EXTRAITS DE L'ALLOCUTION DE MAITRE
RENÉ BLANCHOT
Recueillis par Sivéra |
BOURG-LA-REINE, 13 MARS 2005
Aujourd'hui, 42ème anniversaire de votre mort, c'est un petit Pied Noir, un
obscur, un sans grade, qui vient s'incliner devant votre dépouille, assassinée
par une secte judiciaire - je lui refuse le titre de tribunal, fût il
d'exception - pilotée par le gourou sanglant qui en avait décidé ainsi dès le
début.
Peut-être, d'ailleurs, cela était-il dû au moment où vous avez giflé son orgueil
en affirmant, au cours de votre procès, que vous vouliez attenter, non à sa
personne, mais à ses lunettes et ses bretelles. Imaginer De Gaulle,
«l'impuissant», selon le titre du livre-pamphlet d'André Figuéras,
s'agrippant à son pantalon pour ne pas offrir le spectacle ubuesque de sa
ventripotence et de sa laideur !
Oui. Mais il ne faut pas oublier les autres responsables, les
députés-godillots qui, en validant, puis en prorogeant le tribunal
d'exception, ont aussi violé le principe de la séparation du pouvoir politique
et du pouvoir judiciaire,
car
ils ont, en vérité, annulé une décision de justice passée en force jugée,
c'est-à-dire définitive, ajoutant à l'infamie, une forfaiture.
Il s'agissait, je le rappelle, de l'affaire Canal (dit «Le monocle»),
condamné à mort, lui aussi,
mais
sauvé par le Conseil d'Etat qui, le 19 octobre 1962, a déclaré illicite la Cour
Militaire de Justice, celle-là même qui vous a envoyé au poteau d'exécution sur
ordre du général génocidaire, alors même que, selon la plus haute juridiction
administrative de l'Etat, elle était illégale...
... Oui, mon colonel, j'appartiens à ce «peuple pied-noir» (le mot est de
vous) que vous avez voulu sauver Maitre Blanchot et que vous avez sauvé
puisque nous sommes là pour vous crier notre gratitude au nom de « la
solidarité fraternelle de tous ceux qui appartiennent à la même collectivité
nationale », je vous cite, bien sûr...
... Vous, mon colonel, vous n'avez pas cherché à savoir si votre acte
s'inscrivait dans « le sens de l'Histoire », c'est-à-dire dans le sens du
poil de l'homme au pouvoir. Vous avez affirmé, avec d'autres, avant et après
vous, que l'Histoire s’écrit avec la sueur et le sang de l'homme, c'est-à-dire
qu'elle n'est que le fruit de la volonté humaine, de ses erreurs et de ses
réussites...
... Oui, l'Histoire est bien imprévisible... Qui pouvait imaginer qu'une petite
paysanne venue de Lorraine (vous connaissez ?) redonnerait par les armes à la
France ce royaume qu'Isabeau de Bavière, la traîtresse, avait si
généreusement offert au roi d'Angleterre par le traité de Troyes, signé en 1420.
Et qui aurait pu imaginer (même pas Jules Verne !) que ce traité de
Troyes était l'ancêtre de celui qui plus de cinq siècles plus tard, à Evian,
allait de nouveau faire abandon d'un pan entier du territoire national ? ...
... Mon colonel, le régime des petites phrases, des effets d'annonce qui cachent
le vide de la pensée, du pain et des jeux de cirque, ( panem et circenses de
l'Antiquité décadente ), devenus, aujourd'hui minima sociaux et télé-réalité,
comme il est aux antipodes de votre abnégation et de votre sens civique et
moral, vous qui, selon le mot de votre défenseur R.Dupuy, «avez voulu
donner à votre mort la portée d'un sacrifice et le sens d'un message» !
Et ce message, nous l'avons reçu 5 / 5. Je citerai spécialement celui écrit sous
forme de note, du fond de votre cachot : «Le mythe gaulliste, basé sur
l'imposture au cours de ces dernières années, et pas uniquement au cours de ces
dernières années, doit être détruit au nom des principes élémentaires de
moralité politique. Il faut que la politique gaullienne soit qualifiée par
l'Histoire proche et lointaine, celle qu'apprendront nos enfants, comme elle
doit être,
C'EST-A-DIRE
CRIMINELLE, ABERRANTE ET INFAMANTE!»
C'est ce qui est en train de se produire, et la vague de fond vient de loin, et
parfois d'hommes qui ont été dans le passé des opposants ou des ennemis de notre
cause.
Raymond Aron,
qui fut pourtant un partisan déclaré de l'indépendance de l'Algérie, et passe
pour un historien de référence, a écrit dans ses mémoires, en 1983, vingt ans
après votre disparition, ce qui suit :
«J'annonçai qu'un jour le pays abandonnerai la partie. Il en fut ainsi. Les
Harkis, pour la plupart, furent livrés à la vengeance des vainqueurs, sur
l'ordre, peut-être, du général de Gaulle lui-même, qui, par le verbe,
transfigura la défaite et camoufla les horreurs.»...
... Qui dit mieux ou aussi bien ? Pierre Messmer, celui-là même qui
ordonnait, avec Joxe, de refouler les Harkis arrivant en France, ou de
sanctionner les officiers qui les aidaient à s'évader du piège qu'Evian
avait refermé sur eux, Pierre Messmer, ce ministre des Armées qui,
avoue-t-il, recevait directement ses ordres de De Gaulle ? Sans passer
par le premier ministre, en bafouant la tradition républicaine, il exprimait,
lui, dans un livre paru à la même époque «Ma part de France», l'opinion suivante
: «C'est le FLN qui a massacré les Harkis et, par conséquent, c'est lui le
principal coupable. Ce que l'on peut reprocher à la France, c'est, en quelque
sorte, la non-assistance à personnes en danger. Mais, je le répète, s'il y a eu
crime contre l'humanité, ce crime est celui du FLN.»
Non-assistance à personne en danger ? N'est-ce pas plutôt, en Droit Pénal, de la
complicité de crime contre l'Humanité ? Le mot étant d'ailleurs lâché par
l'ancien Ministre des Armées, lui-même.
Il y aurait quantité d'autres auteurs à citer, mais ils sont depuis toujours
favorables à nos thèses ou carrément des nôtres. C'est pourquoi, je l'ai dit,
j'ai cité des extraits choisis chez des opposants.
Cependant, ce qu'il faut retenir, c'est que l'opinion publique, qui n'est pas
chloroformée, mais désinformée, commence à savoir la vérité et que nous y
sommes aussi, à notre modeste échelle, pour quelque chose...
-
Et puis, il y a un autre signe, moins visible en France, mais très net en Europe
et dans le reste du monde : le retour de la foi religieuse que Gilles Kepel
a appelé « La revanche de Dieu ». Il n'est pas, loin s'en faut, le monopole de
l'Islam. Souvenez-vous - car le mouvement est amorcé même s'il n'est pas
saillant pour le moment - du succès considérable, en 1997, des journées
mondiales de la jeunesse placées sous l'égide de l'église catholique. C'était à
Paris, que je sache !... Le Pape lui-même dans ses voyages a toujours eu des
succès d'affluence prodigieux. Ce n'est pas l'homme, même s'il est admirable,
qui est ainsi plébiscité. C'est le saint homme et la foi en Dieu qu'il véhicule.
C'est d'ailleurs lui qui, en Pologne, il faut le rappeler, a été le moteur de la
révolte contre le totalitarisme communiste en propulsant Lech Walesa. Et
elle a abouti. Ce sont souvent les hommes inspirés par la Providence Divine qui
font l'Histoire, avec leur courage, leur noblesse d'esprit et leur grandeur
d'âme et c'est du substratum moral façonné par la religion que peut venir le
salut.
Vous nous avez communiqué votre foi, Mon Colonel, et transmis votre message que
nous avons pris, en relais, tel un flambeau. Vous vous êtes sacrifié, mais le
processus de démythification gaulliste est en cours et la vérité est là, au bout
du chemin. Nombreux sont les signaux qui nous la montrent.
Vous avez été passé par les armes... Des armes que nous vous présentons,
aujourd'hui, avec respect, avec gratitude, pour vous et pour les autres, les
vivants et les morts, car vous n'aimeriez pas qu'on les passe sous silence, les
Piegts, les Dovecar, les Degueldre et tous ceux, 105
répertoriés au total, dont les noms sont gravés sur le marbre de la stèle du
Mémorial «tombés pour l'Algérie Française» inauguré le 1er novembre 2002 à
Théoule, dans le Var, au pied de Notre Dame d'Afrique. J'y étais.
Ce sont tous les soldats tombés sous les balles, non pas de l'ALN, mais des
gardes mobiles français ou torturés à mort, non pas par le FLN, mais par les
barbouzes du général De Gaulle. Ils viennent s'ajouter à cette centaine -
au moins - de milliers de Harkis morts d'avoir choisi la France, dans des
souffrances abominables !
Il n'y a plus de Jeanne d'Arc et les territoires perdus le sont à jamais.
Mais la France reste la France car vous avez sauvé son honneur et le jour
viendra où, au bout de la nuit, grâce à tous ces morts qui remontent à la
surface de l'Histoire, et qui se mettront debout, à vos côtés, vous assisterez,
depuis votre royaume des Justes, au retour au pouvoir - mais là, je vous redonne
le mot de la fin, car il est vôtre - de «cette grande et éternelle loi de
solidarité entre les hommes».
Ainsi soit-il !
CERCLE JEAN BASTIEN-THIRY
"Nous ne devons de comptes qu'au peuple français et à nos enfants"
Bulletin semestriel d'Information du Cercle Jean Bastien-Thiry - Mars 2006
B.P.70 - 78170 La Celle Saint Cloud - Tél/Fax : 01 39 18 45 05
e-mail
:
basthiry@aol.com
-
Site Internet :
http://pageperso.aol.fr/basthiry/index.htm
|