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Le virage à 180° de Brothier


Le Colonel Argoud assure encore aujourd'hui, qu'il devait amener au mouvement toute la Légion sous ses ordres en Oranie.

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Le Général Brothier répondait à un courrier où je jouais au journaliste, cherchant à en savoir plus sur l'insurrection militaire. Il m'a répondu tranquillement, ignorant évidemment que je savais la vérité. Cette vérité que les Capitaines Montagnon et Sergent m'avaient dite ainsi que les Colonels Broizat et Argoud.

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ALBERT BROTHIER

LE BOURGS DE MESSE
79120 LEZAY

MESSE, le 30 août (1973)

Tel: 69275061

Monsieur,

De retour dans mon village après un séjour en Languedoc avec mes enfants je reprends votre lettre du 20-7-93 pour y répondre.

Je vais essayer d'être aussi clair et aussi bref que possible, encore qu'il y ait beaucoup de choses à dire.

Le 5 Décembre I960,un certain Colonel BAUME, appartenant à l'Etat-Major du Corps d'Armée d'Alger se présente au Quartier de la Légion Etrangère à Sidi-Bel-Abbès et demande à me voir.

Je le reçois, il se présente et me déclare qu'il est chargé de me remettre deux lettres de la main à la main. La première est du Général GARDY et contre-signée par le Général SALAN, (tous deux sont réfugiés en Espagne),la deuxième est du Général JOUHAUD. Ces deux lettres sont encore en ma possession.

Le questionnaire suivant y est joint:

1°-En cas de mouvement à Alger, la Légion est-elle prête à marcher sur Oran?
2°-La Légion accepterait-elle de marcher sur Oran ou le problème est relativement simple, ce qui entraînerait le reste de l'Algérie?
3°-La Légion accepterait-elle de s'emparer du Général pour le neutraliser à son prochain déplacement?
4°-La Légion pourrait-elle assurer la protection et l'atterrissage des Généraux SALAN et GARDY à Sidi Bel Abbés? Si oui dans quelles conditions?

Un peu surpris je dis au Colonel BAUME que j'ai besoin de réfléchir et lui demande de se représenter le lendemain matin pour que je lui remette ma réponse.

Je la rédige au cours de la nuit en voici les points essentiels.

1°-Je suis convaincu que tout mouvement partant d'Algérie est voué à l'échec dès le départ. le 24 Janvier (l'affaire des Barricades) n'a été ni compris ni admis par l'opinion métropolitaine. Un nouveau 24 janvier creuserait un abîme définitif entre les deux communautés.

2°-Je ne crois pas à la possibilité d'un pouvoir militaire en Métropole, il serait vomi immédiatement.

3°-C'est une erreur très grave que de demander à une troupe composée d'étrangers de prendre l'initiative et la tête d'un mouvement national. La Légion ne peut et ne doit pas être la troupe du premier jour.

4°-Les positions et les engagements du Colonel DUFOUR n'engagent que lui, car il ne nous a jamais demandé un avis ni consulté.

Et un certain nombre d'autres considérations qui n'ajoutent rien à l'essentiel.

En arrivant à mon bureau le lendemain matin, je fis réunir mon brain-trust habituel d'officiers; ils devaient être une bonne dizaine.
Je les ai mis au courant de la démarche dont j'avais été l'objet la veille, et je leur lus ma reponse.
Ils n'y eut pas d'objections formulées. Le Colonel, BAUME, fut alors introduit à son tour, et après lui avoir donné connaissance de ma réponse je lui remis la lettre pour qu'il la fasse parvenir à ses mandants».

Si plus de quatre mois après, le 21 Avril 1961, trois des Généraux impliqués dans l'affaire ne se sont pas souvenus ou n'ont pas tenu compte de ce que je leur écrivais en Décembre c'est à eux qu'il faut demander pourquoi.

Si vous avez accès aux archives de presse de l'époque, vous y trouverez trace de ce que je viens de vous dire dans une déposition devant le Tribunal Militaire de Paris.
Pour ce qui me concerne je vois à cela un certain nombre de raisons :

1°-La présence au sein de leur groupe du Général GARDY, ancien Inspecteur de la Légion Etrangère, était pour les conjurés l'assurance que notre troupe suivrait que cela plut ou non au Colonel BROTHIER. C'était oublIer un Peu vite que l'Inspecteur en place le Général KOREL suivait de GAULLE depuis Juin 1940 à Londres. Et puis aussi que quelques uns des dix Commandants de Régiments de Légion étaient des gaullistes convaincus qui ne faisaient pas mystère de leurs opinions. En fait, trois seulement des Régiments sur dix : les deux régiments de parachutistes et le 1er Etranger de Cavalerie suivront GARDY.

2°-Cette histoire de putsch était un secret ce polichinelle dont on parlait dans toutes les unités d'Algérie. Il eut été étonnant que le pouvoir en place et les échelons du Commandement n'en soient pas avertis.

Les mises en garde étaient fréquentes et je sais de quoi je parle. Elles émanaient::

-du cabinet de Mr MESSMER qui comptait quelques anciens officiers de Légion.

-de Mr GERMAIN, lui aussi ancien légionnaire de la France Libre et Ministre de je ne sais plus quoi.

-des Généraux ELY et OLIE, successivement Chef d'E.M Général des Armées; la plus haute autorité militaire du moment

-du Général JACQUOT, Inspecteur Général de l'Armée de Terre;

-du Général MONCLAR, ancien Inspecteur de la Légion et Gouverneur des Invalides.
Tous étaient bien placés pour connaître les réactions à attendre du pouvoir; et unanimes à dire:"Si la légion s'engage dans une action en marge, elle se condamnera elle-même et nous ne pourrons rien pour la sauver."

3-Et puis il y eut les"déclarations" du Colonel de BLIGNIERES ancien commandant du 1er Régiment Etranger de cavalerie disant que m'ayant rencontré fin Mars196l, je lui avais promis de marcher si le Général CHALLE prenait la tête du mouvement.
Le hic, c'est qu'ayant quitté la France au début de Janvier à une époque où il n'était pas question du Général CHALLE, je n'y suis revenu qu'au mois de mai. Que pendant ce laps de temps je n'ai jamais rencontré BLIGNIERES, je ne lui ai rien promis du tout je n'ai participé à aucune réunion préparatoire et je n'ai jamais donné mandat à qui que ce soit pour prendre un engagement à ma place.

Comme je ne peux croire que BLIGNIERES, chrétien convaincu et pratiquant ait menti délibérément, je préfère supposer qu'il a pu y avoir confusion. En effet à l'époque considérée, il a rencontre son successeur au 1er R.EC à Paris. Comme je commandais le 1er Régiment Etranger d'Infanterie, et que le coût des militaires pour les sigles abréviatifs est bien connu; entre 1er R.E.C. et 1er R.E.I. il n'y a que la différence d'une lettre, et ceci peut expliquer cela c'est du moins ce que je croîs.

MASSU s'étant récusé;JUIN étant tout de même un peu loin; FAURE et d'autres paraissant un peu légers, le choix des conjurés avait fini par se porter sur CHALLE, personnalité de poids capable de chapeauter l'entreprise. Pour emporter son adhésion, il convenait de lui présenter une situation "gâteau". Et si J'en crois mon ami de BOISSIEU qui fut longtemps le bras droit de CHALLE, il ne fut pas lésiné sur les potentialités.

Les troupes d'Algérie devaient compter environ 350000 hommes, avec une majorité de troupes de secteurs et 40 à 50000 hommes dans les unités de Réserve Générale qui comprenaient: les l0ème et 25ème Divisions de Parachutistes, la 11ème Division d'Infanterie, la Légion Etrangère et quelques formations non endivisionnées.

L'arithmétique du putsch est facile à mettre en chiffres.
A part quelques déclarations bien platoniques et de pure forme, aucune unité de secteur n'a participé à une action du putsch.

J'ai dit ce qu'il en était pour la Légion: 3 régiments sur 10 et même 11 si on compte le Groupe des unités Sahariennes.
A la l0ème Division de parachutistes, un régiment sur 7, le 1er Etranger de parachutistes a participé à l'action,

A la 25ème Division de parachutistes 3 régiments sur 7 s'engagent : les l4ème et 18ème régiments de chasseurs parachutistes, et le 2ème Etranger de parachutistes.
A la 11ème division d'Infanterie, pas un seul des 5 régiments ne bouge.

Et enfin pour les unités non endivisionnées on trouve: le 1er Etranger de Cavalerie, le Groupement de Commandos parachutistes du Commandant ROBIN, et les Commandos de l'Air. Au total 1000 hommes, soit un peu moins de 3 pour 100 des effectifs de l'Armée d'Algérie. On est loin des chiffres espérés!
Ces chiffres surprenants, déroutants même, sont dérisoires quelle que soit la grande qualité des rares unités qui se sont lancées dans le putsch.

Le Général CHALLE ne s'y trompera pas, et il lui faudra moins de 48 heures pour comprendre à quel point il a été abusé, poussé dans une aventure sans issue et condamnée à l'échec, avant de renoncer.

Ainsi donc:

-avec son nom respecté, ses cinq étoiles de Général d'Armée, son autorité et son incontestable prestige,

-entouré de trois autres Généraux d'Armée deux de la Terre et un de l'Air, et d'autres de moindre dimension, avec l'appui total d'hommes irréprochables et généreux comme: MASSELOT, SAINT-MARC et quelques autres, le malheureux général CHALLE n'a pu réunir autour de lui que moins de 3 pour 100 de l'Armée d'Algérie!

Alors prétendre que moi simple Colonel parmi les 150 ou 200 autres en service
dans l'Algérie du moment complètement inconnu en dehors de ma sphère habituelle, j'étais capable d'influencer une part des 97 pour 100 restant, tient du surréalisme!Il est permis de rêver, mais en ayant soin de garder les pieds sur terre et de rester sérieux.

Je ne puis terminer sans conclure. Un certain nombre d'auteurs se sont penchés sur cette tragique période de notre histoire. Je ne les ai pas tous lus. Quelques uns ont repris la « soi disant déclaration de BLIGNIERES , sans pour autant apporter la moindre des preuves de sa réalité. Un seul s'est par la suite excusé des erreurs contenues dans son récit.

Avec Yves COURRIERE vous êtes les deux seuls à m'avoir demandé un témoignage; J'apprécie la démarche pour ce qu'elle manifeste d'une honnêteté intellectuelle à la quelle Je n'étais pas habitué!

Nous sommes en 1993 et trente deux ans ont passé. L'histoire quotidienne nous montre à quel point l'indépendance de l'Algérie était inéluctable qu'elle ait été acquise dans la peine, la douleur et l'amertume est évident. EVIAN ne restera sûrement pas une des grandes heures de notre histoire.

Cinquante millions de Français découvrent l'inquiétant et angoissant visage de l'intégrisme musulman avec son intolérance, son expansionnisme et son agressivité. Et il m'arrive de me poser la question de savoir ou nous en serions, si trente millions de musulmans devenus Français, avec leur démographie galopante, avaient le droit d'évoluer librement entre TAMANRASSET et DUNKERQUE!

J'ai terminé. Je suis toujours prêts à répondre aux questions qu'il vous conviendra de me poser, en restant dans les faits.

Excusez mes fautes de frappe j'écris tellement mal qu'il m'arrive de ne pouvoir me relire, alors je me suis mis à la machine à écrire c'est une vocation tardive et cela se voit.

Sincèrement Votre

Albert BROTHIER

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C'est donc après cette lettre que je lui ai adressée la mienne à laquelle il s'est bien gardé de me répondre. D'ailleurs force est de constater qu'il a disparu des bottins et Minitel quelques temps après et qu'il vit désormais dans les Corbières ayant abandonné sa maison natale de Messe, près de Poitiers

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Guy ROLLAND

1, rue Jules Vallès,
31240-SAINT-JEAN 61 74 57 22

Toulouse, ce 7 Octobre 1993


Mon Général,

Votre lettre du 30 Août, dont je vous remercie, me laisse totalement déconcerté.
J'imagine volontiers que vous ne pouviez évidemment pas mettre en doute la parole du Colonel de BLIGNIERES. Alors, vous mettez en doute sa mémoire et en cause son sérieux.

Dans une affaire pareille il paraît évident que l'engagement aussi déterminant de l'un ou de l'autre des chefs militaires n'était pas approximativement acquis et entériné à partir des sigles des unités qu'ils commandaient.

Les chefs avaient des noms. Ce sont les noms qui prenaient position, pas les matricules.
La particularité du Colonel de BLIGNIERES est d'être aujourd'hui décédé, ce qui n'est pas le cas du Colonel de BAULNY, ni du Colonel BROIZAT, ni du Colonel ARGOUD.

Le Capitaine MONTAGNON qui est devenu avec le Capitaine SERGENT l'historien de la guerre d'Algérie, plus que Monsieur COURRIERE, vous considère pour l'Oranie comme le responsable N° 1 de l'échec de l'entreprise au plan technique par la volte-face du dernier moment.

Les trois Colonels, pour ne citer qu'eux, qui sont au moins autant chrétiens que pouvait l'être le Colonel de BLIGNIERES, sont absolument formels sur votre participation préalable à l'opération et, par conséquent, sur votre responsabilité déterminante.

Je ne vous répéterai pas les termes dont ils usent tranquillement pour définir celui qui les a plaqués au milieu du gué en effectuant un virage à 180° au cœur de l'action. ils ne vous auraient pas reproché d'avoir fait clairement le choix du Général GRACIEUX, par exemple.
Même trente deux années plus tard il est difficile de penser que votre mémoire puisse vous faire défaut à ce point. Au besoin de nombreux écrits imprimés pour l'Histoire attestent de votre engagement auprès d'eux et de votre revirement. Ne vous souvenez-vous pas que les Colonels BROIZAT et ARGOUD vous ont reçu à Metz dans le bureau de ce dernier ? Avez-vous publiquement intenté des procès ou contesté seulement les affirmations de tous ceux qui, unanimement, ont la même version des événements à votre
sujet ?

Personne ne peut imaginer que vous ne pensiez pas à cela chaque jour. Et vous comprenez mieux que personne que tout cela n'a rien à voir avec les hautes considérations politiques sur le devenir islamique ou pas de l'Algérie et des conséquences pour l'Hexagone. Ces considérations-là valent pour tous ceux qui sont allés au bout de leur choix initial et pour ma part je me garderai bien de me laisser aller sur ce terrain.

Mais comment appeler le recul au moment de l'action, comment nommer la falsification de l'Histoire, de votre histoire, quand tant de témoignages de vos pairs attestent d'une version de cette Histoire radicalement opposée à la vôtre et qui est déjà retenue pour l'officielle ? Et pourtant, ils savent tous que de votre part ce ne fut pas affaire de courage physique. Alors ?

Je ne vous aurais pas fait ce mot si vous aviez refusé vos galons de Général. Ces galons m'autorisent à vous poser ces questions puisque l'Algérie était mon pays.

Je vous prie d'agréer, mon Général, l'expression de mes salutations distinguées.


Guy ROLLAND


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En cas de doutes sur les écrits ci-dessus, des attachements de toutes les copies des documents authentiques, peuvent vous être adressés sur demande.

Guy ROLLAND


 
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