- AMNESTY INTERNATIONAL,
- LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME (FIDH),
- HUMAN RIGHTS WATCH, REPORTERS SANS FRONTIÈRES
ALGÉRIE:
APPEL À AGIR POUR METTRE FIN À LA CRISE
DES DROITS DE L'HOMME
Amnesty International, la
Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), Human Rights Watch
et Reporters Sans Frontières lancent un appel à la communauté
internationale afin qu'elle agisse au plus tôt pour mettre fin à la
détérioration de la situation des droits de l'homme en Algérie.
Nous appelons en particulier
les membres de la Commission des droits de l'homme de l'ONU à
convoquer une session extraordinaire sur la situation des droits de l'homme en
Algérie. En tant qu'instance de l'ONU ayant pour responsabilité principale
la protection et la promotion des droits de l'homme, la Commission des droits
de l'homme a le devoir de prendre l'initiative en vue de rechercher une
solution à la situation tragique qui prévaut en Algérie.
Au cours de cette dernière
année, l'Algérie a connu la période de violence la plus longue et la plus
meurtrière depuis le début du conflit il y a cinq ans. Depuis quelque temps
cette violence a pris une tournure encore plus terrifiante avec les massacres
collectifs de civils.
Des milliers de personnes -
femmes, enfants, démunis et personnes âgées - ont été massacrées avec
une brutalité hors du commun.
Certains parmi ceux qui ont eu la chance d'échapper à leurs assaillants, et
d'éviter ainsi d'être égorgés ou brûlés vifs dans leur maison, ont
rejoint les postes des services de sécurité voisins et appelé au secours.
En vain.
Leurs appels au secours n'ont
été entendus ni chez eux, ni au-delà de leurs frontières nationales.
Quelque 80 000 personnes ont ainsi été tuées dans l'indifférence de
la communauté internationale.
Les déclarations récentes du
Secrétaire Général de l'ONU, du Haut Commissaire des Droits de l'Homme, de
l'UNICEF et du HCR (Haut Commissariat pour les Réfugiés) condamnant les
massacres de civils et d'autres violations des droits de l'homme en Algérie
ont ouvert une brèche dans le mur de silence qui avait jusque-là entouré la
crise. Les mots, toutefois, ne suffisent pas.
La communauté internationale
est restée sourde trop
longtemps au drame que vivent les victimes en Algérie, cela en dépit des
cris d'alarme lancés par les organisations des droits de l'homme. À ce jour
la Commission des droits de l'homme ne s'est toujours pas penchée sur la
situation. Il est temps que des mesures concrètes soient prises afin
d'arrêter l'engrenage de la violence et d'assurer la protection de la
population civile.
Pour trouver une solution à
cette situation tragique il est nécessaire qu'une enquête soit menée et que
toute la lumière soit faite. À cette fin nous demandons l'ouverture d'une
enquête internationale visant à établir les faits, examiner les prétendues
responsabilités, et formuler des recommandations concernant les massacres et
autres abus commis par toutes les parties en conflit. Cette enquête
devrait disposer de pouvoirs importants et des ressources humaines et
matérielles nécessaires. Elle devrait notamment être chargée de rassembler
des preuves et des témoignages, y compris de la part de victimes, de témoins
et de responsables officiels, afin de découvrir la vérité.
Depuis le début du
conflit en 1992, les exécutions sommaires, les
meurtres de civils, la torture, le viol, les "disparitions", et les
enlèvements sont devenus pratique courante.
Les massacres collectifs de cette année se sont déroulés dans un contexte
où les droits de l'homme sont de plus en plus souvent bafoués par les
services de sécurité, les milices armées
par l'Etat et les groupes islamistes armés,
qui ont de plus en plus terrorisé et pris pour cibles les civils. En
Algérie le mépris des droits de l'homme est devenu la règle plutôt que
l'exception, alors même que l'Algérie a ratifié plusieurs traités
importants des droits de l'homme, tels que le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples.
Le gouvernement algérien a
invariablement manqué à son devoir
d'enquêter sur les abus commis par ses propres services de sécurité et par
les groupes d'opposition armés, et de traduire les responsables de ces abus
en justice. Cela a précipité l'effondrement de l'état de droit et a créé
parmi la population civile le sentiment qu'elle est de plus en plus
abandonnée et privée de protection.
Les restrictions
imposées à l'information
et l'absence d'enquêtes n'ont fait qu'augmenter la confusion qui règne
autour de cette situation de violence et contre-violence. L'information dite
"sécuritaire" est censurée et manipulée, et les organisations des
droits de l'homme et les médias étrangers se voient souvent refuser l'accès
au pays. Les militants des droits de l'homme et les journalistes qui ont été
autorisés à se rendre sur place ont été l'objet de surveillance et de
diverses entraves. Ceux qui ont continué à travailler dans le pays ont dû
faire face aux menaces et aux assassinats. Tout
cela a contribué à mettre en place un mur de silence autour de la crise des
droits de l'homme en Algérie.
Nous nous joignons à l'appel
du Secrétaire-Général de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) pour un
renforcement de la coopération entre l'ONU et les institutions africaines, et
appelons les états membres de l'OUA à soutenir une initiative dans ce sens.
Nous demandons aux états
membres de l'Union Européenne - dans le contexte de l'Accord d'Association
Euro-Méditerranéen avec l'Algérie et de la clause sur les droits de l'homme
que celui-ci contient - d'oeuvrer afin qu'une session extraordinaire de la
Commission des droits de l'homme et une enquête internationale deviennent des
réalités.
Les états membres de l'ONU,
lors de la Déclaration et Programme d'action de Vienne en 1993, ont
réaffirmé que la protection et la promotion des droits de l'homme était une
préoccupation légitime pour la communauté internationale. Nous les
appelons instamment à tenir leur promesse.
Le gouvernement algérien
accuse systématiquement tous ceux qui critiquent ses pratiques en matière de
droits de l'homme de mensonge, d'ingérence dans les affaires internes de
l'Algérie et de parti pris. La protection des droits de l'homme n'est
pourtant pas qu'une affaire interne ou une question de souveraineté. À un
moment où il voit ses citoyens se faire massacrer en grand nombre chaque
semaine, le gouvernement algérien devrait se féliciter - et non pas
s'opposer - à toute initiative internationale ayant but d'aider à
sauvegarder des vies humaines.
MESSAGE DE :
Mostavil@aol.com
Jeudi 2 janvier 2003
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