U N E V I E D
E G E N D A R M E
NOUVELLE CALEDONIE
1967 - 1971
PARTIE 1
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Ne vous étonnez
pas des phrases mal tournées, des nombreuses fautes de français que vous
trouverez en parcourant ce récit, si toutefois nous pouvons appeler cela un
récit puisque
venant d’un
simple gendarme de « La Blanche » n’ayant que le droit de se taire.
II est
certain que les "grosses têtes invitées par la "grosse tête" du
feuilleton « APOSTHROPHE » ne vont certainement pas apprécié la qualité
littéraire. Je ne suis pas un" « intello », j'ai toujours fait parti du
bétail humain comme mes parents, mes grands-parents ainsi qu’une forte
proportion de Français. En conclusion je ne suis pas une grosse tête. Je
suis sur que les grosses têtes l'auront déjà compris.
La "Grosse tête",
vous la voyez souvent reproduite dans votre quotidien « Les Nouvelles
Calédoniennes ». (je vous parle des années 1967-71)
Les plus grosses sont en majorités nichées au sein du gouvernement, auprès des
Ministres, des Secrétaires d'Etat voir auprès du Chef de l'Etat.
A ce jour (1971), à
ma connaissance, les dessinateurs n’ont fait que reproduire des têtes de
personnages connus. Il serait intéressant qu'un jour ils imaginent la
GROSSE TETE des
GROSSES TETE S.
Par exemple : " tiens je sors un statut pour la
Nouvelle Calédonie " une autre grosse tête répond :
« ton statut est con, je sors le mien, il est mieux »
(etc…ect..Ya qu’à voir le nombre de statuts torchés en quelques années).
Si vous avez suivi l’affaire Calédonienne, il y a bien eu de nombreux statuts.
Le résultat nous le connaissons. Des victimes dans les deux camps sauf chez les
"GROSSES TETES". Comme de bien entendu la "grosse tête" c'est à
dire "ON" ou "IL" s'en tire toujours. Pour lui pas de poursuites
judiciaires, pas de remord.
Souvenez vous des
Gendarmes tués à Ouvéa. Il y a bien eu assassinats? Il y a eu des
arrestations, des condamnations ; mais un doute subsiste. A-t-on arrêté les
vrais assassins? La grosse tête qui est restée bien à l'abri s'est effacée pour
laisser place à la justice. Ce n’est pas le moment de se montrer, De toute
façon elle est invisible aux yeux du bétail. Les autorités savaient grâce aux
renseignements de la Gendarmerie que des individus du FLNKS se baladaient avec:
des armes.
Croyez-vous qu’une
grosse tête ait eu l’idée d’appliquer la loi? Non, cela aurait été trop risqué,
parce qu’il ne faut pas faire de vagues, indisposer les autres grosses têtes et
surtout ne pas froisser la susceptibilité du F L N K S.
Gros résultat,
inespéré pour la GR0SSE TETE : même Djibaou et Yéwéné sont
assassinés à leur tour. Fallait-il ou non désarmer les hors la loi d’OUVEA? Il
y a assez de sondages par minitel pourquoi ne pas poser cette question au
Français. De toute façon les français de métropole s’en foutent.
Cette introduction simplement pour faire ressortir que la peau d’un gendarme ne
vaut pas un képi pour les grosse têtes.
Et puis le malaise
dans la Gendarmerie la grosse tête va y remédier dans quelque temps.
« On verra ça plus tard… Calmement entre quatre yeux…Lorsque le
Gendarme n’aura plus de papier pour rédiger les lettres anonymes, il finira bien
par s’arrêtera. Je connais les Gendarmes, c’est du bétail. »
(Aujourd’hui je dirais « des veaux »)
Quand aux officiers
ceux-ci ne disent rien ou pas grand-chose ; une chance pour les grosses têtes.
Vous ne voyez pas que les officiers se mettent eux aussi à envoyer des lettres
anonymes? A ce sujet, je rassure tout de suite la grosse tête, non, ils
n’enverront pas de lettres anonymes. Ils ne sont pas tellement malheureux.
Eux sont les
bergers, les Gendarmes bien entendu sont les
moutons (ou les veaux). Tout ce qui
a été fait dans la gendarmerie à commencer
par le fameux service intérieur, a été fait par des
officiers et des grosses têtes. Jamais le
Gendarme n'a été sollicité si
ce n'est pour le casse pipe.
Je ne voudrais pas mettre tous les officiers dans le même sac, j'ai
connu quelques uns qui étaient bien.
Voyons donc ce qui ne va pas
dans la
Gendarmerie à l'échelon des Gendarmes. Je peux en parler ayant
été moi même
dans cette Arme, que j'admire et que j:'ai quitté après 15
ans et 6 mois
pour des raisons personnelles.
Mon départ a suscité bien des altercations entre moi et
le Colonel qui
commandait la Légion un certain X... car il est mort
depuis. Mon
dernier poste a été Nouméa, au secrétariat de l'Etat Major;
disons une
bonne affectation(Une planque tout à fait par hasard). A partir du
Samedi
après-midi relaxe pour celui qui n'était pas de permanence,
jusqu'au lundi
à 07heures00. Pour moi qui n'avais fréquenté que les brigades, c'était le
paradis à côté de ce que j'avais bavé grâce à la
bêtise humaine.
DECEMBRE 1967
Tenez, avant ma dernière affectation, j'étais en brigade
dans un joli
petit village de la côte Ouest de la Nouvelle Calédonie,
BOURAIL.
Très verdoyant, construit dans une vallée magnifique où le
matin nous avions la surprise de nous
réveiller au milieu d'un épais brouillard
comme celui que j'avais connu lorsque j'étais en brigade à AMANVILLERS près de
Metz en bordure de la route qui mene à Sainte-Marie-Aux-Chênes et dans la
Meurthe et Moselle.
Messieurs les Grosses têtes c'est là que votre intelligence
va être mise à rude épreuve.
Je v o u l a i s
comme
n c e r p a r v o u s r a c:o n t e r
mes
p e t i t es a v e n t u r e s
dans un ordre
chronologique mais en vous parlant de Bourail il m'est
venu à l'esprit une bien bonne qui m’est arrivée dans cette
brigade.
Voyez plutôt :
Le voyage de Nouméa à Bourail ne fut pas de tout repos. Nous
avons fait la
route, je dirais plutôt la piste, en bus. Un vieux fourgon
Renault aménagé
en transport en commun. Nous étions secoués dans tous
les sens. Par
moment je craignais même que le toit ne s'effondre sur nos têtes
sous le poids
de nos propres bagages.
Nous étions envahis par la poussière qui
pénétrait de
tous côtés. Nous suffoquions. Enfin près de quatre heures après nous faisions
notre entrée dans Bourail. La route traversait
le village. Il y avait des maisons
style colonial
en dur et en bois avec toits en tôles.
C'était
assez ancien comme constructions et cela ressemblait plus à un village de
cow-boys qu'aux villages de métropole. Il n'y avait que la
rue qui
traversait ce bourg sur toute sa longueur qui était goudronnée. Quelques
kilomètres
après les sorties, elle devenait une piste praticable mais infernale.
La brigade se trouve sur les hauteurs du village construite en dur sur une
colline. Elle domine
le village et
la vallée. Une belle vue pour les yeux. Cette végétation
si différente de la Guadeloupe est moins envahissante. Nous étions pratiquement
au milieu de la chaîne de montagnes mais d’avantage sur la côte Ouest.
De l'autre côté
c'était la
Cote Est. La végétation était plus luxuriante et plus colorée
mais
contrairement à la côte ouest il n'y avait pas de savane et le versant des
montagnes arrivait jusqu'au bord de mer la plupart du temps en falaises
abruptes. La route serpentait le long de la côte et traversait de multitudes
villages canaques. Je me suis toujours demandé comment ces tribus ont pu pendant
des années, supporter la poussière
qui les envahissait au passage de chaque voiture ou camion.
Notre appartement était spacieux et meublé. Nous étions bien
logés et les
enfants se plaisaient surtout que nous étions arrivés au
moment des
vacances scolaires. Ma femme n'était pas enchantée. Le village
n'était pas grand, il n'y avait pas de boutiques de linge et le lèche vitrine
s'annonçait mal. Mais mis à part cela, il y avait de tout.
Pour moi ce n'était pas le Pérou mais j'avais la mer à une dizaine de kilomètres
et j'adore la pêche. Je pouvais faire aussi la chasse aux cochons sauvages et
aux cerfs. Mais je n'ai jamais eu le courage de tirer sur d'aussi
belles bêtes que sont les cerfs. Je préférais les regarder passer souples et aux
aguets.
Dès qu'elles me voyaient elles détalaient et disparaissaient au milieu
des niaoulis.
La brigade se composait de quatre gendarmes d'un auxiliaire
local et d'un Adjudant. C’est ce
sous-officier qui nous commandait. Il était pratiquement en
fin de carrière et était âgé d'une cinquantaine d:'année. (Moi
j'avais à cette époque 31 ans). II avait le visage tellement rouge que nous
l’appelions "Flamboyant" du nom d'un magnifique arbre qui fait des fleurs
rouges.
Le commandant d'une brigade est chargé d'assurer avec ses
hommes la surveillance des communes de la circonscription. Nous devions
faire le service de la route, la surveillance des débits de boissons,
poursuivre les enquêtes que le Procureur de la République nous adressait
pour différentes affaires, et nous assurions les fonctions de huissier de
justice.
Dans les brigades le service est assuré 24h sur 24h et dans la semaine nous
avions la possibilité ou plutôt l’autorisation de demander une journée de
repos par semaine mais nous pouvions être rappelés à tout moment. Aussi
pour éviter ce problème, nous partions nous promener loin du village.
Attention, dans la Gendarmerie il faut demander l'autorisation à votre
commandant de brigade si vous quittez le poste pendant votre jour de
repos. II vous la donnait ou il ne vous la donnait pas, suivant
qu'il était ou pas de bonne humeur.
Pratiquement toutes les nuits cet adjudant nous envoyait
en patrouille. II avait le choix de nous faire sortir entre 20 heures et
04 heures du matin. Deux fois par semaine dans ce village, il y avait
une séance de cinéma et c'était la seule distraction pour les
familles. Je suis resté dans cette brigade un mois et demi et je n'ai
pu conduire ma femme et mes enfants à une seule des séances dans
ce cinéma. Devinez pourquoi? Eh bien Mossieur l'adjudant qui habitait
en célibataire, parce que sa femme n'avait pas voulu le suivre, nous
mettait de service pendant que lui allait au cinéma. Il ne voulait pas être
embêté en cas de bagarre dans les bistrots du village.
Tous les soirs il y avait des disputes entre ivrognes; elles
finissaient souvent au coupe-coupe et nous passions des nuits blanches à
calmer les belligérants et à faire les enquêtes et adresser les procès-verbaux
au Procureur à Nouméa. Ce commandant de brigade poussait son zèle
jusqu'à nous surveiller pendant la nuit de derrière ses volets à demi clos
pour s'assurer que nous ne rentrerions pas avant l'heure prévue sur le
bulletin de service qu'il rédigeait et qu'il nous remet tait avant notre
sortie.
Sur ce bulletin il mentionnait les missions que nous devions
remplir et l'heure de rentrée, s'il s'agissait d'un service de nuit. Au
retour le gendarme le plus ancien qui faisait fonction de chef de patrouille
remplissait le bulletin et indiquait tout ce que nous avions fait et
remarqué d'anormal pendant le service. S'il y avait des renseignements
intéressants, en particulier sur la politique ou des événements s'y
rapportant il rédigeait un rapport à l’échelon supérieur toujours en
s'arrangeant pour s'attribuer l'acquit du renseignement.
Pour pouvoir se déplacer avec sa famille il nous fallait une
petite voiture. J'avais trouvé une deux chevaux Citroën d'occasion
mais avant de l'acheter, il me fallait l'essayer. Je devais prendre
le service à 07 heures 30 avec un collègue. J'avais donc pris rendez-vous
avec le vendeur à 06 heures 30 soit une heure avant l'heure de départ de
la patrouille. Je suis allait donc essayer cette fameuse voiture et
malheureusement des ennuies mécaniques ont fait que je suis arrivé
15 minutes en retard à la brigade où le Commandant de brigade
m'attendait. II se tenait devant la porte de son bureau raide comme un
passe lacet, le visage écarlate presque mauve. D'un air dictatorial il
m'ordonna de faire une déclaration sur les circonstances de mon retard
pour la transmettre au Commandant de légion avec une demande de punition
laquelle si elle est confirmée est mentionnée sur mon livret de notes. Je
croyais rêver. Pour quelques minutes de retard dues à des circonstances
involontaires de ma part, ce personnage a le droit de me traiter plus bas que
terre et de me faire punir. Ce droit bête existe toujours dans la
Gendarmerie par la volonté du fameux service intérieur rédigé sous Napoléon.
Que croyez-vous que j'ai fait ce jour là? J’ai envoyé "chier"
le bonhomme en lui disant que j'allais lui faire non pas une mais une dizaine
de déclarations ; puis qu’il pouvait faire ce qu’il voudrait avec que je n'en
avais rien à foutre.
D'écarlate il passa au jaune pâle. Cela se passait en présence
d'autres gendarmes et nous avons cru à un moment qu'il allait
s'écrouler. De toute façon ce n'est pas moi qui l'aurait aidé à se
relever. Nous en avions tous, ras-le-bol de ce mec. Il nous écoeurait
d'être gendarme et quoi faire puisque des gradés comme lui sont
soutenus par les officiers. Dans cette brigade et à ce jour pas un seul
gendarme n’avait osés se rebiffer contre lui.
Les gendarmes n’ont toujours pas les moyens de se défendre
contre les nombreuses brimades et injustices dont ils sont les
victimes. Pourquoi croyez-vous que je parle aujourd'hui? Tout simplement
parce qu’étant à la retraite je ne risque plus rien. Mais que risque un
sous-officier qui viendrait qu’à se plaindre auprès d'un officier, me
diriez vous? Les pires emmerdements d’abord par celui contre lequel le
gendarme se serait plaint, puisqu'il reste toujours sous ses ordres. Les
tournées de nuit ce multiplieraient, ainsi que les enquêtes les plus
difficiles. Au moindre écart, c'est la brimade si celle-ci n’est pas assortie
de « je vais vous faire muter….à Futuna ou à Wallis » ou à un poste déshérité et
j'en passe. Si le gendarme est marié et a des enfants en age scolaire, il est
certain qu’il va se faire tout petit et accepter sans brancher toutes les
humiliations de ce genre.
Pour en revenir à Bourail et à mon histoire avec mon
C.B. ( commandant de brigade) ce dernier me dit, lorsqu'il revint
de sa surprise ne s'attendant pas sur le moment à une telle volte face,
"pour cette fois-ci je passe l’éponge, mais
la prochaine fois vous aurez droit",
Je lui ai répondu à nouveau que je n'avais rien à foutre et que je
pouvez lui faire autant de déclarations qu'il voudrait. Je lui sortais
alors le cas des séances de cinéma qui lui étaient réservées mais interdites
au personnel. II est retourné dans son bureau en claquant la porte derrière
lui et l'affaire en est restée là.
Un mois après, j'étais muté à l'Etat-major de la Légion et lorsque nous avions
droit à sa visite, il était tout mielleux à mon égard…(Fayotage oblige)
A suivre
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