ATTENTAT
DU PETIT CLAMART
Recueilli pour le Site
par A.Martinez
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Lu dans HISTORIA
"A l'OAS, nous avions une taupe à
l'Elysée"
entretien avec Lajos Marton
Lajos Marton a participé à l'attentat
du Petit-Clamart, en août 1962. Dans "Il faut tuer de Gaulle",
le livre qu'il vient de faire paraître, cet ancien de l'OAS révèle
que Bastien- Thiry, le chef du commando, bénéficiait d'appuis dans
l'entourage direct du Général.
Aujourd'hui, à l'exception d'une pointe d'accent, rien ne différencie Lajos
Marton de
ses voisins. Cet aimable vieux monsieur de 71 ans vit paisiblement dans un
coquet pavillon de l'est parisien.
Et pourtant! Cet anticommuniste a été deux fois condamné à mort : en
Hongrie en 1956 après avoir pris les armes contre les Soviétiques, puis en
France, pour sa participation à l'attentat contre de Gaulle - jugé
par contumace, il bénéficiera d'un second procès, verdict: vingt ans de
prison.
Historia - Dans votre livre vous révélez
le nom du contact de Bastien- Thiry à l'Elysée.
Qui était-il et qu' a-t-il fait pour vous aidez?
Lajos Marton - Il s'agit du contrôleur
général de la Police, Jacques Cantelaube, décédé en 1993. Alain
de La Tocnaye nous avait dit avant l'attentat que nous avions un
informateur à l'Elysée. La seule chose que je savais, c'est qu'il s'agissait
d'un commissaire de police. Il nous a donné la liste des plaques
d'immatriculation des DS 19 du parc automobile présidentiel. Nous étions
aussi au courant des différents itinéraires empruntés par de Gaulle.
Nous connaissions enfin la composition du convoi: deux voitures et deux
motards. C'est Cantelaube qui appelait, ou faisait appeler Bastien-Thiry.
Je crois, mais je n'affirme pas, que Cantelaube n'était pas seul à
l'Elysée.
H. - Quelles étaient ses motivations et
pourquoi révéler aujourd'hui son nom?
L. J. - J'ai rencontré Jacques Cantelauqe
après l'attentat, alors que j'étais en fuite. Lors de cette entrevue dans un
café parisien, je me souviens qu'il m'a dit qu'il était inévitable que je
me fasse arrêter. Il m'a aussi dit qu'il avait chargé au moins trois
personnes de rendre publics son nom et son activité. Cantelaube
voulait faire savoir qu'il avait fait son devoir de Français.
H. -
Comment en êtes-vous arrivé à vouloir tuer le général de Gaulle?
L. J. - Je le considérais comme un traître. Après le 13 mai 1958
et la tentative de prise du pouvoir à Alger par les militaires, je vibrais de
toute mon âme. A Paris, je faisais partie d'un groupe qui, dans le cadre de
la mission Résurrection, devait prendre d'assaut l'hôtel de ville.
Des armes, cachées dans une camionnette, devaient être distribuées au
dernier moment ainsi que des brassards tricolores. On nous avait assuré
qu'une division blindée et un régiment de parachutistes étaient avec nous
et que la préfecture de police, en bloc, gradés en tête, nous suivrait.
Mais de Gaulle a pris le pouvoir par la voie parlementaire et a choisi,
malgré ses engagements, la solution la plus anti-française en abandonnant
l'Algérie et les pieds-noirs.
H. - Quel rôle aviez-vous le 22 août
1962?
L. J. - J'étais dans une Estafette, armé
d'un pistolet- mitrailleur. Il faisait presque nuit et il tombait une pluie
fine lorsque le convoi est passé. De Gaulle était dans la première
DS à l'arrière gauche. J'ai perdu deux secondes avant d'ouvrir le feu car le
levier de l'arme était en haut du canon. J'ai touché au moins un pneu de la
DS, mais mon arme s'est enrayée.
H. - Ça n'était pas la première
tentative?
L. J. -Si nous avions eu à l'époque des
téléphones mobiles, de Gaulle aurait
très difficilement pu nous échapper. Lors d'une tentative précédente, nous
l'attendions porte d'Orléans, et nous l'avons raté parce nous n'avions pas
été avertis: une grève surprise des PTT avait entraîné la coupure des
lignes et on avait fait appel à des étudiants sympathisants de l'OAS.
Mais ils n'ont pas pu nous prévenir à temps..
Propos recueillis par Ch. Courau
Il faut tuer de Gaulle de Lajos Marton
Ed. du Rocher, 216 p., 18,50 ~.
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