LA
FACE CACHÉE DE LA GUERRE
D’ALGÉRIE
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O A S - UNE HISTOIRE INTERDITE
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NICE-MATIN
DU 28 JUIN 2003
Par un
Documentaire
T.V. choc,
agrémenté de témoignages étonnants,
Georges-Marc Benamou et
François Margolin
rouvrent le dossier de l'Organisation
Armée
Secrète.
Non, comme dans la chanson d'Edith Piaf qu'on
voit et entend , d'ailleurs à l'écran, ils ne regrettent presque rien.
Ni les tentatives d'attentats contre le
général De Gaulle, ni celle contre André Malraux qui coûta
la vue à une fillette, ni l'assassinat d'un policier français, qui n'était
pas une barbouze, ni encore celle d'un bijoutier tué
pour l'exemple afin que les pieds-noirs ne partent pas alors en vacances ni
même, enfin. une volonté de meurtre au bazooka contre le général Salan
avant... qu'il ne les rejoigne.
A entendre parler les anciens de l'OAS
à travers les étonnants témoignages recueillis par Georges-Marc Benamou
et; François Margolin .(voir interview) pour une « Histoire
interdite » diffusée les dimanches 29 juin (1er épisode : L'armée
secrète) et 6 juillet (2e épisode :, La terre brûlée) sur la
Cinq à 16 h 10 (1) on est, d'abord, atterré par cette absence de tout
remords sinon recul par rapport à une période qui fut certes, selon les
auteurs de cette reconstitution objective, « la face cachée de la
guerre d'Aigérie ». La « nostalgérie » sans aucun repentir?
«Vous avez tué des gens ? » demande Benamou. « On
voulait juste rester dans notre pays et puisqu'ils faisaient la même chose de
leur côté (comprendre les algériens du FIN) cela nous paraissait
normal », se justifie Jo Rizza, Idem de la part de Jean-Jacques
Susini, l'idéologue du mouvement ou Philippe Castille, l'inventeur
des « nuits bleues » rencontrés parfois à Madrid où, dans l'Espagne
franquiste, se mit en place cette « structure, contre-terroriste » aux
dires de" ses créateurs.
Quarante ans ont passé, les. cicatrices sont
toujours là aussi vives et le travail des coauteurs du film, où se mêlent
interviewes et images d'archives, s'avère passionnant de bout en bout.
Une enquête qui rouvre un dossier toujours
brûlant malgré le temps écoulé. Et fera l'effet d'un véritable « coup de
poing » au visage des téléspectateurs.
G.B.
(1) Une
version plus longue pour le cinéma devrait sortir à l’automne
Georges-Marc Benamou
et Francois Margolin
La dernière
guerre civile
Ensemble, ils avaient coproduit, par passion
pour Jean Vigo, A propos de Nice, la suite il y a une dizaine
d'années. Puis chacun avait poursuivi sa carrière. Si on ne présente plus,
aux lecteurs de Nice-Matin, l'écrivain Georges-Marc
Benamou, éditorialiste de notre
journal, en revanche son complice
François Margolin mérite un bref « gros plan ».
Auteur du film Mensonges avec
Nathalie Baye, il a réalisé aussi pour la télévision « L'opium
des talibans » ayant collectionné récompenses et hommages dans
divers festivals.
Ils répondent tantôt d'une même voix tantôt
chacun séparément à nos questions.
« Pourquoi une enquêta sur l'OAS aujourd'hui
?
- G.-M. Benamou :
C'est la dernière guerre civile
française, son histoire nous appartient qu'on le veuille ou non. En ces temps
où l'on célèbre « L'année de l'Algérie »,
en gommant ce qui gêne, il nous a semblé qu'il fallait, hors les
sentiers officiels, s'attaquer à ce sujet tabou ; l'OAS et,
d'une manière plus générale, cette agonie de l'Algérie française
occultée par la mémoire officielle.
- Le déclic ?
- G-M. Benamou :
Au hasard de l'écriture d'un livre à
paraître sur Albert Camus (1),
j'ai été frappé par cette aventure : comment vivent
aujourd'hui les perdants de l'histoire ? Grâce à un ami de gauche et
oranais, nous avons été mis en contact avec une figure " majeure et
crédible de l'organisation, Tassou Georgopoulos, président d'une
association d'anciens. Cette expression de l'agonie de l'Algérie française,.
c'est d'ailleurs La peste décrite par Camus,
quinze ans avant qu'elle ne déboule vraiment à Oran.
- F. Margolin :
C'est le vécu de ces combattants qui nous intéressait. Pas l'histoire
directement politique. C'est pourquoi on a préféré rencontrer des gens de
la base pour comprendre de l'intérieur - sans adhérer, bien sûr, à leurs
explicalions comment ils ont agi.
-Vous confièrent-ils facilement leurs
témoignages ?
- Ensemble :
C'est un travail qui nous a pris deux ans I
- F. Margolin :
Pour eux, cela a été une sorte de
psychanalyse. Ils n'avalent jamais autant parlé. Ils en sortent parfois
traumatisés comme Pancho Gonzaiès.
- Une de vos thèses va faire du bruit : l'OAS
serait " aussi une invention - certes : idéologique - de milieux
gaullistes autour de
Michel Debré notamment
?
- G.-M. Benamou :
L'affaire du bazooka le montre ! C'est
un grand scandale qui n'a jamais été véritablement exploré. La
manipulation des pieds-noirs et des activistes d'Algérie française fut
proprement scandaleuse. Mais il y a plusieurs
OAS...
( http://www.algerie-francaise.org/bazooka/
}
Et un des gros intérêts du film est de mettre
l'accent sur ces divisions intestines ?
- G.-M.
Benamou : Méfions-nous des idées reçues ! Il y a la sauvagerie
de certains comme l'atteste l'assassinat du grand écrivain Mouloud Ferraoud.
Mais il y avait aussi, dans l'OAS en Algérie, d'anciens électeurs
communistes ou socialistes qui voulaient s'opposer à la terreur FLN. Il y a
l'OAS de France, plus,. fasciste. Il y a encore l'OAS en Espagne. C'est une
histoire très courte (dix-huit mois) qui a fini en débandade
- Où avez-vous trouvé ces petits films en
Super-8 qui évoquent la vie en Algérie avant la guerre ?
- F. Margolin :
Grâce à Nice-Matin notamment. On avait lancé un
message en ce sens dans vos colonnes. On a reçu beaucoup de réponses. Mieux
que des archives d'actualité, ils témoignent de ce bonheur de vivre là-bas.
Même si c'était une « structure coloniale » comme le dit
l'historien Pierre Nora...
(Propos recueillis par
GEORGES BERTOLINO)
- 1- La guerre d'Algérie : un
mensonge français,
chez Robert Laffont à
paraître en octobre.
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