Vue de Niamey la situation ne pouvait être jugée
qu'imparfaitement à travers les seules informations de la presse ou de la
radio. On savait qu'une fraction de l'Armée s'opposait au putsch. En fait il
s'agissait de l'Organisation clandestine du contingent (OCC) dont certains éléments
avaient impunément brandi le drapeau rouge et même incarcéré
quelques officiers.
Mais on pouvait s'étonner qu'en contrepartie certains
chefs militaires bien connus n'aient pas résolument pris parti, où qu'ils
fussent.
Alors, et les Bigeard, et les Brothier,
qu'est-ce qu'ils faisaient donc ? Pas un ne répondait « présent »
parmi tous ceux-là qui s'étaient posés en chefs de file en affirmant
qu'ils étaient:
« conscients de se battre pour la défense du
monde libre »...
« pour ne pas laisser la France filer aux
mains des communistes »,
qu'ils voulaient:
« croire encore à cette grande France »,
que:
« traiter avec le FLN est impossible »,
que:
« la présence française signifie quelque
chose (...) une valeur qui s'appelle la liberté », que « si nous
abandonnons les Algériens au FLN, c'en est fini pour eux du droit de penser ce
qu'ils veulent, du droit d'être libres (...). Et si noue entraînons les
musulmans avec nous, si harkis et commandos se battent à nos côtés, c'est
parce qu'ils l'ont compris »...
A quel moment ces chefs militaires avaient-ils été
« vrais » ? Etait-ce quand ils bluffaient leurs hommes et leurs
cadres en leur donnant des motifs élevés de combattre et de mourir
alors qu'ils n'y croyaient pas eux-mêmes, ou n'y croyaient-ils que comme à une
vérité du moment, qu'on ne met en avant que lorsqu'on y trouve avantage
?
Ou bien croyaient-ils à ces motifs élevés, et
avaient-ils « triché » en refusant, contre leurs convictions intimes,
d'en tirer les conséquences aux moments cruciaux qui exigeaient un choix entre
la fidélité à ces convictions ou le souci d'une carrière ?
J'ignorais alors que certains avaient déjà « oublié
» leurs convictions lors du 13 mai 1958 : ce 13 mai dont ils attendaient
quelque chose qui pouvait les « porter aux sommets », ce 13 mai qui ne se
passait pas selon ce qu'ils avaient prévu...
Combien ces hommes furent décevants ! Il
restait Salan, heureusement, mais les autorités gouvernementales avaient
eu quatre jours pour se reprendre.
Désormais les velléitaires ne se décideraient
plus. Le putsch avait échoué.
...
...
Malgré l'inévitable
utilisation d'intermédiaires, ces contacts s'affermirent peu à peu.
J'insistais sans cesse sur la nécessité de ne pas commettre les erreurs à
cause desquelles, au moment du « putsch », certains officiers avaient été
arrêtés par des éléments durs de l'