DÉCÈS ET
HOMMAGES
AU COLONEL
CHATEAU-JOBERT
Partie
2 |
Veuillez trouver ci-dessous l'éloge funèbre prononcé par la colonel Jean
SASSI.
Sartilly, le 3 janvier 2006
Mon
Colonel,
Votre
famille, vos anciens compagnons d'armes, vos camarades, vos amis, les
parachutistes de tout grade d'hier et d'aujourd'hui sont réunis ici pour vous
rendre un dernier hommage et un ultime adieu.
Tous
sont venus pour témoigner la considération, l'estime et l'affection qu'ils
portent au grand soldat, à la figure de légende, au chef prestigieux et hors du
commun, à l'homme de caractère, d'action et de convictions que vous avez été et
dont il convient de retracer l'exceptionnel destin.
"Deuxième classe" en 1936, colonel en 1956. Quel parcours prestigieux ! Depuis
174 ans devise des étrangers volontaires au service de la France, "Honneur et
fidélité" aura aussi été la votre.
Homme
d'engagement, passant votre vie en première ligne, vous vous êtes battu en des
temps difficiles sur plusieurs continents pour défendre la liberté et une
certaine idée de la France. Vous avez affronté le nazisme, le communisme,
l’islam, mais aussi côtoyé l’abandon et le doute.
Confronté à la faiblesse, au reniement et souvent à la lâcheté, vous avez
cependant toujours refusé la compromission. Votre royaume intérieur était celui
de la conscience qui vous a dicté des choix parfois difficiles. Vous les avez
assumés et revendiqués. Votre vie s’en est trouvée bouleversée ; une vie
troublée, complexe et mouvementée, mais avant tout une vie vouée au service de
la Patrie. De toute la cohorte des parachutistes, vous êtes sans doute celui à
qui Dieu a donné, le plus intensément, l'insécurité et l'inquiétude, la
tourmente mais aussi la foi et la force que nous lui demandons et que l’on ne
peut obtenir que de soi.
Refusant de confondre l’honneur et les honneurs, servir et se servir, vous
resterez un soldat atypique, un cas de figure. Sentinelle de votre propre vie,
vous avez écrit
:
« J’ai toujours pris les décisions néfastes pour ma carrière mais conformes à
mon sens de l’honneur ». Un choix qui faillit vous coûter la vie. Mais la
grandeur de la vie n’est-elle pas plus importante que la vie même ?
Comme peu, vous êtes allé toujours jusqu’au bout de vos idées, de vos
engagements. Vous n'avez pas failli. Homme à vous donner ou vous refuser, vous
ne vous êtes ni vendu, ni prêté. Doté de ce qui est devenu une denrée des plus
rares : une conscience, vous avez souvent dit « non ». Supérieur aux
circonstances, vous les avez transcendé. L’Histoire a jailli sur vos pas avec
une force étonnante.
Faut-il d'abord évoquer votre naissance le 3 février 1912 à Morlaix dans le
Finistère, votre enfance en Bretagne et vos études secondaires sans problèmes à
Paris.
Faut-il mentionner qu'au fil d’une jeunesse harmonieuse, l’exemple d’un père tué
au front en 1915 et l'éducation d’une mère de caractère vous conduisent à
préparer l’Ecole Navale. Bien que votre santé vous oblige à renoncer à ce choix,
votre vocation au métier des Armes trouve à s’exprimer dans l’Artillerie au sein
de laquelle, vous êtes blessé en juin 1940. Persuadé que perdre une bataille
n’est pas perdre la guerre, vous vous évadez de l’hôpital pour rejoindre
l'Angleterre et les Forces Françaises Libres.
Exilé
d’une nation en déshérence, vous allez alors choisir un nom de guerre afin de
protéger des représailles allemandes votre famille restée en France. Vos
camarades vous baptisent d’autorité Conan, du nom du héros du roman
éponyme de Roger Vercel, capitaine de Corps franc de la Grande Guerre,
officier de troupe, voué à sa patrie et à la guerre. A la guerre sans phrase,
brutale, efficace. Conan méprisant la compromission, Conan attaché à ses
hommes et de surcroît Breton. On ne peut que saluer la sûreté de jugement de ces
camarades.
Faut-il rappeler que vous rejoignez la Légion Etrangère en 1941- la fameuse
13eme DBLE - avec laquelle vous vous battez en Erythrée. Puis, comme artilleur
en Syrie et en Libye, vous poursuivez le combat et êtes à nouveau blessé en
février 1942.
Promu
capitaine et fidèle à des principes qui n’admettent ni routine ni facilité, vous
vous portez volontaire pour les parachutistes. Breveté à Ringway, vous prenez le
commandement du « 3rd French SAS » qui deviendra le 3ème RCP.
Faut-il encore se remémorer qu'en Août 1944, le 3rd SAS sème la confusion
derrière les lignes allemandes. Embuscades, sabotages, coups de main, ces
opérations contribuent largement au succès des armes alliées. Une citation à
l’ordre de l’Armée récompense votre régiment. Commandant « à titre fictif »,
vous vous distinguez personnellement par un sens inné de la guérilla et un
courage personnel peu commun. En effet, vous ramenez, sous le feu de l’ennemi,
un de vos officiers mortellement blessé. Le monument international des SAS, à
Sennecey le Grand, commémore les sacrifices du « 3rd SAS » durant ces
opérations.
Nommé
enfin, définitivement, chef de bataillon, vous créez en 1945 le Centre Ecole de
Parachutisme Militaire de Lannion, puis celui de Pau-Idron.
Faut-il souligner que l'année 1947 est l’année où vous vous portez à nouveau
volontaire ; cette fois pour l’Indochine. Vous y commandez la Demi Brigade
Coloniale de Commandos Parachutistes SAS pour la conduire à la bataille en de
multiples occasions, sur tout le territoire indochinois jusqu’en juillet 1948.
En
1949, de retour dans cette Bretagne natale que vous adorez, vous êtes promu
lieutenant-colonel et formez les jeunes paras de la 1ère DBCCP que vous
commandez ensuite, de 1950 à 1952 à la tête des TAP du Sud Indochine. Ne
supportant pas la routine, vous participez à toutes les opérations d’un bout à
l’autre de l’Indochine.
Faut-il dire aussi qu'homme de réflexion, vous commencez, à ces occasions, à
vous interroger quant au but de guerre poursuivi, à la manière dont les
opérations sont conduites et, constatant la pauvreté en matériel du Corps
expéditionnaire et les nombreux accidents qui en résultent, quant à la volonté
du gouvernement de gagner ce conflit.
Faut-il évoquer encore cette période où Chef de corps de la 1ère DBCCP, puis
auditeur à l’Institut des Hautes études d’Administration Musulmane, en 1953,
vous faites un temps d’Etat-major à Alger, avant de rejoindre le 2ème RPC dont,
vous prenez le commandement en novembre 1955 après avoir été nommé colonel.
Un an
plus tard, le 5 novembre 1956, il y aura 50 ans cette année, vous sautez avec le
2eme RPC sur Port Saïd et y défaites l’armée égyptienne par une manœuvre toute
d’audace et de décision qui reste un modèle du genre. Quelle amertume alors que
de voir, après l’arrêt de l’offensive franco-britannique, parader quelques jours
plus tard ces mêmes officiers égyptiens dont vous aviez reçu la reddition
tremblante. Le peu de vigueur morale de nos gouvernants de l'époque ne vous
échappe pas.
Faut-il rappeler que de 1957 à 1959, vous commandez à Bayonne la Brigade de
Parachutistes d'Outre-Mer. En 1960, auditeur à l'Institut des Hautes Etudes de
la Défense Nationale et au Centre des Hautes Etudes Militaires -"l'école des
maréchaux"-, vous êtes alors promis aux plus hauts échelons militaires.
Faut-il mentionner cette période douloureuse de votre vie où, fervent défenseur
de l'Algérie française, et fidèle à vos convictions, vous désertez en janvier
1962 pour réapparaître au commandement de l'O.A.S. de l'Est algérien. Condamné à
mort en 1965, vous passerez sept ans de clandestinité à l'étranger en y mettant
au point le fruit de vos études personnelles.
Faut-il enfin dire que c'est là que germeront toutes les idées qui deviendront
la trame des 5 ouvrages qui font référence sur votre vie, vos conceptions de
l'action, de la contrerévolution et vos convictions profondes.
Faut-il évoquer tout cela ?
Partie 3
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