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Ces tueurs qui « n'existaient pas
Par JP Chappui

LE CRAPOUILLOT  

N°109-mai/juin 1992- Chapitre XVI- pages 72 à 78
Recueilli par Sivéra

Un commando OAS en action dans les rues d’Alger, en face, les « barbouzes »…

Le spadassin n'est pas une invention du siècle et, de tout temps, il s'est trouvé des demi-soldes pour exécuter de sombres besognes.

Mais, voulue, conçue, organisée par des cerveaux corrompus acharnés à chasser les Européens d'Algérie, vifs ou morts, l'engeance barbouze est un phénomène typiquement gaulliste.

I
l avait existé des barbouzes avant la récupération du mot et de la chose par le syndicat Debré, Frey & Compagnons . Dès sa naissance, l'OAS avait été infiltrée par les dénommés Barthélémy Rossello et André Palaccio , qui avaient eu le temps de faire des dégâts avant d'être démasqués et abattus. Mais, en la matière, la palme revient sans contredit à Pasani , un ancien trafiquant d'armes pour le compte du FLN passé au service des brigades anti-OAS en qualité de tueur.

A quelle date peut-on situer le début de l'engeance barbouze ? Les avis diffèrent. Inexplicablement, d'aucuns se donnent le beau rôle ; ainsi de Lucien Bitterlin.

En mai 1960, cet homme de radio crée l'antenne algéroise du MPC (Mouvement pour la Communauté), qui colle sur les murs d'Alger neuf mille affiches favorables à De Gaulle et à l'autodétermination. Yves Le Tac prend la présidence de la station Yves le TAC prend la présidence de la Fédération algérienne. C'est un industriel en chauffage central, président de l'Association des anciens déportés de la Résistance.

UN RÉSEAU D'INCONDITIONNELS

Animé de Paris par Jacques Dauer , président, et Raymond Schmitlein , vice-président, le MPC vise des objectifs politiques : il se veut « le noyau dynamique de la future coopération entre les deux pays » . Sous l'impulsion de Lucien Bitterlin, le MPC va devenir un noyau dynamite.

Car, au fil des mois, Lucien va se faire des amis parmi les gaullistes inconditionnels, La campagne pour le référendum du 8 janvier 1961 est l'occasion de nouer des alliances avec René Gentgen, colonel en retraite, Henri Jeunet , conseiller général d'Alger, gaulliste socialiste, tous deux représentant l'UNR, et Claude Raybois , secrétaire général de l'Association nationale pour le soutien à l'action du général De Gaulle, « un personnage jovial, solide, aux yeux clairs et à l'accent parisien prononcé ».

Au siège de l'association, 26, rue Carnot, face au port, Bitterlin fait la connaissance d'André Goulay Etabli à L'Arba comme blanchisseur avec femme et enfants, recousu de cicatrices, cet ancien des « commandos noirs » et de Corée a assuré avec le futur ambassadeur Ponchardier le service d'ordre du RPF. C'est un homme sans nuances :

« Le Oui a gagné le 8 janvier ; on n'a qu'à faire comprendre à tous ces Pieds-Noirs que l'autodétermination est la seule solution. »

Oui, mais « tous ces Pieds-Noirs » ne sont pas d'accord. Dissous après les troubles de décembre 1960, le Front de l'Algérie française (FAF) continue de distribuer des tracts. Les éléments activistes européens se regroupent dans l'OAS. Eminent specimen de libéral favorable à la politique algérienne du général, Me Popie est assassiné à Alger.

Le rendez-vous de Rocher-Noir : Lucien Bitterlin, le premier organisateur des « parallèles » gaullistes.

Avant et après le putsch d'avril 1961, réunions et accords vont bon train dans les milieux gaullistes. Lucien Bitterlin se remue beaucoup, à Paris comme à Alger. Il retrouve souvent André Goulay et, parfois, l'un de ses amis, Guy Gits ; un fonctionnaire de la Société agricole de Prévoyance d'Orléansville, reconnaissable entre dix mille (grand gabarit et cheveux flamboyants), ce qui lui sera fatal. Les deux hommes, partisans de l'action, cherchent « des moyens pour s'imposer et des armes pour se défendre » contre les « commandos Delta » (D comme Degueldre de l'OAS). Ils prêchent un convaincu. Tous trois, par Louis Joxe , obtiennent un rendez-vous avec Jean Morin , délégué général en Algérie. Jean Morin est installé à Rocher-Noir (aujourd'hui Bou-#####s), siège de l'administration ; Alger est en effet considéré comme « peu sûr ».

Rocher-Noir ne l'est guère davantage. Morin sent sa police commencer à lui échapper, noyautée par l'OAS. Il écoute ses interlocuteurs et donne son accord « pour un essai d'un mois dans les départements d'Alger et d'Orléansville ». André Goulay a la responsabilité d'un service Action à créer de toute pièce ; Guy Gits est son alter ego dans l'Orléansvillois. Lucien Bitterlin se charge de diverses tâches, dont la logistique. L’engeance barbouze a trouvé ses parrains avant d'être baptisée.

LA MISSION C.

 Il urge, pour contrer l'OAS, de lancer une grande campagne d'affichage. Bitterlin loue une villa-PC à El-Biar, négocie un parc automobile et commence à recruter. Un boucher nommé Robert Lavier se présente avec sa 2 CV utilitaire ; suivent un gardien de la paix, un administrateur civil et plusieurs représentants de commerce. Neuf mille affiches imprimées en France par les soins de Jacques Dauer arrivent à El-Biar. Deux thèmes : « Paix en Algérie par l'autodétermination » et « Ni la valise ni le cercueil , mais la coopération ». Le MPC est devenu « Mouvement pour la Coopération ».

Quelques jours avant le 13 novembre, date fixée pour la grande opération affichage, Lucien Bitterlin et André Goulay prennent l'avion pour Paris ; il y ont un rendez-vous important, dans le cabinet de Me Lemarchand , situé au quatrième étage d'un immeuble de la rue François-Miron, dans le Marais. L'avocat Pierre Lemarchand est un ancien, lui aussi, des « commandos noirs » d'Algérie, où « s'illustra » Jean-Jacques Servan-Schreiber , du service d'ordre RPF et des Volontaires de l'Union française de Me Biaggi. Bitterlin et Goulay font la connaissance de deux barons du gaullisme de choc : Roger Frey , ministre de l'Intérieur et son chargé de mission Alexandre Sanguinetti .

Militant d'extrême droite dans sa jeunesse, ancien des commandos d'Afrique, grièvement blessé lors des combats de l'île d'Elbe, Sanguinetti a été un partisan tonitruant de l'Algérie française. Comme Debré, il s'est renié pour des raisons d'opportunité très personnelles. Le cerveau du plan anti-OAS, c'est lui.

Ce plan - Mission C - très offensif, est à double fond. Il comporte dans sa partie officielle l'envoi de deux cents fonctionnaires de police aux ordres de Michel Hacq, directeur de la Police judiciaire à la Sûreté nationale ; commissaires et inspecteurs sont des volontaires sollicités, stimulés par la promesse de promotions et de primes.

CARTE BLANCHE AUX BARBOUZES

Volet numéro 2 de ce plan : la formation rapide et l'envoi, notamment à Alger, d'une police très spéciale, sous la responsabilité de Me Pierre Lemarchand et de Dominique Ponchardier , ancien des services spéciaux et auteur à succès de romans d'espionnage. Son personnage principal : le Gorille.

Nommé le 26 novembre 1961 à la tête de l'ensemble de la Mission C, Michel Hacq s'envole pour Alger. A ses côtés : Jacques Dauer et l'ancien champion de tennis Robert Abdesselam, devenu député.

A un rang devant eux, Lucien Bodard , l'as des reporters, capte le maximum de bribes de la conversation des trois hommes. Ce n'est pas tout à fait un hasard si Bodard est dans Avion. Un rédacteur en chef de France-Soir a eu vent de la « Mission C » et a demandé au journaliste de reporter un congé en Corse pour aller aux renseignements.

Les trois hommes parlent naturellement de la nouvelle stratégie à adopter contre les gens de l'OAS : la guerre secrète à outrance ; pour décapiter l'organisation, il faut capturer le Général Salan , les colonels Gardes et Godard , le lieutenant Degueldre et Jean-Jacques Susini ; et, dans un premier temps, recueillir le maximum d'informations sur eux.

Le soir même, dans sa chambre de l'Aletti, Lucien Bodard tape à la machine le « papier » nourri et construit dans l'avion, où apparaît le mot « barbouze », emprunté à l'écrivain Ponchardier.

En voici quelques passages :

« La force de choc sera indépendante ; les nouvelles formations anti-OAS ne feront partie d'aucune hiérarchie classique. Ce seront des organismes autonomes, sans sujétion à l’égard des autorités normales, agissant par leurs propres moyens et ne dépendant que des instances les plus hautes. Ils agissent largement en dehors de l'armée et de la police. »

Emporté par son lyrisme bien connu, Bodard écrit aussi :

« Cette force sera surtout composée de "nouveaux". Tous les as de l'espionnage, du contre-espionnage, de la guerre subversive disponibles en France vont être envoyés en Algérie. Ce sont des gens sûrs, aux origines les plus diverses...»

« Aux origines les plus diverses » est tout à fait exact. Mais le reste du paragraphe l'est moins. Les barbouzes ne viennent pas de la « Piscine » du boulevard Mortier ; ils ne feront pas un métier de seigneurs. Comme dira Me Tixier-Vignancour au procès du général Salan :

« On a fait l'amalgame entre la police régulière et une police irrégulière et supplétive, composée de bandits, de tortionnaires et de condamnés de droit commun. »

Et, comme a écrit Constantin Melnik, alors chargé de la coordination des services spéciaux à Matignon, dans ses souvenirs :

«... Ces demi-soldes du gaullisme... laissant dans leur sillage tout ce que j'apprenais sur leurs éventuelles condamnations pour rixes, coups et blessures, voire proxénétisme... »

Ce qui n'empêchera nullement Constantin Melnik d'assurer la transmission des ordres et des comptes rendus entre le Premier ministre Michel Debré et Michal Hacq autres agents de liaison : Alexandre Sanguinetti (Intérieur M. Frey ), le colonel Laurent (2e Bureau), M. de Rochefort (le Rocher Noir). Michel Hacq dirigera la Mission C de Paris ; quand il viendra à Alger, pour inspecter ses fonctionnaires casernés à l'Ecole de Police d'Hussein-Dey, sous la protection des gendarmes mobiles, ce sera sous un faux nom : « Professeur Hermelin ». Policiers et barbouzes bénéficient du soutien de la Sécurité militaire. Entre Michel Hacq et les barbouzes, la liaison est assurée par l'inspecteur René Chazotte , petit, sec, à l'accent de Perpignan ; surnom « Hernandez».

L'ARGENT SALE DE JEAN MORIN

Chargé du nerf de la guerre, Bitterlin reçoit de Jean Morin trente, millions, pour commencer. Les besoins d'argent sont considérables. Le recrutement bat son plein. Dominique Ponchardier, puisant dans ses relations, envoie le gros de la troupe. Jacques Dauer, toujours actif malgré ses réticences et scrupules, offre à Bitterlin quelques recrues de choix : Pierre Lecerf, ancien de Corée, ami de Goulay ; Mario Lobianco, ancien des Brigades internationales et, hélas, de la Légion ; Gérard Maugueret, parachutiste de 23 ans, expert en explosifs ; Michel Dirand, ex-commando de l'Air ; Gaston Quetel, chargé de surveiller Bitterlin...

Le département Finances des barbouzes est tenu par Jean Dubuquoy et Louis Dufour. Les deux comptables gèrent les fonds, paient les soldes, règlent les loyers des villas.

Il y a entre autres le PC d'El-Biar, la villa Andréa, du nom de son propriétaire, très Algérie française ; de style mauresque, à un étage, on l'appelait aussi « la maison du bonheur » (dar es Saada) ; ce sera la maison de l'enfer., Plus tard, beaucoup plus tard, en 1968, lorsque les cris des. torturés se seront, tus depuis longtemps, des fouilles mettront au jour une ,douzaine de corps de Deltas ou d'Européens capturés puis torturés. Il y avait aussi la villa B, rue Faidherbe, impasse donnant sur le chemin Raynaud, d'autres encore...

SECURITÉ MILITAIRE ET BAS-FONDS

Le ministère de l'Intérieur est bien placé pour recruter: il a sous la main, via l'administration pénitentiaire, tous les détenus « intéressants ». En, 1961, un certain Raymond Meunier, dit « Raymond-la-Science », condamné pour vol à main armée, est libéré avec mission d'infiltrer les milieux OAS. Il travaillera surtout en métropole. Selon Leroy-Finville, chef de service du SDECE, qui le connaît pour l'avoir utilisé, c'est « le summum de la belle brute ; un colosse adipeux, difforme et flasque, une voix grasseyante aux intonations vulgaires... ».

Raymond-la-Science crée de faux réseaux OAS qui organisent des attentats à l'explosif. Comme il renseigne également l'OAS, il reste actif et dangereux longtemps.

La Sécurité militaire n'est pas plus « regardante » que la police. Sa recrue-phare est un certain Jean Augé, un second couteau de la Résistance devenu sans transition un caïd du milieu lyonnais. « Petit-Jeannot » reçoit l'ordre d'abattre à Alger deux agents du SDECE accusés de « trahison ». Plus tard, en 1965, le colonel André devra reconnaître avoir utilisé le savoir-faire d'Augé « en diverses circonstances », sans plus de détails. Augé est mort le 15 juin 1973, abattu au cours d'un règlement de comptes de nature indéterminée.

Pierre Lemarchand, dont la femme s'occupe des problèmes administratifs - formalités diverses, enquêtes discrètes sur certaines recrues, billets d'avion, transports - a recruté un judoka de haut niveau, propriétaire d'une salle -située du côté de la République à Paris : Jim Alcheik, et huit de ses meilleurs élèves. L'adjoint de Jim, Roger Bui-Thé est un expert en combat rapproché qui se révélera tueur cruel et sanguinaire. Parmi les élèves, il y a quatre Vietnamiens dont la présence incongrue fera instantanément repérer la troupe dès son arrivée à Alger.

Très vite, le MPC dispose de cinquante permanents, sans compter les chauffeurs et gardes du corps algériens fournis par le cheikh Zekiri, avec ou sans l'accord officiel du FLN.

Pour saluer à sa façon l'arrivée de l'ennemi nouveau, l'OAS abat en pleine rue, à Orléansville, Bovis, adjoint de Guy Gits. Riposte immédiate des barbouzes, destinée à frapper l'opinion européenne. Un soir, cinq commandos en voiture font sauter l'Otomatic, le Tantonville et le Cheval Blanc ; quelques jours plus tard, le Joinville, le Coq Hardi et le Viaduc sautent à leur tour. Dégâts considérables, surtout sur le plan psychologique. Tous ces établissements étaient des fiefs « intouchables » de l'OAS.

Degueldre relève le défi. Il lui faut peu de jours pour identifier un certain Dulac, qui habite une villa rue Séverine et circule dans Alger et sa banlieue dans une Mercédès conduite par Goulay. Photographies faisant foi, Dulac n'est autre que Lucien Bitterlin, le gaulliste à abattre. La Mercédès quitte la villa chaque matin à 8 heures, en marche avant.

Le 6 décembre, deux commandos, chacun à bord d'une voiture, se postent au bas de la rue afin de prendre la Mercédès sous leurs feux croisés à sa sortie de l'impasse. A bord du premier véhicule, Jo Rizza ; au volant de l'autre, Gaby Anglade, l'un des meilleurs hommes de Degueldre depuis l'arrestation du sergent Albert Dovecar.

Exceptionnellement, la veille au soir, André Goulay a garé la Mercédès en marche avant. Ce matin-là, Goulay enclenche la marche arrière et commence à reculer. Dès qu'ils voient apparaître ce qu'ils pensent être le capot, les Deltas ouvrent le feu à la MAT-49, au MP-40 et à la Thomson. Quatre chargeurs de vingt-cinq criblent la malle arrière de la Mercédès. Histoire de fignoler, Rizza dégoupille une MK-2. La défensive rebondit sur la carrosserie et explose à terre.

Atteint d'une balle ou d'un éclat, Goulay se couche et éjecte Bitterlin d'une bourrade. Des voisins européens s'approchent et entourent les blessés, non pour les achever, comme le supposent un moment les deux intéressés, mais pour les secourir. Goulay et Bitterlin sont emmenés à l'hôpital Maillot, qu'ils ont préféré à Mustapha. Goulay y est opéré d'urgence. Bitterlin reçoit quelques soins puis regagne la villa Séverine, où bientôt une estafette de la Délégation générale apporte un billet d'avion à l'intention de Mme Bitterlin, invitée, pour des raisons de sécurité, à quitter l'Algérie pour la métropole.

Quelques jours plus tard, Lemarchand rend visite à André Goulay. Prévenue, l'OAS est là, en nombre, et en armes. Des rafales crépitent dans la cour de l'hôpital. L'avocat et ses gardes du corps se réfugient dans les bâtiments malgré les protestations de la direction. Impossible pour les barbouzes de sortir : la foule, hostile, est massée devant les grilles. Lemarchand et ses sbires veulent se frayer un passage en force à l'arme automatique. Le commissaire du quartier les en dissuade et fait appel aux policiers anti-OAS d'Hussein-Dey pour les tirer d'affaire. Quelques jours plus tard, André Goulay quitte discrètement Alger pour la France.

BARBOUZES SUR LE QUI-VIVE 

Le 12 décembre, à 21 heures, Bitterlin réunit ses hommes la villa B, chemin Raynaud. Soudain, un guetteur vietnamien donne l'alerte : un inconnu rôde dans les parages. L'intrus es aussitôt pris, amené à l'intérieur, fouillé, délesté de son 6,35 et de son port d'arme. Les barbouzes déchantent vite : l'homme n'était qu'un promeneur à la conscience tranquille. La Sécurité militaire demande à Bitterlin de relâcher au plus vite le passant. Peu après, deux démineurs de la police officielle se retrouvent eux aussi dans la nasse, braqués par les occupants décidément bien nerveux. La Sécurité militaire intervient de nouveau ; et ce n'est pas fini.

Quelque part en Europe, le colonel Argoud lit avec intérêt la nouvelle de sa propre arrestation. Un «canard » qui deviendra malheureusement vrai à Munich. Du fait de barbouzes...

Le 13, nouvelles alarmes dans la villa B. Un Européen qui semble un peu trop curieux est happé sans ménagements à l'intérieur. Un agent de Bitterlin, un musulman nommé ou surnommé Nasser, croit reconnaître le passant; il dit à Bitterlin :

- C'est un technicien de la SN Repal et de l'OAS. Il doit connaître ceux qui ont tiré sur vous l'autre jour.

Appelé par Bitterlin, qui ne tient pas à commettre une nouvelle méprise, le colonel Laurent ordonne de « faire parler » le prisonnier. Trop heureux, Jim Alcheik et ses Vietnamiens se mettent au travail . Torturé, l'homme finit par donner les noms de deux collègues partisans de l'OAS. Le lendemain, deux barbouzes partent en expédition et ramènent les deux techniciens du pétrole. « Traités » par les bourreaux, ils passent aux « aveux ». Déception : ils ne savent manifestement pas grand-chose, n'étant dans l'organisation secrète que des sous-ordres.

LA COLÈRE DES PÉTROLIERS

Pendant ce temps, on s'agite beaucoup à la SN Repal et par ricochet à Hassi-Messaoud. La disparition des trois techniciens est justement attribuée aux barbouzes. L'ensemble du personnel, de haut en bas, menace de se mettre en grève si les camarades ne sont pas immédiatement relâchés., On alerte, la Délégation générale de Rocher-Noir. Jean Morin tremble pour son poste. Une grève diminuerait la production de pétrole; le gouvernement ordonnerait une enquête, qui remonterait jusqu'aux barbouzes, ces barbouzes qui n'existent officiellement pas... Deux jours plus tard, sur intervention personnelle de Jean Morin, les trois techniciens libérés retrouvent leurs postes de travail à la SN Repal. On leur a fait promettre de ne raconter à quiconque les traitements subis, mais ils parlent quand même.

Leur récit arrive aux oreilles de Degueldre, qui réagit immédiatement : il faut détruire les barbouzes dans leurs terriers. En effet, la situation devient préoccupante. Assassinats, enlèvements et explosions font souffler un vent de folie sur Alger. On fouille des passants pour un oui ou un non, les nerfs sont à vif ; quelquefois, c'est un comble, les gens de l'OAS sont pris pour des barbouzes. Il faut en finir.

BATAILLE DE RUE

L'opération est bien préparée. Degueldre ne laisse rien au hasard. Pendant huit jours, d'une planque sûre - l'appartement d'un officier de la Coloniale en retraite -, les Deltas surveillent la villa B, rue Raynaud. Ils prennent notes et photos, dessinent des plans. Lorsque Degueldre en sait assez, il fixe la date et l'heure : ce sera le 31 décembre, juste avant le couvre-feu.

Ce soir-là, une 403 verte s'arrête à l'entrée d'un immeuble en construction, face au repaire barbouze. Le fameux Jo Rizza aide le pivot de l'opération, Marcel Ligier, à sortir de la voiture un matériel choisi. Spécialiste du tir au bazooka et au mortier, expert en explosifs, Ligier a apporté plusieurs tubes en plastique, un gros sac de roquettes, une batterie et du fil électrique. Progressant dans les gravats, Rizza et lui montent le tout au sixième.
Là, on assemble. Les roquettes sont introduites dans les tubes reliés entre eux, un quatrième devant servir de viseur. Un fil relié au dispositif tombe le long de la façade jusqu'au sol, où attend la batterie, à laquelle on branchera le fil au moment M.

M -30 : les hommes des commandos Rizza et Anglade se déploient en tirailleurs face au repaire.

M -10 : au volant d'une 2 CV,qui descend lentement le boulevard Galliéni, Nicole Gardy ; à ses côtés, Roger Degueldre.

A M -23 h 15 -, Marcel Ligier fait tonner ses tubes.
Couverts par le tir ininterrompu de l'as du FM, Anglade, qui arrose la façade sans désemparer, les commandos sortent d'un jardin qui leur servait d'abri et donnent l'assaut, mitraillette à la hanche.
Sous l'impact des roquettes, des pans de murs s'écroulent. Cachés comme ils peuvent dans les ruines de la villa, les assiégés, surpris, s'organisent et rendent tir sur tir.

M + 5 : Degueldre donne un coup de sifflet bref et strident. C'est le signal convenu du repli ; les forces de l'ordre vont arriver. Dès que les véhicules Delta ont disparu, police et gendarmerie surgissent. Croyant voir arriver des renforts OAS, les barbouzes tirent dessus. La méprise coûte la vie à un brigadier.

Deux heures plus tard, Pierre Lemarchand, qui vient d'arriver de Paris, se présente à la villa ; il va passer la nuit à aider Lucien Bitterlin à panser les plaies des blessés ; selon les barbouzes, il n'y aurait aucun mort ; le lendemain matin, l'OAS en annonce quatorze, « homologués ».

Le lendemain matin aussi, un « passant » s'approche du repaire. Un coup de feu claque. L'homme est touché aux reins mais trouve la force de battre en retraite ; il meurt un peu plus loin, vidé de son sang. C'est le capitaine Massenet, responsable OAS pour la région Orléans-Marine. Sa présence était-elle fortuite ou venait-il aux nouvelles ?

Il existe une autre version : Massenet aurait été tué d'une manchette par Jim Alcheik ou l'un de ses Vietnamiens.

MORTS EN VRAC

Dans la journée, avec l'aide de la Sécurité militaire décidément aux petits soins pour les, tueurs, Lemarchand et, Bitterlin procèdent au déménagement de leurs hommes. On quitte la villa B pour la villa A d'El-Biar ; la villa Andréa, «la maison du bonheur ».

Là, Lemarchand fait un compte rendu morose de son aller-retour en métropole. A Paris, on est très mécontent des barbouzes. On préférerait en haut lieu moins de bruit et plus de résultats ; on réclame des arrestations ou des assassinats spectaculaires de gros bonnets. Plus d'efficacité, sinon... Il y a de la menace dans l'air ; pour tout le monde. Peut-être même, en haut lieu, la fin des barbouzes, devenues nuisibles, est-elle décidée.

Le 29 janvier 1962, des déménageurs de Bedel & Cie livrent deux caisses lourdes et volumineuses - deux cent soixante-deux kilos - à l'heure dite. La cargaison, très attendue, est accueillie avec joie il s'agit de tout un matériel de composition et d'impression on va pouvoir enfin fabriquer tracts et affiches sans sous-traiter. Mais que fait la douane ? En principe, elle doit assister à l'ouverture des caisses. On attend un peu ; le temps passe puis s'arrête. Jim Alcheik n'y tient plus. Impatient de devenir éditeur à part entière, il porte le fer entre deux planches de sapin et imprime un délicat mouvement de bas en haut...

Enorme explosion ; champignon de fumée au-dessus des hauts d'Alger. Quatre-vingt-dix kilos d'explosifs - 30 de plastic, 10 de TNT, 30 de N 17, 20 de dynamite gomme - plus quelques grenades défensives pour fignoler le travail dans les coins, ont fait sauter la villa Andréa, qui retombe en pluie sur une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf barbouzes calcinées.

Parmi les rares survivants, trois prisonniers, dont deux membres de l'OAS, qui ont été torturés et que l'arrivée de l'imprimerie a sauvés de justesse. Il s'agit probablement de Henri Vincent , aide-radio, d'
Alexandre Tislenkoff , responsable ses émissions-Pirates de l'OAS, et d'un chef de chantier nommé Jacques Gosselin .

Qui, à Marseille ou ailleurs, a piégé les caisses ? L'Organisation de l'Armée secrète ? Le SDECE ? Probablement les deux, l'un aidant l'autre et réciproquement. C'est que les barbouzes sont devenues diablement gênantes pour le gaullisme et ses leçons de vertu dispensées de haut, urbi et orbi : les liens et accords de la troupe avec le FLN, de plus en plus concrets, sont jugés voyants et prématurés.

Rassuré par la détermination de Lemarchand, que la haine semble aveugler, Bitterlin reloge ses troupes à l'hôtel Radjah, propriété du Bachaga Bouabdallah. Ponchardier vient y pendre la crémaillère, porteur d'une bonne nouvelle ; les renforts arrivent. Il s'agit d'un certain nombre de truands de Marseille et d'ailleurs.

Ils retrouvent à l'hôtel Radjah un certain Christian David , tortionnaire de Tislenkoff , et qui assassinera quelques années plus tard le commissaire Galibert. Tout ce beau linge va vivre en état de siège : dès le lendemain de l'installation, qui n'est pas passée inaperçue, un commando Delta de quatre hommes mitraille le nouveau repaire. Les barbouzes ripostent : quatre Deltas sont abattus.

Quelques heures plus tard, Roger Degueldre vient en personne, en force, avec half-tracks, lance-roquettes et mitrailleuses. Dégâts importants. Au même moment, aux abords de l'hôpital Maillot, quatre barbouzes venues récupérer l'un des leurs, blessé, sont prises sous le feu de Deltas du quartier. Leur véhicule s'écrase contre un mur. La foule accourue y met le feu. Le commando achève les barbouzes au pistolet-mitrailleur.

LEUR DERNIER ASSASSINAT

Le « Gorille» au naturel. Ponchardier dicte ses oeuvres complètes.

Les truands de Ponchardier et Lemarchand se terrent. Au cours d'une de leurs rares sorties, ils commettent un dernier crime : ils enlèvent l'ingénieur Petitjean , soupçonné à tort d'appartenance à l'OAS, le torturent, l'abattent d'une balle dans la tête et abandonnent son corps dans un fossé. Reconnu peu après par des témoins, arrêté, l'un des assassins est relâché par le procureur de la République, à cause d'une simple erreur de nom.

Mais la réprobation est totale, l'opprobre général. Les barbouzes ont versé trop de sang français, torturé trop d'innocents commis trop de crimes aveugles. Le 7 mars, on les rapatrie aussi discrètement que possible sur ordre de Roger Frey.

Avec autant de discrétion et de honte, on a enseveli leurs morts, notamment ceux d'El-Biar,dans divers cimetières français, au hasard des places disponibles.A Santeny, par exemple, défense a été faite par les autorités locales administratives d'autoriser la moindre reconnaissance de corps.


Voici le père d'un mort qui précise au maire que son fils faisait partie d'une police spéciale ; on lui oppose l'interdiction de reconnaissance. Et voici huit tombes dont six seulement portent un nom, les deux autres - peut-être des victimes des barbouzes, qui sait ? - resteront à jamais anonymes. De toute façon, les barbouzes ne constituent qu'une odieuse invention de l'OAS.


Roger Frey
l'a dit à la tribune de l'Assemblée nationale le 7 février 1962 :

-Il n'existe aucun personnel chargé de la lutte anti-OAS en dehors des cadres normaux des forces du maintien de l'ordre.

Mieux encore, si c'est possible : Jean Morin et Michel Debré ont osé proférer le même mensonge en déposant sous serment au procès du général Salan , jugé pour avoir refusé de se parjurer.

Jean-Pierre CHAPPUI

COMMENTAIRE de Sévira

Les archives sont une phase incontournable pour que restent à jamais dans des copies la VÉRITÉ sur la "TRAGÉDIE ALGÉRIENNE". Pour que NUL ne puisse prétendre "Qu'il n'était pas au courant !"

Et oui Messieurs et Mesdames, cela c'est passé sur le territoire National, dans la République Bananière de FRANCE, sous la Houlette du "Généralissime", Leader MAXIMO de la République Soviétique de France ! France : Dernier Régime Communiste de la planète, accommodé à la "Sauce Rose-BONBON" socialiste. Maurice DRUON de l'Académie Française avait raison dans son livre "LA FRANCE AUX ORDRES D'UN CADAVRE": Celui du COMMUNISME !

 


 
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