Le cimetière de
Mers-EL-Kébir profané
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Le cimetière de Mers-EI-Kébir profané
Daniel Garcia, ancien de la Marine Nationale né à Oran
et aujourd'hui retraité à Inzinzac-Lochrist est encore sous te choc. Un ami qui
s'est rendu sur place vient de lui révéler que le cimetière français de
Mers-EI-Kébir en Algérie a été totalement vandalisé.
L'attaque de la flotte française mouillée dans le port algérien de
Mers-EI-Kébir le 3 juillet 1940, reste l'un des souvenirs les plus douloureux de
l'histoire de la dernière guerre.
Sous les bombes et les obus de la Royal Navy, 1 397 marins français ont péri.
« Beaucoup étaient Bretons... » rappelle Daniel Garcia, aujourd'hui jeune
retraité à Inzinzac-Lochrist.
Marin sur l'aviso-escorteur Commandant-Bourdais, instructeur aux Écoles de
Saint-Cyr Coëtquidan avant de mener une carrière d’adjudant-chef dans la
Gendarmerie, Alain Garcia se passionne depuis longtemps pour cette page
noire de l'histoire. Parce qu’elle reste une plaie non cicatrisée dans son âme
de marin, mais aussi et surtout parce qu’il est Pied-Noir, né à Oran en janvier
1950. " Mon père m'a tellement souvent parlé de Mers-EI-Kébir... »
Cette affaire lui tient tellement à cœur que Daniel Garcia a décidé
d'en faire un livre, en collaboration avec cette Algérie de son enfance.
Afin de préparer la rédaction de cet ouvrage, le co-rédacteur de Daniel
Garcia, Jean-Baptiste Pérufo, un enfant de Mers-EI-Kebir où son père était
facteur, s'est rendu sur place il y a quelques jours. Il y a fait une découverte
terrible qu'il raconte ainsi à son ami d'Inzinzac.
« Mon intention n'est pas de te décourage;
mais comme je ne puis taire ce que j'ai vu au cimetière de Mers-El-kébir ce
lundi 25 Avril. Je t'avoue qu'il me faudra un certain temps pour retrouver du
cœur à l'ouvrage...
Je me suis rendu au cimetière marin. Une véritable
vision d'apocalypse. Plus une seule croix debout. Les plaques sur lesquelles
avaient été inscrits les noms des marins avaient été dévissées. La tombe de
l'amiral Darlan ouverte et la plaque qui portait son nom fracassée. Le mausolée
dans lequel étaient déposés les ossements des marins non identifiés est à ciel
ouvert, c'est-à-dire qu'il suffit de se baisser pour voir les crânes et les os
amassés au fond. Et bien sûr plus aucun nom, plus aucune trace de ce qui pouvait
rappeler au passant qu'en ces lieux des marins français reposent.
Je suis profondément bouleversé. Les malheureuses victimes du 3 Juillet 1940
ne reposent pas en paix... »
« Je ne suis pas totalement surpris, avoue cependant Daniel
Garcia, nous savions que beaucoup de cimetières français en Algérie avaient
été saccagés.
Mais ainsi... »
II a aujourd'hui l'intention de faire connaître la situation du cimetière et
du mémorial de Mers-EI-Kébir à tous les anciens de la Marine nationale et
anciens combattants, et notamment ses collègues de la Famac dont il est
membre.
Son intention, explique-t-il, n'est nullement de crier au scandale ou de
stigmatiser les auteurs du saccage. « Je veux simplement que la mémoire de
tous ceux qui reposent là-bas soit respectée » assure-t-il.
En espérant que les autorités françaises se saisissent du dossier dans le
cadre de la réconciliation franco-algérienne.
Jean-Laurent BRAS.
Cimetière de Mers-EI-Kébir : l'émotion
OUEST FRANCE DU 4 MAI 2005
Des voix s'élèvent pour réclamer une réhabilitation
Après la stupeur, l'émotion et parfois la colère. La découverte de la
profanation du cimetière des marins de Mers-EI-Kébir (notre édition d'hier)
suscite de multiples réactions chez les anciens militaires et proches des
victimes.
De Lorient à Brest en passant par Cherbourg et Toulon, la récente découverte
du saccage du cimetière de Mers-El-Kebir révolte tous ceux qui conservent un
souvenir douloureux de ce tragique épisode de la Seconde guerre mondiale.
Raymond Quessada, aujourd'hui installé dans le Vaucluse, faisait
partie du petit groupe de Pieds noirs qui s’est rendu la semaine dernière à
Mers-el-Kébir.
Depuis 1962, année du rapatriement en France de sa famille, il n'avait pas
revu son village natal de Kébir.
Il v a retrouvé un ami d'enfance et...la tombe de ses grands-parents fracassé
à la masse.
«La visite du cimetière des marins fut pour nous tous un choc » raconte t-
il. « Toutes les croix ont été arrachées ou brisées, l'ossuaire qui abritait les
corps des victimes non identifiées est grand ouvert et une échelle permet d'y
descendre... ».
Grâce aux témoignages recueillis auprès des villageois, l'ancien kébérien et
ses amis français ont pu se faire une idée de ce qui s'était passé. La
profanation des tombes et le saccage du cimetière ne seraient pas du tout le
fart de la population locale.
« Elle réprouve et ressent une réelle gêne - a pu mesurer Raymond
Quessada. Les exactions auraient été commises entre les années 80 et 90
durant la guerre civile qui opposait les rebelles islamistes au gouvernement.
Des éléments du FIS ou du GIA ont fréquenté les lieux : « Peut-être pour
s'y cacher »
« Un devoir de mémoire »
Le docteur Bernard Madec. de Ploemeur, a lu hier avec « écœurement
» le récit publié dans nos colonnes. Son père était second-maître armurier à
bord du croiseur de bataille Dunkerque et fait partie des 1 397 marins
français qui périrent sous le feu de la flotte anglaise.
« Grâce à l'intervention d'un officier le corps de mon père a pu être
rapatrié et Inhumé chez lui à Daoulas. Mais je pense à tous ses camarades restés
là-bas. C'est une question de principe, nous avons un devoir de mémoire
imprescriptible envers eux ".
Le Dr Madec et plusieurs de ses connaissances, elles aussi concernées
par ce drame, ont la ferme intention de ne pas rester sans réaction. «
Nous allons prendre contact avec les députés afin qu'ils interpellent le
gouvernement français. La France doit intervenir auprès des autorités
algériennes pour que le cimetière retrouve au plus vite toute sa dignité ».
A la suite de ta visite de Jacques Chirac à Alger en mars 2003, un «
plan de réhabilitation des cimetières français en Algérie » avait reçu l'aval du
président Bouteflika.
Une trentaine de cimetières français sur les quelque 520 que compte
l'ancienne colonie sont concernés par ce programme en 2005.. Celui de
Mers-El-Kébir n'y figure pas.
Jean-Laurent BRAS.
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