayas dans le corps français
en vue des passations de pouvoir. Il fit de suite un rapprochement avec la
willaya 3 »
Le lieutenant
Kling rend compte de cette anomalie au chef de Bataillon, qui lui dit
qu'il ne sait pas, lui non plus, d'ou viennent ces hommes, qu’ils ont été
envoyés en renfort ces derniers jours. Ce commandant s'est t'il inquiété
auprès de sa hiérarchie et quelle réponse lui a été faite? Nous ne le savons pas
et il est certain que nul au 45ème R.T. ne peut imaginer ce qui va se passer le
lendemain.
Le lendemain matin
26 mars, tout le Bataillon réembarquait à destination d’Alger et le lieutenant
Kling apprit dans l’après-midi ce qui s’était passé par des militaires du
contingent qui écoutaient sur leurs transistors ces événements.
Le capitaine (h)
Didier Kling affirme que ces tirailleurs n'ont
passé qu'une seule nuit dans son casernement, ils sont partis en fin de matinée
le 26 mars 1962 et il ne les a plus revus. Il a été obligé de faire un rapport
de perte pour les équipements qui n'ont pas été rendu.
Un
autre fait connu, le colonel commandant le 4ème R.T.A (Régiment de Tirailleurs
Algérien), a fait part, avant la fusillade, à ses supérieurs, de sa
désapprobation et du danger que représentait l'utilisation au centre d'Alger de
troupes venant du djebel et pas du tout préparées à ce type de mission au milieu
d"une foule dense et désarmée, composée d'hommes, de femmes, de vieillards,
d'enfants, d'anciens combattants portant leurs drapeaux.
La hiérarchie est passée outre
aux réserves exprimées par le colonel commandant ce régiment, pourquoi?
Et sur ordre de quelle autorité et à quel niveau a t'il été décidé de mettre à
cet endroit précis, uniquement des tirailleurs lourdement armés ( fusils,
pistolets-mitrailleurs et surtout plusieurs fusils-mitrailleurs et mitrailleuses
A.A 52 approvisionnées)?
Madame Kling
nous apprends que ses nièces qui travaillait à la compagnie E.G.A.
(Electricité et Gaz d’Algérie) avaient eu leur après-midi libre pour pouvoir
participer à la manifestation pacifique organisée pour apporter leur
soutien à la population assiégée et bouclée depuis plusieurs jours, dans le
quartier populaire de Bab El Oued.
Ces deux jeunes
femmes ont suivi la foule.
Sur
tout le parcours il y avait des forces de l'ordre sur les cotés, mais à la
hauteur de ce qui allait devenir le lieu du massacre, soudain inquiètes,
elles pressent le pas en voyant les tirailleurs, armes à la hanche, au lieu des
gendarmes et C.R.S. et militaires qu'elles ont croisé auparavant sur leur
chemin.
Au moment ou elles
les dépassent elles voient et entendent l'officier donner un ordre à ses hommes:
« ARMEZ ». La
fusillade éclatent aussitôt et fauche les manifestants. Les tirs ne
cessent pas malgré les appels désespérés à cessez le feu, les blessés sont
achevés, les secouristes, médecins et pompiers sont abattus, les tirailleurs
poursuivent et abattent ceux qui se réfugient dans les magasins ou dans les
couloirs des immeubles.
Je t'envoie
quelques une des rares photos qui n'ont pas été confisquées, celle ou l'on voit
des tirailleurs face à la foule.
Un ami qui a été deux fois blessé et qui faisait le mort, allongé sur un
trottoir, nous a dit que pendant de longues minutes
il voyait celui qui est armé d'une mitrailleuse, qui riait tout en tirant, et
quand il rechargeait son arme, faisait des gestes obscènes et insultait ceux qui
était pris sous son feu.
(Son témoignage est paru dans " Le Point"
en mars 2002)
Comme toi, qui
n’étais pas né à cette époque, beaucoup de personnes restes incrédules ou
médusées en découvrant ces témoignages accablants. Beaucoup d'autres exactions
tout aussi révoltantes ont eu lieu à travers toute l’Algérie. Le summum de
l'horreur et de la barbarie a été atteint avec le massacre de 3.000 civils le 5
juillet à ORAN.
Après le cessez le
feu le 19 mars 1962, jusqu’a l’Indépendance proclamée le 2 juillet 1962 et
plusieurs mois après, on estime que 150.000
Harkis désarmés par la France, ou musulmans fidèles à la France ont été
massacrés dans des conditions qui dépassent l’imagination.
Tout a
été fait pour mentir et cacher aux français toutes ces infamies.
Puisse nos compatriotes avoir la volonté de chercher à comprendre de la manière
la plus objective, comment en trahissant les engagements donnés à l'ensemble
de la population qui vivait en Algérie, un
gouvernement a lâchement négocié et bâclé l'abandon de l'Algérie, non avec les
représentants de son peuple, mais seulement avec les représentants des
terroristes.
Tu trouveras en
pièces jointes quelques documents et photos prisent avant que les tirailleurs
ouvrent le feu
Je
t'embrasse,
André
|