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De Gaulle
 
 

O. A. S
Généralités

Partie 2

La Cendre Et  La Braise
de Gérard LEHMANN
Editions SDE

p.32-33-34-
La stratégie de l’O.A.S. va s’orienter dans deux direction : d’une part une forte implantation en Algérie, s’appuyant sur l’organisation de masses dont elle tire sa légitimité, et organisant une résistance ; d’autre part un effort de reprise en main de la dynamique initiale, celle qui, rompant avec la légalité, avait permis le 13 mai et le renversement du régime. Mais cette fois le mouvement doit partir de Paris. Voilà pourquoi Sergent choisit de s'y battre.

Revenons justement à Pierre Sergent. Lors d'une rencontre clandestine avec le général Gardy, il lit le rapport que ce dernier destine au gé­néral Salan :

Le général se contente de décrire, il ne propose aucune solution-miracle.                       

Il préconise seulement l'union sacrée des partisans de l'Algérie française contre la politique d'abandon, estimant qu'il faut avoir le bon sens d'éviter les querelles de doctrine tant que le péril essentiel n'est pas conjuré, c'est-à-dire tant que le général De Gaulle est à la tête du gouvernement (p. 45).

Il n'y a pas en réalité, comme le pense Anne-Marie Duranton Crabol après Charles-Robert Ageron, une Algérie française, dernière chance de la puissance à laquelle succède la France, dernière chance de l'Algérie (op. cit., p. 48), mais une différence d'optique. Le clivage se crée suivant la priorité accordée à l’une ou l'autre option, mais les deux sont concomitantes, elles ne se succèdent pas. La première correspond à un projet politique, la seconde à un projet patriotique de résistance : nous retrouvons là les observations faites précédemment sur la politisation de la cause de l'Algérie française. Et dans tous les cas, transporter le combat à Paris tient compte des deux options. La politisation ne doit pas être ici comprise comme une ligne idéolo­gique dure mais comme un recadrage de l'action dans le domaine politique. Dans son ouvrage, Pierre Sergent a fort bien exposé cette problématique : il y a en effet contradiction pour lui entre la défense de l'Algérie française et le refus de traiter le problème à partir de la métropole et de sa capitale. C'est aussi ce que lui dit Godot, et l'on voit bien là comment, au-delà du clivage, les deux options convergent et s'épaulent :

Puisque les pieds-noirs se veulent Français à part entière, dis-je, puis­qu'ils n'envisagent pas d'avenir possible sans la France, nous n avons pas le droit, nous métropolitains, de les repousser. Saisissons cette chance qui nous est offerte de conserver à la France une plate-forme africaine. C'est une oc­casion d'arrêter nos abandons, de stopper la décadence. Qui sait? Si la France refusait une bonne fois d'abandonner le terrain à l'adversaire, de céder à la violence, c est peut-être le destin du monde libre tout entier qui serait modifié?

Car, pour nous, le problème algérien est un problème d'ensemble qui ne se réduit pas seulement au territoire de l'Algérie, ni à celui de la France, mais qui concerne tous les pays occidentaux, et plus particulièrement l'Europe (p. 49).

Mais, regrette Pierre Sergent à un moment où Salan, réfugié dans la Mitidja, reste absent, il manque l'homme capable de faire la synthèse des deux conceptions, de s'imposer (op. cit. p. 48).

II n'y a donc pas de rupture, ni dans le sens d'un flou initial de la cause de l'Algérie française, ni dans l'obscurcissement final de l'objet. Quant à la violence, aux destructions, au désespoir des derniers jours de l'Algérie française, j'irai plus loin qu'Anne-Marie Duranton-Crabol, je dirai que l'objet ne s'est pas obscurci, il a tout simplement disparu; cette violence aveugle qui creuse le fossé entre les communautés, et que l'O.A.S. réprouvait, exprime une angoisse, un état quand tout espoir a disparu. Elle n'est pas une politique, mais une psychose collective, fille de la rage de se voir battu, du désespoir d'avoir été trahi et de la terreur d'être massacré, mais un geste de légitime défense: les pieds-noirs ont eu leur fort Chabrol, ce fut Bab el-Oued. Prétendre que l’O.A.S. a rendu l'exil des pieds-noirs inévitable est un gros mensonge politique bien déculpabilisant et un peu trop commode. D'ailleurs, pour ce qui est d'Oran du moins, on a souvent attribué à des accès de fureur un certain nombre d'actes violents. Après Marie Elbe et Henri Martinez (voir bibliographie), Claude Micheletti dans Fors l'honneur, montre fort bien qu'il n'en est rien, et que ces actes, exécutions de traîtres entre autres, répondaient à la froide logique de la guerre et, de ce fait, étaient parfaitement justifiés.

Si l'on poursuit l'examen de cette guerre franco-française sous l'angle de la continuité et dans une perspective plus large, si l'on implique le projet gaulliste, alors nous pourrons parler véritablement de projet politique et la résistance à ce projet trouvera sa vraie dimension.
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p.71-72-73-
C'est au poids de la parole publique de l'homme du 18 juin et de celle de ses inconditionnels, enfin, que l’on appréciera le forfait d'avoir consciemment livré en toute conscience l'Algérie, et cela suivant les propres mots de l'homme, à une dictature de misère et de stérilité.

L'O.A.S. est un pur produit de la stratégie gaullienne de l'abandon, comme la Résistance, en son temps, fut celle de l'Occupation : encore qu'il y eût entre les deux une notable différence : dans le premier cas la guerre était gagnée sur le terrain, dans le second perdue. La résistance organisée par les partisans d'une Algérie française dans l'esprit du 13 mai s'inscrit donc dans la ligne d'une fidélité à un idéal trahi par De Gaulle. On a voulu accréditer l'idée que l'ultime et sans doute trop tardive, trop divisée, trop peu politisée cristallisation de cette fidélité que représente l'O.A.S. était en réalité une sorte de corps étranger, un cancer greffé sur le mouvement Algérie française et qui avait entraîné l'exil ou la mort la masse des pieds-noirs et des musulmans fidèles à leur idéal.

Que l'on retrouve ce genre d'assertion chez des policiers ou des politiciens de Rocher Noir qui ont accompagné la dernière ligne droite du dégagement n étonnera guère (voir par exemple Vitalis Gros : Le temps de la violence, Paris Presses de la Cité 1971). On ne saurait leur faire grief du manque d'objectivité, puisqu'ils s'expriment en tant que témoins et acteurs engagés politiquement, pas davantage que l’on ne saurait reprocher un manque d'objectivité à un journaliste de l'Express à l'époque. Dès lors ils ont de l'histoire, une vision colorée, et cette coloration même est intéressante puisqu'elle reflète une mémoire spécifique.  

L'argumentation est simple et retrouve celle qui assimile Algérie française et O.A.S à fascisme. Pour revenir au policier Vitalis Gros, il commence par établir une nette distinction entre l’O.A.S. et les pieds-noirs: sur les 1.350 000 Algérois, il suffisait de 1 000 agitateurs pour faire régner le désordre (p. 74). L'O.A.S. réprime les pieds-noirs: Les mots d'ordre de grève, qui fleurissaient à nouveau sous les moindres prétextes, étaient considérées par les parties saines de la population, comme une agression contre elle-même (p. 108). Les pieds-noirs sont mis en condition par l’O.A.S. (pp. 108, 114) qui les obligeait à se taire et à « marcher ». (p. 109) D'autre part, sans les mots d'ordre de l'O.A.S., on aurait probablement évité l'exode massif qui a plongé tout le monde dans la peine et le désespoir (p. 187). 

Et il a l'indigence d'ajouter dans un ouvrage publié en 1971 :

Je voudrais d'abord faire remarquer que le fait que les accords d'Evian aient été vidés de la partie la plus importante de leur contenu, par l'exode, ne les a pas fait disparaître pour autant dans leur esprit, sinon dans leur lettre (p. 292).

Donc, privée de toute légitimité que lui aurait conféré les Français d'Algérie par un soutien massif, l’O.A.S. serait en définitive responsable de leur exode, de l'échec des « Accords » d'Évian, et pourquoi pas, de décennies de dictature, de corruption et de massacres dans l'Algérie indépendante.

Que l'on retrouve donc ce genre de certitudes dans cette catégorie de témoins et d'acteurs n'étonnera point, mais elles ont contribué à l'édification d'une mémoire officielle. Mais que nombre d'historiens, dont Tripier, Montagnon, Micheletti ou Fleury se distinguent heureusement, aient négligé des pans entiers du drame algérien, et si longtemps après sa conclusion, montre en tout cas que la France est bien malade de sa mémoire, et que cette mémoire est « lourde », pour reprendre l'expression de Michel Winock.
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(Paragraphe à mettre dans Mesmer Harkis p.74-75

En revanche, pourquoi s'encombrer des Français musulmans qui avaient choisi la France ? Dans cette histoire tragique des derniers mois de l'Algérie française, le drame des harkis hante les coulisses de l'Histoire. Louis Joxe, ministre des Affaires Algériennes qui, lors du sauvetage des harkis qu'avaient osé quelques officiers courageux, commandait:

Vous voudrez faire rechercher, tant par l'armée que dans l'administration, les promoteurs et les complices de cette entreprise de rapatriement et faire prendre les sanctions appropriées. Les supplétifs débarqués en Métropole, en dehors du contingent prévu par le gouvernement seront renvoyés en Algérie. Je n'ignore pas que ce renvoi peut être interprété par des propagandistes de la sécession comme d'un refus d'assurer l'avenir de ceux qui nous sont restés fidèles. Il conviendra donc de donner la moindre publicité à cette mesure.
http://www.algerie-francaise.org/documents/joxe-criminel.shtml

Si cette note est un faux, qu'on le dise, sinon que les noms de Joxe et de ses complices, dont Messmer, soient à jamais liés à cette infamie, dont je rappelle qu'elle a fait l'objet d'un dépôt de plainte contre X pour crime contre l'humanité. Les tribunaux, aussi, écrivent l'histoire.

Tant que les historiens ne feront pas table rase des idéologies et des mythes, des préjugés et des sentiments, tant qu'ils ne prendront pas en compte la totalité des documents et des témoignages qui leur sont accessibles ; tant qu'ils continueront de se contenter d'évoquer les blessures au visage de la petite Delphine Renard sans dire un mot de la petite Frédérique Dubiton qui eut une jambe emportée par les balles d'une mitrailleuse de Katz à Oran, sans dire un mot des milliers d'innocentes victimes, françaises mais surtout musulmanes, hommes, femmes et enfants sacrifiés à la stratégie de l'horreur du F.L.N. avalisée par l'opportunisme gaulliste et la bonne

« conscience de gauche » ; tant qu'ils ne se pencheront pas à nouveau sur cette phrase d'Albert Camus écrite en 1958:

Si la revendication arabe, telle quelle s'exprime aujourd'hui, était entièrement légitime, il est probable que l'Algérie serait, à l'heure actuelle, autonome, avec le consentement de l'opinion métropolitaine;

tant qu'ils recouvriront d'un silence gêné le crime d'État sans pareil commis contre les harkis, ils ne feront qu'estampiller du label de la scientificité et de l'objectivité les prétentions de la mémoire officielle, ils prendront parti, ils manqueront à l'honnêteté la plus élémentaire, ils se feront complices.

Ce qui était vrai, et l'est encore trop souvent, de passés proches et lointains, l'est encore plus de la guerre d'Algérie.

Le temps n'est pas encore venu de l'histoire, ou du moins, si c'est l'histoire, il y en a deux: l'une que l'on enseigne et qui ment, l'autre que l'on tait parce quelle recèle l'inavouable (Balzac).

Mais en attendant, pourquoi ne pas s'attaquer au détricotage du maillot gaulliste ?

 


 
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