a)- LES HABITANTS
La population se composait de toutes ethnies confondues, à savoir en majorité de Français-Musulmans, de Français de souche européenne, Métropolitaine, de juifs et de quelques apatrides.
Ce mélange, jusqu'en 1954, vivait en très bonne harmonie. Il y avait des riches dans toutes les couches de la population. Mais il fallait compter beaucoup plus de pauvres chez les travailleurs.
On pouvait néanmoins observer deux catégories de travailleurs si l'on faisait abstraction des ouvriers municipaux.
1er - les pêcheurs 50%
2ème - les mineurs 20%
Le reste se diversifiait parmi les employés municipaux y compris les instituteurs, la police, les professions libérales, les commerces en tous genres et les chômeurs.
En ce temps là, il n'existait pas d'aide aux chômeurs si ce n'est des aides sociales communales. Tout n'était pas rose et le Maire faisait la pluie et le beau-temps.
Gonzalez qu'il s'appelait monsieur le maire. Un fermier de la région élu certainement par l'ignorance de la population ou parce qu'il n'y avait pas mieux.. Il me semble qu'il a tenu à ce poste 15 ou 20 ans.
Par la suite la place devint très chère à obtenir. La concurrence s'installait avec la nouvelle génération d'instituteurs venus de Métropole.
Gonzalez, un petit malin comme il y en a tellement encore en France de nos jours. Il enrichissait sa famille d'abord, les amis ensuite et s'il restait quelques choses c'était pour la pauvre population dans le besoin.
Les marchés publics comme en France en Nouvelle-Calédonie et Tahiti, le maire se servait le premier et si l'affaire était trop risquée, il employait des hommes de paille.
Pour les votes cela devenait une rigolade. J'étais jeune mais je n'étais pas aveugle.
Les taxis n'arrêtaient pas de faire le va et vient pour chercher les électeurs. Mon père choisissait ce jour là pour m'emmenait à la pêche à " la Playa de la Santa ". Un lieu accessible qu'à pied et encore avec bien de précautions car il fallait sauter de rocher en rocher.
Je me demande combien pouvait coûter une élection à monsieur le maire. Il fallait croire que la place valait une telle dépense. Il pouvait fumer son gros cigare monsieur Gonzalez.
Les autres qui prirent la relève ne se sont pas gênés pour continuer les petites magouilles. D'abord la famille, les amis et autres amis d'amis, changèrent.
Mais quoi que je puisse dire à son désavantage, Il mérite des éloges. En tant qu'enfant du pays il a su d'abord s'élever aux fonctions de Maire. Par sa bonté et son dévouement à rendre services il s'etait attiré la sympatie de la population. Je reconnais qu'il était celui qui défendait au mieux ses administrés. Et il le faisait de bon cœur et son contre partie.
Ainsi un jour mon père lui demanda de m'avoir mon permis de conduire qu'une semaine auparavant j'avais passé et échoué bêtement. Quelque temps après Gonzalez faisait contacter mon père et lui remettait un beau et neuf permis de conduire à mon nom sans contre partie et que jamais je n'ai quitté même après l'indépendance jusqu'au jour où Il me fut retiré en Moselle lorsque je du le transformer en permis métropolitain. C'est ainsi que chaque fois qu'il m'a fallut présenter mon permis à des services administratifs je n'ai cessé de penser à mon cher Monsieur Gonzalez notre Maire et ami des Béni-Safiens, toutes ethnies confondues.
Les nouveaux qui lui succédèrent ne lui arrivèrent pas à la cheville et pour causes
ils faisaient partie de la classe dite intellectuelle. Directeurs d'écoles les deux derniers qui prirent la relève ne se sont pas gênés pour continuer leurs petites magouilles à un niveau différent et qui se bornaient à rendre des petits services non plus aux ouvriers, pêcheurs mais à la bourgeoisie. Les Béni-Safiens ont beaucoup perdu en votant pour des étrangers (il me semble qu'ils étaient métropolitains tous les deux) et je suis sur qu'ils s'en sont mordus les doigts plus d'une fois.
Les pauvres restaient pauvres ou plus pauvres et les riches s'enrichissaient encore un peu plus.
b)-LES JEUNES
Chaque quartier avait son groupe de jeunes.
Je parlerai du mien qui comprenait les jeunes de plusieurs rues.
- La rue d'Ain-Témouchent,
- La rue clauzel
- La rue de la République et la rue Boudar.
- Et les jeunes qui habitaient entre deux rues reliées par des escaliers.
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En été et au printemps c'était la bonne saison pour nous défouler dans les rues.
Nous étions une vingtaines parfois plus. Entre 15 et 17 ans. Nous fréquentions la même école dans différentes classes.
On se réunissait dans la même rue. La rue Clauzel était la plus appropriée à nos jeux parce que plate sur 500 mètres.
Les familles se tenaient sur le pas de la porte bien installées, qui sur une chaise, un banc ou une chaise longue. Ils discutaient entre eux pendant que nous nous amusions à nos jeux favoris comme " la jarana " " délivré "
" La jarana " était un jeu simple. Il y avait deux équipes. Une qui faisait la chenille et la deuxième dont les jeunes en sautant venaient se mettre à cheval su ceux qui faisaient la chenille. Dans l'équipe de la chenille, un jeune se tenait debout contre le mur pour éviter à celui qui allait sauter le premier ne vienne se cogner la tête contre le mur..
Lorsque la chenille se démantibulait, c'est l'autre bande qui allait faire la chenille à son tour. Et cela durait des heures jusqu'au moment où les parents se levaient pour aller se coucher.
Pour " délivré " il fallait avoir du fond je veux dire du souffle. C'était comme " la jarana "
Deux équipes d'égal nombre de joueurs, qui s'affrontaient. Le but était de faire des prisonniers et de les garder.
L'équipe adverse devait les délivrer et pour cela il fallait surprendre et franchir le barrage qui protégeait les prisonniers.
A la fin de la soirée nous étions extenués, mouillés de transpiration, affalés parterre pour se reposer un peu avant de regagner la maison.
A la maison comme d'habitude la maman le doigt pointé sur mes yeux je savais qu'il fallait aller droit à la douche.
Ces jeux étaient pratiques à l'école pendant la recréation. Mais il y avait des jeux plus constructifs surtout lorsqu'il y avait des filles de notre âge. Le jeu des métiers, le jeu de " papillon Vole " etc.
c)- LES FETES
Les années passant, ils fallaient penser à des choses plus sérieuses. Les filles.
Eh ! oui les filles. Les filles une seule façon de les approcher c'était le bal à la salle des fêtes et les bals pendant la saison d'été, à la Plage du Puits. Chez Mario, la guinguette et pendant un mois, au bal public sur la plage où se tenait la fête du 15 août. Sans parler des baraques foraines, des stands en tous genres installés le long de la plage sur un kilomètre.
Un mois de fêtes sans interruption. Une foule énorme toutes ethnies confondues se pressait devant les baraques foraines pour acheter des tickets. La musique à vous faire éclater les tympans, ébranlait l'air à de centaines de mètres ..Et chaque baraque avait la sienne.
Les gens venaient de partout. Je me souviens lorsque les fêtes du 14 juillet et 15 août se faisaient sur le terre-plein de la gare juste après le pont séparant le port de la plage.
J'étais bien jeune mais ma mémoire et restée toujours aussi vivante.
Je me souviens au plus loin que ma mémoire me le permet, que la première fois je suis venu à la fête du 14 juillet avec mes grands-parents paternels. Notre moyen de locomotion était une carriole légère tirée par " bijou " le cheval de la ferme. Ils venaient depuis " El ançor " leur petite ferme louée à la Mine Mokta-El-Adid où ils gagnaient misérablement leur vie. La distance, qu'ils avaient fait pour venir à la fête certainement pour me faire plaisir, j'étais leur premier petit-fils, était d'environ11 kms.
" Bijou " le cheval roux était plein d'écume blanche, mais tout le monde s'occupait de lui. Il avait de quoi manger toute la soirée ; tout avait été prévu, son casse-croûte et le notre. La mémé n'avait rien oubliée.
Le train existait encore à cette époque. Des wagons étaient un peu partout sur différentes voies.
Ca sentait bon les brochettes et la merguez et la foule s'étalait sur toute cette grande surface empierrées aux milieux des voies.
Nous n'étions pas les seuls à venir en carriole. Il y avait même des ânes avec des " choiris ". Ils étaient attachés aux wagons. C'était vraiment folklorique et la vie nous paraissait belle. Les gens s'amusaient comme des fous devant les baraques foraines et autres jeux. La fête battait son plein jusqu'au petit matin.
Le lendemain on regagnait la ferme où les grands-parents reprenaient leur petit train train de dur labeur.
Les années ont passaient, les choses évoluaient avec le temps. La fête était déplacée sur la plage même, près de la première guinguette qui appartenait à mon oncle Ibanes Baptiste (botista).
Puis un jour a été construit en ciment et au milieu de la Plage du Puits, un petit kiosque de 5 mètres de diamètre. A l'approche des fêtes la municipalité qui avait confectionnée des centaines de dalles en ciment , montait une piste de danse d'une cinquantaine de mètres carrés sur le sable.
La guinguette appartenant à mon oncle se déplaçait en même temps en face du kiosque et prenait le nom de " Chez Mario ". Mario était le mari d'Isabelle, la cadette des filles de Botista. De son nom de mariée, Isabelle Simonéti. Je n'ai pas oublié que mon mariage eu lieu dans sa guinguette et que je suis le parrain de l'aine de ses enfants.
Je précise que l'aînée des filles au tonton, c'est ma " tite " cousine Marinette, la créatrice du " journal des Béni-Safiens " Sans elle, jamais, il y aurait eu de contact et de rassemblement entre les habitants de notre village. C'est elle aussi et avec l'aide des adhérents de son journal qu'elle a réussi à tenir notre cimetière entretenu depuis notre départ en 1962.
La fête durée un mois d'été. Du 14 juillet au 15 août. Ensuite la Plage se vidait lentement jusqu'à la fin septembre pour ne laisser place qu'aux habituels résidents.
Chaque année l'endroit se gonflait comme on gonfle d'oxygène les poumons avant la plongée.
La famille, des fermiers, se pointait chaque été. C'était la grande bamboula, mais pour la mère c'était le gros boulot. On avait droit à la paella, " Mar et tierra "(poisson et viande).
Ils venaient depuis Pont-de-l'Isser, d'Ain-Temouchent, la famille POZO Antoine, au complet. Ils ne venaient pas les mains vides croyez-moi. Les jarres d'olives cassées baignées dans le fenouille, juste à point pour être mangées. Du jambon cru, tendre que l'ont dégustaient avec des fèves fraîches et tendres ou de la morue. Sans oublier le vin rouge maison 13 degrés qui collait au palet et faisait descendre le tout.
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