BIEN souvent, dans le rang comme jeune légionnaire, puis à la tête de ses
hommes comme sous-officier et officier, Degueldre a chanté ces paroles,
au rythme grave de la Légion, le long des pistes d'Indochine et d'Algérie.
Plus que tout autre, il eut mérité la mort du soldat, tant de fois affrontée,
les
plaire encore. Il était appelé à tomber sous des balles françaises.
Quelques instants avant son exécution, Degueldre dictait pour moi ce
simple message : « Dites que je suis mort pour la France. »
Oui, Degueldre, vous êtes mort pour la France, pour ce qui eut dû
rester l'Algérie française, pour l'honneur de ce qui fut la Légion
Etrangère.
Comme ancien chef de la Légion, je dois ce témoignage à votre mémoire.
DEGUELDRE fut par excellence l'homme de guerre. Le type même de ces
légionnaires engagés anonymes par goût du métier des armes, que leur valeur,
leur vertus militaires, leurs extraordinaires actions d'éclat désignèrent
pour l'épaulette, lorsque la mort, frôlée cent fois, ne les coucha pas en
chemin. En 1958, le lieutenant Degueldre, chevalier de la Légion
d'Honneur, Médaillé Militaire, couvert de citations, servant au 1er REP, cette
phalange incomparable qui, sous les ordres du colonel Jean, pierre, tué à
l'ennemi, mérita le titre de premier des Régiments d'assaut de l'armée
française. Jours de gloire !
Une victoire chèrement payée semblait alors acquise, le salut de l'Algérie
assuré. Mais venait bientôt le temps des équivoques et des mensonges,
annonçant l'affreuse trahison préméditée. Et le jour vint où il fallut
choisir entre une discipline désormais dépassée, dont l'observance formelle
ne pouvait mener qu'à la honte, et l'honneur militaire qui imposait le refus de
l'abandon d'un sol français, de la livraison à l'ennemi de nos frères d'armes.
L'un des premiers - dès avant le sursaut du 22 avril 61 - Degueldre
avait opté sans hésiter. Résolu et sans illusions, son sacrifice était fait,
quoiqu'il put advenir. Il choisit la voie de l'honneur et de la fidélité, pour
la plus noble des causes.
Dès lors, l'homme de guerre des rizières et des djebels allait devenir le
plus redoutable combattant de la lutte clandestine, ultime tentative pour sauver
l'Algérie française. Dans ce combat désespéré, nul plus que lui ne paya de
sa personne, n'exerça une activité plus efficace, ne montra une détermination
plus farouche, affrontant tous les risques. Sa capture devait, hélas, marquer
le commencement de la fin.
Jusqu'au bout il fut indomptable. Aux policiers, à des juges dérisoires, il
n'opposa qu'un silence hautain. Lorsque retentit la salve du Fort d'Ivry, le
drapeau venait d'être amené à Alger et les couleurs de la Légion ne
flottaient plus sur Bel Abbès. L'Algérie française était morte en
même temps que Roger Degueldre.
Il tomba comme il avait vécu. En légionnaire. En héros.