Francoise MESQUIDA après plus de 41 ans de silence dans la douleur et le souvenir trouve la force d’écrire son histoire afin de se libérer mais aussi pour qu’un crime commis par la Mère Patrie ne reste impuni.

Il y a 40 ans, l’armée française ouvrait le feu, sans sommation, sur des manifestants français pacifiques, rue d’Isly à Alger. C’était le 26 mars 1962.

Cette histoire de votre pays, vous la connaissez sûrement, monsieur le Président. Mais globalement. La voici individuellement : c’est, entre beaucoup d’autres, celle de quatre citoyennes qui dans ce terrible massacre ont perdu leur mère : nous avions, mes sœurs et moi entre 10 et 14 ans.

Notre père, grand mutilé de guerre à l’âge de 19 ans - chevalier de la légion d’honneur, Médaillé Militaire et cité à l’ordre de l’armée par le général De Gaulle - revint à la maison en larmes, pour nous annoncer la mort de notre mère dont il tenait à la main le sac ensanglanté.

Ce jour-là, nous avons brutalement basculé dans le cauchemar. Tous les cinq.

Aujourd’hui, notre père n’est plus là. Nous portons encore, toutes les quatre, les séquelles de cet horrible malheur qui nous a, à jamais, privées de notre mère.

Nous pensions que le temps effacerait peu à peu la douleur. Mais la double iniquité de ce crime sous silence l’a, au contraire, amplifiée

Cette année est l’année de l’Algérie en France. Une année de Reconnaissance et de Pardon pour les crimes perpétrés sur le sol d’une Algérie française.

Reconnaissance, Pardon : j’en suis soulagée, mais nous, nous les attendons encore pour cet infanticide de la rue d’Isly, commis par la Mère Patrie. Et que personne ne soit oublié !

Ce serait, monsieur le Président, l’une des plus belles preuves de votre équité aux yeux du monde, en ces temps d’horreur contre lesquels vous vous insurgez.

Nous vous remercions de nous lire et attendons, impatientes, monsieur le Président, une réponse à notre lettre.

Veuillez recevoir, monsieur le Président, l’expression de mes meilleurs sentiments

Francoise MESQUIDA