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Mais, savez-vous qui est ce Lucien Bitterlin ?
Documents recueillis pour le Site par
Guy ROLLAND
19-07-2005


Je vous envoie en annexe quelques renseignements sur lui.

Plus que jamais ce défenseur du monde arabo-arabe donne à ses engagements d'il y a 43 ans une cohérence qu'on ne pouvait pas imaginer alors.

S'il est possible de penser que De Gaulle ne voulait pas d'Algérie française parce qu'il vomissait les Arabes encore plus que les P.N. en revanche Bitterlin semblerait laisser à penser qu'il suivait déjà à l'époque une logique très avant-gardiste.

Quelles motivations l'ont inspiré pour pouvoir embaucher des gens de sac (sic) et de corde, des truands absolus au service de Ch-DG ?  Mystère. S'il n'avait agi que pour l'argent - comme presque tous les autres - voire qu'au service exclusif de son maître, il ne viendrait pas aujourd'hui chanter les mérites de la cause arabe.

Il y a donc chez ce personnage un renseignement manquant pour notre compréhension.

A propos de De Gaulle présenté par les faiseurs comme le premier à avoir tenu tête à l'hégémonie américaine, il est tout de même élémentaire de souligner que c'est en voulant garder l'Algérie à la France et d'ailleurs, la France à l'Algérie, que Charles De Gaulle aurait été vraiment le pur et vrai héraut de l'antiaméricanisme.

En bradant l'Algérie, il a pleinement satisfait à toutes les attentes et du Pacte Atlantique et du Pacte de Varsovie.

Puis, pour continuer à donner le change et en attendant la fin de la farce, il est encore allé faire le pitre aux balcons du Québec enchaîné et de "Messico" pour se retrouver enfin à piétiner une plage irlandaise en pensant sans doute à sa dernière réussite, seul avec lui-même, le pistolet d'ordonnance à la main... 

Guy ROLLAND

http://www.algerie-francaise.org/plaintes/barbouzes/chappui.shtmlhttp://www.algerie-francaise.org/plaintes/barbouzes/sac1.shtml
http://www.algerie-francaise.org/plaintes/leputsch/jesus.shtml
http://www.algerie-francaise.org/plaintes/barbouzes/details.shtml
http://www.algerie-francaise.org/plaintes/barbouzes/marie-christine.shtml 
http://www.algerie-francaise.org/plaintes/barbouzes/paul-angele.shtml
http://www.algerie-francaise.org/plaintes/enquete/p-chairoff.shtml

Audition de M Lucien BITTERLIN
(extrait du procès-verbal de la deuxième séance du mardi 16 février 1982)

 Présidence de M. Alain Hautecœur, président. M. Lucien BITTERLIN est introduit .

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Lucien BITTERLIN prête serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

M. le Président :
Nous vous avons demande de venir parce que vous avez été mêlé aux événements qui ont donné naissance à la Ve République et parce que vous êtes un homme sur lequel on a dit beaucoup de choses, au point que vous avez éprouvé le besoin de faire une mise au point en écrivant un livre. La Commission n'a pas pour objet, comme certains le laissent entendre, de régler des comptes et ses membres n'ont pas a priori de préjugés défavorables à l'égard de la lutte contre l'OAS. Dites-nous d'abord ce que vous savez du SAC.

M. Lucien BITTERLIN : Je n'ai jamais eu de relations avec le SAC, à ceci prés que, dans le cadre de la lutte contre l'OAS menée en Algérie, nous avons reçu à la fin de 1961, trois membres du SAC qui ont d'ailleurs été tués dans l'explosion d'une villa qui nous servait de PC le 29 janvier 1962.  

M. le Rapporteur: La villa d'El Biar ?

M. Lucien BITTERLIN : Oui. Au début, Pierre Lemarchand nous envoyait des militants politiques adhérents à l'UNR ou au MPC, mais dans un deuxième temps, nous avons dû faire appel à des jeunes gens qui n'avaient pas forcément des convictions politiques. J'ai toujours trouvé curieux qu'on ait parlé du SAC à propos de la lutte anti-OAS, car je n'ai pas souvenir d'avoir vu beaucoup de ses membres avec nous.

M. le Président: C'est surprenant, car il se réclamait du soutien au général De Gaulle. Quand on lit votre livre, on a le sentiment qu'en Algérie vous avez été bien isolé.

M. Lucien BITTERLIN : Oui, et le Gouvernement aussi ! Nous étions très minoritaires dans la communauté française d'Algérie. Moi qui étais membre de l'UNR, la fédération d'Algérie a demandé mon exclusion parce que j'avais tenu des propos allant dans le sens de l'indépendance. Propos qui ont été ceux du général De Gaulle lui-même quelques semaines après. Aussi bien l'UNR a-t-elle pratiquement cessé d'exister en Algérie en 1961. Dans l'administration tout était gangrené. Il n'y avait plus de police, et c'est nous qui avons travaillé avec des policiers envoyés de métropole. Ne parlons pas de l'armée ou du SDECE. Il n'y avait pratiquement plus aucun pouvoir sur place...

M. le Président : La faible participation du SAC à la lutte contre l'OAS s'explique-t-elle par le fait que son secrétaire général était M. Debizet, partisan de l'Algérie française ?

M. Lucien BITTERLIN : Je ne sais pas s'il avait encore cette responsabilité à cette époque.

M. le Président: Il n'a quitté le SAC que lorsque De Gaulle a pris position sur l'autodétermination.
On a le sentiment que vous avez été lâchés par tout le monde et que vous ne pouviez compter, ni sur l'armée, ni sur la police, alors que votre vie était en danger. N'avez-vous pas eu un moment de flottement ?

M. Lucien BITTERLIN : Dans l'action, on est intoxiqué et on ne réagit pas comme on le ferait avec du recul. Lâchés, nous ne l'étions ni par le délégué général Jean Morin, ni par deux hauts fonctionnaires de son cabinet mais ils étaient complètement isolés. Ils ne pouvaient même pas compter sur les CRS, aussi bien nous ont-ils demandé une fois au début de l'année 1962, de les protéger à Rocher Noir, ce que nous avions fait avec 30 militants car nous avions eu connaissance d'un projet d'enlèvement par l'OAS du délégué général Jean Morin. Ceux qui décidaient à Paris ne voyaient pas les choses comme nous Nous, nous n'étions pas formés pour faire de la police parallèle, de la guérilla urbaine.

Il y en avait qui souhaitaient que nous fassions du bruit. Comme Dominique Ponchardier qui a été un héros de la Résistance et pour lequel j'avais beaucoup d'admiration, mais à l'égard de qui je suis quelque peu caustique dans mon livre, car il s'est servi de nous à notre insu. Il était en relations avec MM. Frey et Lemarchand. L'autre tendance, celle de Jacques Dauer. de Raymond Schmittlein, nous demandait de créer un climat politique non de nous battre.

Cependant, par la force des choses, nous avons été amenés à nous battre, à faire des contre plasticages. Sinon, il aurait fallu partir. Or, nous voulions aller jusqu'au bout de nos idées, faire comprendre au FLN que le Gouvernement français voulait vraiment l'autodétermination et l'indépendance, ce dont il n'était pas convaincu et aux Européens qu'ils devaient se désolidariser de l'OAS.

M. le Président : Il s'agit donc de quelques hommes qui sont allés en Algérie pour mener une action politique et qui ont été amenés par les événements, afin de se défendre, à recourir à une sorte de contre violence. Comment avez-vous recruté les hommes qui vous étaient nécessaires pour cette nouvelle forme d'action ?

M. Lucien BITTERLIN : Il y avait trois filières Une filière locale, d'abord, nous avons recruté quelques Algériens, ce qui n'allait pas sans risque pour eux, car le FLN pouvait leur demander des comptes mais de ce côté là les choses se sont assez bien passées, l'objectif étant commun.

D'ailleurs. j'ai été moi-même, après le cessez-le-feu, l'un des fondateurs du Fonds de solidarité franco-algérien et de l'association France Algérie. La seconde filière, c'était celle des militants de l'UNR et du MPC. qui prenaient un mois de congé pour venir nous aider en Algérie. Enfin, nous avions aussi dans notre équipe des Français qui habitaient en Algérie, ce qui ne manquait pas de faire courir des risques à leur famille. Ils ont été essentiellement trouvés par l'intermédiaire de MM. André Goulay ou Pierre Lemarchand qui avaient de nombreux contacts sur place, mais pas tellement par M Comiti et le SAC. C'est ainsi qu'un jour, nous avons vu arriver un groupe de judokas vietnamiens qui ne passait pas inaperçu !  

A partir de là, il y a eu une tension et un clivage entre, d'une part, Dauer qui était partisan de notre départ et Lemarchand et Ponchardier d'autre part, qui souhaitaient notre maintien sur place. Au-delà de notre organisation à laquelle P. Lemarchand n'appartenait d'ailleurs pas formellement, il y a eu également tension au sein du Gouvernement, le ministre de l'Intérieur étant favorable à notre action sur place, mais le Premier ministre y étant devenu hostile.

Il faut dire que l'on faisait beaucoup de bruit autour de nous. A plusieurs reprises nous avons été attaqués et nous avons dû riposter. Un certain nombre de nos militants ont été tués. Nous servions d'abcès de fixation pour les commandos Degueldre. mais tout cela a fait grand bruit dans la presse et il y a eu interpellation à l'Assemblée nationale.

De là date cette étiquette de barbouze qui est restée depuis collée à ma peau. Autant dire que ma carrière politique s'est terminée en 1962. Aucun parti ne tient à compter dans ses rangs un ancien responsable barbouze.

M. le Président : Pour votre recrutement, vous avez eu recours à d'anciens membres du service d'ordre du RPF comme M Ponchardier. Le SAC était constitué lui aussi d'anciens membres de ce service d'ordre du RPF. Comment se fait-il que vous n'ayez pas eu de membres du SAC dans votre équipe ?

M. Lucien BITTERLIN : Peut-être parce que leur conviction politique n'était pas la même que la nôtre, beaucoup de gaullistes étaient pour l'Algérie française. Peut-être aussi parce qu'ils étaient plus conscients que nous des risques qu'il fallait courir.

M. le Président : Une nouvelle période s'est donc ouverte dans votre action. Pour vous défendre, vous ne pouviez recruter des enfants de chœur. Et l'on a dit que l'on avait fait sortir de prison des condamnés de droit commun en leur offrant de" passer l'éponge, s'ils acceptaient de participer à certaines actions.

M. Lucien BITTERLIN : On a beaucoup parlé de gens comme Christian David ou Jean Augé. Mais ces gens-là n'ont pas travaillé avec nous. J'ai relu la liste des noms figurant dans notre " livre de salaires " tenu par mon ami Dufour aucun de ceux que j'y ai trouvés na été cité à propos d'affaires criminelles, si ce n'est peut-être celui d'un certain Gérard Zemmour, dont je ne sais d'ailleurs pas s'il appartient à la célèbre famille.

M. le Rapporteur : Est-il mort dans la villa !

M. Lucien BITTERLIN : Je ne m'en souviens plus. J'ai quitté Alger en janvier 1962 et on m'a interdit de retourner en Algérie, ainsi qu'à Lemarchand et Dauer, d'ailleurs, je n'y suis revenu qu'après les Accords d'Evian. Lemarchand avait pu revenir avant, mais il n'était pas à la villa de la rue Fabre, le soir de l'attentat du 29 janvier 1962.

M. le Président : Au procès de Jean Augé. un officier du SDECE a déclaré qu'il avait travaillé avec le SDECE dans la lutte contre le FLN et l'OAS. Il semble que des gens comme lui aient bénéficié de protections parce qu'ils avaient accepté de faire des choses que la police ne voulait ou ne pouvait pas faire. Le fait qu'il n'y en ait pas eu avec vous n'exclue pas qu'ils aient travaillé ailleurs.

M. Lucien BITTERLIN : Pas nécessairement en Algérie. Je m'étonne d'entendre dire que le SDECE a participé à la lutte contre l'OAS ! Certains policiers, comme le commissaire Gratien, par exemple, y ont contribué, mais le SDECE.. Quant à Augé, j'ai entendu son nom pour la première fois lorsqu'un détenu, un nommé Santelli, a déclaré que j'avais donné de l'argent à Roland Agret ; mais il s'est rétracté par la suite.

M. le Président : Qui faisait la liaison entre votre équipe et le cabinet de M. Roger Frey, ministre de l'Intérieur. Vous-même ?

M. Lucien BITTERLIN : Non, moi j'étais en relation avec Jean Morin à Alger. A Paris. la liaison était faite par Lemarchand et Ponchardier

M. le Président : Lemarchand est un personnage étonnant. On le voit qui va, qui vient, qui entre, qui sort, qui revient, qui ressort...

M. Lucien BITTERLIN : André Goulay qui avait été avec Pierre Lemarchand dans les commandos noirs, était son ami et lui avait demandé d'être notre représentant à Paris, parallèlement à Dauer, notre Secrétaire général. Cela n'était pas prévu. Lemarchand s'occupait de son cabinet d'avocat Il avait été candidat malheureux aux élections de 1958 et avait abandonné la politique active. Il a accepté de faire la liaison et c'est Goulay qui l'a présenté à Ponchardier.

M. le Président : Ils ne se connaissaient pas ?

M. Lucien BITTERLIN : Je ne crois pas.

M. le Président : Ils étaient pourtant faits pour se connaître !

M. Lucien BITTERLIN : La suite l'a montré. Cela dit, Ponchardier a tiré son épingle du jeu. Il a été Ambassadeur et personne ne lui a cherché d'histoires. Lemarchand, lui, voit son nom cité dans tous les articles de presse.

M. le Président : Ponchardier a été plus prudent ou bien Lemarchand en a-t-il vraiment fait plus que Ponchardier ?

M. Lucien BITTERLIN : Je pense que Lemarchand a pris des coups pour Ponchardier.

M. le Rapporteur : J'ai lu votre livre. Monsieur Bitterlin, vous me l'avez donné vous-même. J'étais à Charonne, dans le métro, lorsqu'il y a eu huit morts. Vous imaginez dans quel esprit je m'adresse à vous.
Vous êtes un vieux militant gaulliste : en quelle année avez-vous adhéré ?

M. Lucien BITTERLIN : En 1948 Je n'avais pas pris part à la Résistance. j'ai voulu faire quelque chose avec
De Gaulle
.

M. Ie Raporteur : Qui a décidé de vous envoyer en Algérie mettre sur pied le MPC ?

M. Lucien BITTERLIN : Cela n'a pas été tellement délibéré Je faisais partie des gaullistes un peu progressistes, un peu marginaux. Nous discutions, beaucoup sur l'Algérie : devait-elle être indépendante, rester française ?

Devait-on favoriser l'intégration, l'assimilation ? Nous n'avions pas tellement l'idée de ce qu'était véritablement l'Algérie. Jacques DAUER a proposé de mettre à la tête du Mouvement pour la Communauté un Algérien. Cadi Benhoura , c'était un élu qui n'appartenait pas au F.L.N, un ami de Fehrat Abbas, très ouvert, très cultivé. Il m'a un peu expliqué ce qu'était l'Algérie. Nous ne nous rendions pas compte de ce qu'avaient été les méfaits du colonialisme. Je suis allé à Alger pour une mission de trois semaines à la radio. Je ne pensais pas y rester deux ans. C'est Dauer qui m'a dit : " il faut rester là-bas, voir ce qui se passe ". C'était deux mois après les Barricades ; les choses étaient devenues plus claires. Il y avait eu en septembre le discours sur l'autodétermination J'ai trouvé un emploi à la radio. Sur la recommandation de Joël le Tac, je suis allé voir son frère Yves Le Tac qui essayait de" faire passer " la politique du gouvernement. Ce n'était pas facile. Il était très pessimiste. Je suis allé dans la famille de Cadi Benhoura. J'ai compris bien des choses. Il fallait une transformation totale menant l'Algérie vers l'indépendance. Je faisais des déclarations à la radio de temps en temps. En 1960. j'ai participé en mai aux élections cantonales auxquelles Cadi Benhoura se représentait. J'ai parlé de l'AlgérIe algérienne et c'est ce qui m'a valu quelques difficultés avec l'UNR locale. Nous étions une petite fédération, sans moyens, sans gardes du corps. C'est seulement en août septembre 1961, quinze mois après mon arrivée en Algérie que, la violence ayant pris une grande importance, nous avons réussi à convaincre la Délégation générale de nous donner quelques moyens pour développer une contre-offensive.

M. le Rapporteur : Vous avez revendiqué pour vous l'appellation de " barbouze ".

M. Lucien BITTERLIN : Je ne l'ai pas revendiquée, on nous l'a donnée !

M. le Rapporteur : Mais vous ne l'avez pas rejetée.

M. Lucien BITTERLIN : Non, mais ce n'est pas un titre de gloire...

M. le Rapporteur : L'appellation importe peu. Combien étiez-vous ?

M. Lucien BITTERLIN : En Algérie, au maximum 200 personnes, une partie rémunérée et venant de France, mais aussi des Français vivant en Algérie.

M. le Rapporteur : Et parmi ceux qui venaient de France, il n'y a eu, avez-vous dit, que trois membres du SAC, morts d'ailleurs.

M. Lucien BITTERLIN : Oui, à ma connaissance il n'y a eu que ces trois membres du SAC. Il n'y avait d'ailleurs pas de SAC algérien.

M. le Rapporteur : Il reste un problème non résolu : le SAC a été créé pour soutenir le général De Gaulle. Or, quand sa vie est menacée, le SAC ne s'occupe pas de le défendre. M. Debizet était à l'OAS et le SAC penchait plus du côté de l'OAS que du côté des Gaullistes, est-ce bien cela ?

M. Lucien BITTERLIN : Il est certain qu'il y a eu un clivage. Ponchardier s'est adressé à des anciens de la Résistance ou du RPF, mais il a été parfois très mal reçu, par exemple par Dronne a-t-on dit.

M. le Rapporteur : Peut-être a t-on, on a aussi parlé de barbouzes en France Quel a été le rôle de Sanguinetti ?

M. Lucien BITTERLIN : Il a participé à la lutte anti-OAS sur un plan quasi-officiel. Il a pu voir Ponchardier, mais celui-ci fabulait beaucoup, c'est son côté méridional. Personnellement je ne sais pas ce qu'a fait Sanguinetti. je ne l'ai jamais vu au Ministère de l'Intérieur

M. le Rapporteur : Vous étiez en relations avec M. Frey ?

M. Lucien BITTERLIN : Pas directement.

M. le Rapporteur : Avec M. Foccart ?

M. Lucien BITTERLIN : Non, je ne le connais pas.

M. le Rapporteur : Vous ne connaissez pas M. Foccart !

M. Lucien BITTERLIN : Mais non J'ai d'ailleurs failli intituler mon livre;  Foccart ? Connais pas ! "

M. le Rapporteur: Vous avez été membre du SAC ?

M. Lucien BITTERLIN : Non, jamais. Je n'étais pas particulièrement favorable à ce genre d'activités.

M. le Président et M, le Rapporteur: Pourquoi ?

M. Lucien BITTERLIN: La politique ne se fait pas à coups de matraque, la guerre se fait à coups de pistolets mitrailleurs, mais la politique c'est autre chose. Des gaullistes organisaient leur propre service d'ordre bien souvent sans faire appel à un service spécialisé. Je connaissais certains membres du SAC. Ils collaient des affiches, assuraient la protection des grandes réunions, sans en être d'ailleurs toujours pleinement satisfaits.

M. le Rapporteur : Pourquoi le SAC est-il une association de la loi de 1901 ?

M. Lucien BITTERLIN : Je ne sais pas.

M. le Rapporteur : D'après ce qu'on nous a dit, les pères spirituels du SAC, MM. Foccart, Frey, Pasqua, Bernasconi… ont voulu que celui-ci soit une association de la loi de 1901 de façon à être directement sous les ordres des dirigeants du parti politique gaulliste, et non pas en relation avec ses échelons départementaux ou locaux. le SAC serait une sorte de bras de fer, un commando à l'échelle du pays, à la disposition de la direction du parti.

M. Lucien BITTERLIN : Il y a eu plusieurs SAC. Au début, il y avait les fidèles du service d'ordre du RPF, ils sont restés au SAC jusqu'au départ du général De Gaulle. Ensuite, il y a eu un autre SAC, avec certains éléments douteux, mais je ne les connais pas.

M, le Rapporteur : Qu'il y ait eu différents SAC, c'est très important.

M. le Président : Il y a une véritable légende, selon laquelle le SAC a lutté contre l'OAS. Or, nous découvrons qu'il n'en a rien été. On a l'impression qu'il y a eu toute une opération d'intoxication pour couvrir d'un manteau politique certaines affaires de droit commun.

M. Lucien BITTERLIN : Je ne suis pas à même de porter un jugement. Il y a eu énormément d'intoxication, c'est certain. Des journaux comme " Minute " ou " Rivarol " s'en prenaient à nous et éventuellement, citaient le SAC sans que ce dernier démente. Une chose est certaine sur mes livres de compte, il n'y a aucune trace de militants du SAC. Lemarchand vous dirait la même chose.

M. le Rapporteur : Il l'a dit, et Comiti aussi. C'est donc bien établi, le SAC n'a pas lutté contre l'OAS. On se référait à De Gaulle pour couvrir des affaires de vol de chantage, etc. Vos déclarations sont très claires, et je vous remercie de l'aide que vous nous apportez. En 1962. en France, tout était gangrené. Il y avait même au Gouvernement des gens dont on a dit qu'ils avaient renseigné l'OAS sur les endroits où l'on pourrait monter un attentat contre la vie du général De Gaulle.
Il y a un aide de camp du général Salan qui aurait donné des informations. Pouvez-vous nous éclairer ?

M. Lucien BITTERLIN : Je l'ai lu, mais je ne sais rien de plus. Il est sûr que l'administration était gangrenée, Lorsque Jean Morin a reçu une lettre de M. Michel Debré selon laquelle un terme devait être mis aux activités du MPC, il l'a mise dans sa poche en disant qu'il ne pouvait pas la laisser dans son bureau. Nous circulions sous de fausses identités, car nous étions à la merci de nos adversaires. Un militant UNR de Champigny, venu identifier le corps de son frère, après l'attentat du 29 janvier 1962, a signé un registre à la SNCF pour assurer le retour du corps ; il a été assassiné peu après, alors qu'il n'avait jamais mis les pieds en Algérie auparavant.

M. le Rapporteur : Comment comprendre qu'on ose présenter le SAC comme le service d'ordre du parti gaulliste" ?

M. Lucien BITTERLIN : Je vous pose la même question ! Mais le RPR et l'UNR vous diront qu'ils n'ont jamais reconnu le SAC comme leur service d'ordre Il y avait de leurs militants fidèles, qui appartenaient au SAC. Mais il y a aussi eu d'autres individus.. J'ai parcouru le livre" Aux ordres du SAC". Il est évident que Lecavelier est anti-gaulliste. Il a été OAS; il revendique pour le SAC des opérations d'extrème-droite qui n'auraient pas été possibles dans un parti gaulliste.Il y a eu un mouvement animé par Comiti et des gaullistes venus du service d'ordre du RPR, et puis d'autres qui s'en sont servi.

M. le Rapporteur : Qui est coupable de l'explosion de la villa d'El Biar ?

M. Lucien BITTERLIN : Nous pensons que l'OAS avait repéré sur les docks du matériel d'imprimerie qui y est resté trop longtemps. Vraisemblablement, des spécialistes de l'armée passés à l'OAS ont remplacé les machines par des explosifs, mais je ne pense pas que la trahison soit venue du gouvernement.

M. le Rapporteur : Je ne pensais pas au Gouvernement, mais au SDECE.

M. Lucien BITTERLIN : Le SDECE ? Ce n'est pas impossible...

M. le Président : On nous a dit ce matin que c'est ce que pensait Lemarchand.

M. Lucien BITTERLIN : Peut-être. Michel Hacq a pu le savoir.

M. le Président : Il est toujours vivant ?

M. Lucien BITTERLIN : Je crois. Il était au Conseil d'Etat.

M. le Rapporteur : Pourquoi l'enterrement des huit victimes de l'attentat du 29 janvier s'est-il déroulé comme vous le racontez ? A prés tout, c'étaient des hommes qui s'étaient sacrifiés pour la France, pour l'Indépendance de l'Algérie, contre des mouvements fascistes et terroristes comme l'OAS.

M. Lucien BITTERLIN : C'est une question que je me suis toujours posée Si l'enterrement avait eu lieu dans une autre localité. dont le maire aurait été sympathisant gaulliste, les choses se seraient passées autrement. A Champigny, il n'y a pas eu de scandale. M André Fanton est venu faire un discours, il y a eu des gerbes tricolores. Les camarades communistes ont rendu un hommage aux victimes de l'OAS. Mais à Santeny on est tombé dans le fief d'un député Algérie française.

Mme Paulette NEVOUX : Qui, M Lefebvre d.Ormesson ?

M. Lucien BITTERLIN : Oui, c'est cela.

M. le Rapporteur : Pourquoi les croix noires ?

M. Lucien BITTERLIN : Les journalistes les ont photographiées, mais je ne pense pas qu'elles aient eu une signification. On avait creusé une fosse provisoire en attendant une sépulture plus décente.

Mme Paulette NEVOUX : Savez-vous qui officiait à Santeny ?

M. Lucien BITTERLIN : Non, j'avais été mis à l'écart.

Mme Paulette NEVOUX : C'était Mme Lemarchand.

M. Lucien BITTERLlN : Cela je le savais. Je pensais que vous faisiez allusion aux représentants de la mairie.

Mme Paulette NEVOUX : Pourquoi Madame Lemarchand ? Vous avez dit que vous ne connaissiez pas beaucoup M Lemarchand.

M. Lucien BITTERLIN : Si, je le connaissais. J'ai dit qu'il ne connaissait pas Ponchardier avant octobre ou novembre 1961 M. Lemarchand peut avoir beaucoup de défauts, mais il était très courageux Il est venu sur place, alors que beaucoup de gaullistes restaient à Paris.

M. le Président : Quelle étonnante leçon humaine a dû être pour vous cette période !

M. Lucien BITTERLIN : Peut-être, mais il y a eu trop de cadavres.

M. François LONCLE : Le ministre de l'Intérieur, M. Frey, était-il avec vous, avec l'OAS ou les deux ?

M. Lucien BITTERLIN : Sans équivoque possible, M. Frey était contre l'OAS et soutenait notre action. Peut-être ses collaborateurs n'ont-ils pas toujours fait le maximum. Mais ceux qui sont venus en Algérie ont fait du bon travail. La gendarmerie aussi a fait un travail méritoire et elle a eu beaucoup de pertes. M. Frey souhaitait que le maximum soit fait, et estimait que nous étions utiles. Il a été loyal, je n'en dirais pas autant de tout le monde au Gouvernement. En Algérie, avec les gaullistes il y avait aussi des communistes et des socialistes, je ne parle pas des responsables, mais des militants qui distribuaient des tracts. Des syndicalistes étaient menacés de mort jusqu'à l'hôpital, je pense à Gaston Pernot, à Yves Le Tac, qu'on cherchait à tuer par la fenêtre au Val de Grâce.

Nous savions tous les risques que nous prenions La suspicion a été entretenue contre nous par la presse d'extrême droite: " Aux écoutes ", " l'Aurore ", " Minute ". Personne ne pouvait avoir de sympathie pour nous, nous étions d'affreux mercenaires ! Au retour, nous étions discrédités. Pour moi, fini la politique, la radio, Il m'a fallu trouver du travail. Il aurait mieux valu avoir été de l'OAS. J'ai vu au cours de ma vie professionnelle que cela n'avait rien d'infâmant. Nous ne pouvions nous montrer nulle part, pour ne pas risquer d'être photographiés. Nos adversaires tuaient des innocents en croyant reconnaître des barbouzes. On pendait des Japonais à Bab el Oued en disant que c'étaient des Vietnamiens. Ceux qui, depuis, ont revendiqué une action contre l'OAS, me font sourire il n'y avait pas tellement de gens avec nous à l'époque.

M. le Président : Avez-vous connu M Jacques Aubert qui fut directeur de la Sûreté nationale en Algérie de 1960 à 1961, avant d'être directeur du Cabinet de M. Roger Frey, de 1962 à 1966 ?

M. Lucien BITTERLlN : Je n'en ai pas souvenir. J'ai connu Jeannin, puis Coulet, directeur de l'information, Vitalis Cros... Mais il y avait un cloisonnement. Moi j'avais des contacts avec Jean Morin, ses deux collaborateurs, Verger et Vieillecaze, et avec Michel Hacq, mais on évitait de multiplier les rencontres; il fallait être prudent.

M. le Président : Quand vous avez laissé entendre que tout le monde n'avait pas été loyal au Gouvernement, faisiez-vous allusion à M Giscard d'Estaing ou à M Poniatowski, qui auraient été à l'origine de certaines fuites ?

M. Lucien BITTERLIN : Je n'ai jamais pu vérifier. Il est évident qu'il y a eu des fuites.

M. le Rapporteur : Au niveau du Gouvernement ?

M. Lucien BITTERLIN : Je n'en sais rien. Je raconte dans mon livre que l'OAS nous a prévenus que nous étions mis sur écoute téléphonique et nos militants se sont fait passer pour des partisans de l'OAS. A Alger, l'OAS savait immédiatement quand quelqu'un était mis sur écoute Il y avait des complicités extraordinaires.

M. le Président : Pourquoi cette période difficile et troublée est-elle tombée dans l'oubli ? Votre ouvrage est à peu prés le seul qui traite de la lutte contre l'OAS.

M. Lucien BITTERLIN : En effet J'ai d'ailleurs eu du mal à trouver un éditeur. Maintenant il a disparu et personne ne veut faire rééditer mon livre. Il ne faut pas revenir là-dessus, semble-t-il ! Le problème de l'Algérie a entraîné des divisions et des déceptions parmi les gaullistes Cela mériterait une très longue analyse.

M. le Président : Vous a-t-on tenu compte dans la suite de votre vie de ce que vous aviez fait ?

M. Lucien BITTERLIN : Que voulez-vous dire par-là ?

M. le Président : Que faites-vous actuellement ?

M. Lucien BITTERLIN : Je suis fondateur et maintenant président de l'Association de solidarité franco-arabe et je dirige la revue" France-Pays arabes" J'ai aussi une émission sur le monde arabe à Radio Monte-Carlo Je n'attendais ni décoration ni promotion.

M. le Président : Et vos amis ?

M. Lucien BITTERLIN : C'est la même chose.

M. le Président : On vous a donc utilisés quand vous serviez à quelque chose ?

M. Lucien BITTERLIN : C'est de bonne guerre. J'aurais seulement préféré que l'on nous traîne moins dans la boue et qu'on nous accorde un peu plus de considération. Le reste n'a pas d'importance.

M. le Président : Je vous remercie. Je dois dire que votre déposition m'a surpris et je crois pouvoir dire au nom de la Commission que nous avons été sensibles à la qualité de votre témoignage. Il n'a pas dû être facile d'atteindre cette sérénité à laquelle vous êtes parvenu. C'est une leçon. Nous n'avons pas à juger ce que vous avez fait, cela appartient à l'histoire, mais votre déposition est l'une de celles qui aura le plus impressionné la Commission.

M. Lucien BITTERLIN : C'est peut-être la première fois qu'un tel hommage est rendu. C'est donc moi qui vous remercie.

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M. Lucien BITTERLIN etait  présent sur le porte avion " Charles De Gaulle "
aux cérémonies du 15 août 2004  avec Bouteflika.


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