Pierre SERGENT: DU MAQUIS A
L'OAS
LE CRAPOUILLOT
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« On n'a
rien fait contre les idées tant que l'on n'a pas nuit aux hommes », disait
avec un brin de cynisme Joseph de Maistre. Quand ces hommes sont des
vaincus, au plaisir de les piétiner s'ajoute celui de les confondre. Non
seulement ils furent malheureux mais ils avaient tort. Non seulement ils
avaient tort, mais ils étaient ignobles. « Salauds de pauvres ! »,
s'écrie un personnage de Marcel Aymé dans « La traversée de
Paris ». « Canailles de vaincus ! », reprend la Bonne
Conscience Universelle, depuis vingt-cinq ans, lorsque l'on prononce le mot «
OAS ». Il est donc admis que l'organisation Armée secrète rassembla
des brutes fascistes, des tueurs stipendiés, le ban et l'arrière-ban des
maquereaux républicides.
Ce bobard a
d'excellentes raisons d'être et de demeurer dans la mémoire d'un peuple qui
eut à subir, en moins de quatre ans, un viol politique justifié par la défense
de nos départements d'outre-mer (par-devant) et les outrages d'une paix qui
scellait leur abandon (par-derrière).
Le témoignage que
nous publions ici est celui d'un homme qu'un même sentiment de l'honneur
poussa à s'élever, à vingt ans de distance, contre les raisons d'Etat
vichyste et gaullienne. C'est un déplorable exemple d'entêtement patriotique.
Puisse-t-il éclairer
quelques jeunes gens sur ce que furent les motivations profondes de ces
soldats qu'on dit curieusement « perdus », parce qu'ils suivirent une
route trop droite.
Y.B.
SANS mai 1940, je serais peut-être devenu
l'explorateur que j'imaginais être aux côtés de Paul-Emile Victor,
ou un missionnaire à barbe blanche partant évangéliser les Noirs sur les
traces du père dominicain qui m'avait préparé à ma communion. Sans les
chars de Guderian, sans le spectacle accablant de l'exode des civils et
l'insupportable déroute de l'armée française, mon univers d'enfant sage ne
se serait pas écroulé.
Car il s'écroula, en me brisant le coeur et
semant la révolte dans mon âme. Jamais je n'aurais pu imaginer qu'un
officier de mon pays puisse être un lâche. En voir dévaler sur nos
routes me fit penser que la France était morte. Et quand, le 17 juin 1940, le
vieux Maréchal nous dit qu'il fallait cesser le combat, je réagis d'instinct,
en vibrant de la tête aux pieds : lever les bras était infamant, la
capitulation était une attitude impossible. Je devais me battre pour venger
et sauver mon pays.
J'entends encore la voix de mon frère
m'apprenant qu'un général a lancé, de Londres, un appel pour inviter les
Français à poursuivre le combat. Mon instinct a donc raison. D'un coup,
l'espoir renaît. Tout n'est peut-être pas encore fini puisque le drapeau
flotte encore quelque part. Oui, il faut lutter. C'est évident : nous ne
pouvons accepter que les Allemands soient maîtres chez nous !
J'imagine déjà que tous les Français s'unissent pour combattre
l'envahisseur. Les plus courageux rejoignent De Gaulle dont le nom évoque
les vertus guerrières et l'entêtement de Vercingétorix... Ceux qui
ne peuvent le rallier rendent à l'ennemi la vie impossible. Seuls quelques
traîtres, les « pourris de la IIIème République »,
pactisent avec les boches, mais ils ne représentent rien et, de toute façon,
nous les pendrons.
Raisonnement puéril, que le temps ne tarde
pas à démentir. La France des meilleurs se coupe en deux. Et son ventre
mou accepte les consignes officielles de patience et de résignation, des
consignes qui me sont insupportables. Mon frère aîné me fait entrer dans un
réseau de résistance, le Front national (déjà !), dont font partie des élèves
des lycées Henri-IV et Louis-le-Grand.
La distribution de journaux et de tracts n'a rien d'exaltant. Le fils du
professeur Bayet nous introduit dans une formation plus active, le
corps franc Liberté.
Du maquis, j'ai rapporté une expérience
passionnante et une décision qui va déterminer la suite de mon parcours :
pour remplacer mes camarades tombés en Sologne, je deviendrai officier.
J'aurais aime m’engager dans la 2° DB, mais le général Leclerc,
son chef, nous en a dissuadés. « Chacun à sa place, nous a-t-il répondu
fermement, sinon l'équilibre du pays en souffrira. »
A la sortie de Saint-Cyr, je choisis la Légion
étrangère. Par défi. Façonné par des maîtres à penser comme Gustave
Thibon, Péguy ou Saint-Ex., j'estime que la vie - dont le
sens m'échappe - une sorte de parcours du combattant permettant de se mesurer
aux autres et aux événements. Ce combat, dirigé contre soi-même, mène
automatiquement aux options les plus dures et les plus risquées. Comment
connaître ses limites si l'on ne tente rien ?
Et me voici dans ce monde étrange des soldats
de métier qui a fait naître tant et tant de légendes. Rien ne m'avait préparé
à cette rencontre. Ni mon éducation ni mon instruction. Mais des lettres,
envoyées d'Indochine par le capitaine Hélie Denoix de Saint-Marc à
son cousin Gorostarzu , mon camarade de promotion, avaient excité mon
désir de servir dans cette troupe d'élite.
Cette aventure commence par un coup de foudre.
La Légion, il faut l'aimer, ou la quitter. Moi, je l'ai aimée d’emblée.
Avec ses traditions, ses règles et son esprit. Avec ses hommes surtout, des
êtres malmenés par l'existence, à la recherche d'un idéal, d'un emploi,
d'une raison d'être ou d'une rupture avec un passé trop lourd.
Commence la guerre, la vraie. Implacable de
part et d'autre. Loin de la mère patrie, nous avons le sentiment d'être à
la pointe du combat de l'Occident pour la liberté. Ne pas être compris par
le cultivateur de métropole ne me chagrine pas outre mesure. Il me suffit que
le gouvernement ait décidé de maintenir la présence, française en Extrême-orient.
Il me suffit surtout d'espérer la compréhension du monde libre.
La chute de Diên Biên Phû où j'aurais voulu
rejoindre mes camarades si mon état de santé l'avait permis, me donne le
vertige. A présent, la défaite est inéluctable et je refuse de participer
Plus avant à la marche funèbre de la France vers sa décadence. J'envisage
de quitter l'armée, quand, en Algérie, un nouveau défi nous est lancé.
Allons-nous le relever ? Je remets à plus tard ma démission et je rejoins
les miens en première ligne.
Le 1er novembre 1954, la guerre d'Algérie
commence. Trente attentats faisant sept morts et une douzaine de blessés ont
été commis sur l'ensemble du territoire. Pour moi, qui arrive à Zeribet el-Oued,
à la lisière sud des Aurès-Nementchas, huit jours plus tard, cela ne fait
aucun doute : LA
REBELLION QUI ÉCLATE EST DE LA MEME NATURE QUE
LA GUERRE D'INDOCHINE.
Or, le Haut Commandement ne cesse de répéter
que les problèmes d'Indochine et d'Algérie n'ont rien de commun.
« Ici, nous serine-t-on, nous sommes en France ! »
Et le gouvernement n'admettra jamais que nous sommes « en guerre ».
Nous, les jeunes officiers retour d'Extrême-Orient,
nous savons bien que les hommes qui rejoignent les rebelles sont avides de
liberté, de justice mais, par-dessus tout, de dignité. Comme les Viets. Et
nous savons que la force de l'adversaire est d'opposer à nos armes le poids
de « la conscience universelle
»
en utilisant la puissance explosive de ses idées, son arsenal le plus
redoutable.
La méthode qui a si bien réussi au Viêt-minh,
le FLN algérien la reprend et l'adapte. Pour mobiliser toutes ses forces
contre nous, il n'hésite pas à réveiller au sein des populations l'antique
haine de l'infidèle. Voici donc l'islam au service de sa guerre.
Tout cela, nous le comprenons fort bien et nous
comprenons d'autant mieux les revendications des rebelles que personne n'est
moins « colonialiste » qu'un officier qui n'a d'autre intérêt
à défendre que l'intérêt supérieur de la nation. Celui qui gagnera cette
guerre, j'en ai la conviction, c'est celui qui parviendra à convaincre le
peuple algérien qu'il détient les meilleurs moyens de faire régner plus de
liberté, plus de justice, plus de dignité. Ces moyens, la France les possède,
mais aura-t-elle le courage de préconiser la, révolution qui s'impose comme
une évidence ?
Hélas ! pendant les quatre premières années
du conflit, la situation se dégrade. Malgré les promesses solennelles des
responsables politiques qui se succèdent au pouvoir, aucune mesure ne
parvient à rétablir la confiance des populations et, après des soubresauts
multiples, le couvercle finira par sauter au printemps 1958.
Pour l'armée qui a perdu toute confiance dans
le pouvoir et dans le Haut Commandement, le 13 mai 1958 éclate comme
un coup de tonnerre. Il est difficile de décrire l'explosion de joie qui soulève
l'Algérie quand le général De Gaulle pose le pied sur le sol algérien.
Le
16 septembre 1959,
je suis malheureusement obligé d'admettre ce que je refusais de croire
jusque-là : la France vient de
perdre sa chance de grande nation.
En proposant aux populations d'Algérie les trois options : francisation,
indépendance ou coopération, De Gaulle reconnaît
la légitimité du combat que mène le FLN. Cela me saute aux yeux avec une
telle force que je déclare au colonel Dufour, commandant le 1er REP :
« Pour moi, le
drapeau du FLN flotte à partir de maintenant sur Alger.
»
A ceux qui prétendent que l'autodétermination est une feinte destinée
à apaiser l'opinion internationale, je réplique par des arguments de guerre
révolutionnaire. Mais il est de bon ton, dans l'intelligentsia, de laisser
entendre que nous avons été intoxiqués par les leçons de Mao Tsé-toung...
Dès lors, l'atmosphère se tend dans les unités
comme le 1er Régiment étranger de parachutistes (1er REP) dont je commande
la 1ere compagnie. Nous sentons combien notre combat est vain. Les discussions
de popote sont animées. Je me montre l'un des défenseurs les plus acharnés
de l'Algérie française. L'Algérie et le Sahara représentent à mes yeux le
dernier terrain sur lequel nous pouvons construire. Nous devons conserver à
la France une oeuvre à accomplir, une mission pour sa jeunesse. Existe-t-il
objectif plus noble, dessein plus exaltant, que la mise en valeur d'une contrée
immense pour le plus grand bien des populations qui l'habitent ?
Fin janvier 1960, les événements se précipitent. De
Gaulle déclare la guerre aux défenseurs de l'Algérie française.
Pour faire «l'Algérie algérienne »,
il lui faut vaincre tout à tour les pieds-noirs et l'armée.
Le limogeage de Massu, le général des
paras et, à partir du 13 mai, l'idole des Algérois, met le feu aux poudres. Lagaillarde
s'enferme dans les facultés et Ortiz fait dresser des barricades.
Quand la fusillade éclate, le 24 janvier à 18 h 05, entre les gendarmes et
la population, je ne suis qu'à quelques centaines de mètres du tunnel des
facultés, à la tête de la colonne du 1er REP, sur le boulevard Saint-Saëns.
Et c'est ma compagnie qui reçoit la mission de séparer les combattants. Le
sang a coulé et ce premier combat fratricide est le prélude du drame
franco-français qui commence. D'un côté, De Gaulle, une partie de
ses compagnons devenus des comparses, ses mercenaires et ses
hommes de main, de l'autre, des populations qui se sentent abandonnées
et sacrifiées.
Quand De Gaulle décide de rétablir
l'ordre par tous les moyens, le désespoir envahit le coeur des Algérois.
Quant à moi, je propose de passer derrière les barricades, du côté des
insurgés, avec toute ma compagnie. « Ne faites pas
cela, Sergent, me répond le colonel Dufour. Nous avons marqué
des points. Cette phase est terminée... Les barricades doivent tomber
d'elles-mêmes maintenant. »
Estimant impossible de me montrer plus « Algérie
française » que lui et que tous les colonels qui sont à nos côtés,
j'y renonce. Lorsque les insurgés quittent le réduit pour se constituer
prisonniers, en hommage à leur détermination, je leur fais présenter les
armes. Bien maigre consolation...
La semaine des barricades a marqué le 1er REP.
Je sais, à présent, qu'il me sera impossible de laisser commettre sans réagir
l'effroyable injustice qui se prépare.
Entre deux accrochages, en attendant d'être
largué ou héliporté sur les groupes rebelles de l'Ouarsenis ou de l'Akfadou,
je médite l'ordre de Pierre Messmer, le ministre de la Défense :
« Faites la guerre et ne cherchez pas à comprendre. Cela vous dépasse ! »
Ce serait tellement plus simple d'être convaincu et de n'avoir qu'à
obéir. Il est si tentant de s'abandonner au confort intellectuel de la hiérarchie...
Bien sûr, j'éprouve, comme tant d'autres, une
colère grandissante au souvenir des sacrifices de mes camarades. Mais n'ayant
pas la présomption de réduire le problème algérien à des considérations
de personnes, je serais prêt à vaincre rancoeur et amertume si j'avais la
certitude de me sacrifier pour le bien du pays. Or j'ai la conviction, au
contraire, que mon abnégation ne serait qu'une lâcheté. Pour la première
fois, l'occasion est donnée à notre génération de peser sur le destin
national, nous n'avons pas le droit de la laisser échapper.
En juin 1960, De Gaulle lance son offensive d'été. Le 14, il invite
les rebelles du GPRA à venir discuter avec lui. Le lendemain, 15 juin des
personnalités algéroises créent le Front de l'Algérie française,
le FAF. On se bouscule aux portes des permanences pour s'y inscrire. «
Nous avons neuf cent mille adhérents ! », constate, un mois plus tard,
le bachaga Boualem. Il aurait fallu être aveugle et sourd pour ne pas
se rendre compte de la montée des antagonismes. Discuter avec les rebelles
suffit à mobiliser les Français d'Algérie. Aller plus loin conduirait inévitablement
à l'affrontement.
La cote du 1er REP et de son chef, le colonel Dufour,
est au zénith et l'idée d'une opération dont il prendrait la tête prend
chaque jour plus de consistance. Reste à savoir comment la déclencher.
En décembre 1960, l'occasion se présente
lorsque le chef de l'Etat décide d'entreprendre un nouveau voyage
d'explication en Algérie. Aux yeux des partisans de l'Algérie française, ce
déplacement apparaît comme une provocation. Ils feront descendre la foule
dans la rue.
Le 10 décembre, de passage à Paris, j'accepte
la mission que me confie Me Tixier-Vignancour d'aller, de la part du général
Salan réfugié en Espagne, donner le « feu vert » au général
Jouhaud, civil à Alger, pour l'opération projetée. Il s'agit de
profiter des manifestations qui provoqueront des affrontements avec le service
d'ordre pour faire converger sur Alger des régiments du « fer de lance
» afin de s'emparer des pouvoirs civil et militaire en Algérie.
Hélas ! malgré les efforts que nous déployons
pendant cinq jours pour faire « basculer » les chefs de corps,
nous ne parvenons pas à constituer une force suffisante pour passer à
l'action. Le général Jouhaud en est profondément déçu. «
Merci pour tout ce que vous avez fait, me dit-il. Nous ne pouvons plus rien
tenter à présent... Il faut attendre une autre occasion. »
Repéré par la Sécurité militaire pendant
ces événements, je suis muté en métropole par mesure disciplinaire, sans même
pouvoir passer le commandement de ma compagnie. Mais, de coeur, je reste en
Algérie, et je maintiens des contacts étroits avec les colonels qui estiment
de leur devoir de s'opposer à la politique d'abandon de De Gaulle.
Les colonels, eux aussi, cherchent un chef. Après
en avoir sondé plusieurs, ils choisissent le général Challe dont ils
ont apprécié la compétence sur le terrain. Ainsi naît cette révolte
militaire d'Alger que l'Histoire retiendra à tort sous le nom de putsch.
Revenu clandestinement par avion en Algérie
avec quelques camarades, je reprends le commandement de ma compagnie à Zéralda,
la base du 1er REP, le 21 avril 1961, puis, à sa tête, après avoir forcé
plusieurs barrages tenus par des gendarmes, je mène l'assaut du corps d'armée
d'Alger.
Nous y faisons prisonniers le général Vézinet
et son état-major, tandis que les autres compagnies du régiment et
diverses unités parachutistes s'emparent des points sensibles de la ville.
A trois heures du matin, le 22 avril, le général Challe
est maître de l'Algérie.
On sait que cette opération si bien commencée
se termine, quatre jours plus tard, par la reddition de Challe. A mes
yeux, cette décision d'en finir est prise trop rapidement par notre chef qui
n'a pas tenté réellement de rallier les unités qui lui échappaient. On ne
galvanise pas des troupes en utilisant le téléphone. « En temps de
crise, disait Henri IV, c'est le cul sur la selle que l'on conquiert son
royaume! » A défaut de cheval, Challe disposait d'hélicoptères.
Il est des moments où le soldat ne croit que ce qu'il voit...
Quand le général Zeller m'apprend que Challe
a décidé de se rendre, je reste sans voix. Est-ce possible ? A vingt ans de
distance, je revis, avec une intensité accrue, le moment où Pétain a
déclaré de sa voix brisée : « Il faut cesser le combat. »
J'ai un mouvement de révolte. Quelle malédiction s'attache donc à ces étoiles
de généraux ? Pourquoi tant de serments d'opérette ? Quelle dérision !
Dès lors, toute capitulation m'est devenue impossible. D'ailleurs, je n'ai guère
de cas de conscience. Je crois que ma cause est juste. Je dois aller jusqu'au,
bout. Et même si la lutte entreprise est vouée à l'échec, je la mènerai
par solidarité avec les populations injustement sacrifiées.
Je pense encore plus aux Français musulmans
qu'aux pieds-noirs.
Abandonner au couteau
de l'égorgeur celui auquel on a donné une arme française est une ignominie.
Même dans le Milieu, on n'agit pas ainsi.
Encerclé par les gendarmes dans le
gouvernement général, avec les généraux et la plupart des chefs de
l'insurrection, mon premier souci est de sortir de ce piège. Un civil m'aide.
J'abandonne ma tenue camouflée. Je glisse mon pistolet dans le sac d'un légionnaire
et, en compagnie de mon adjoint, je parviens à glisser à travers les mailles
du filet.
Me voici dans la ville, devenu clandestin pour
la deuxième fois de ma vie. Jamais je ne me suis senti aussi démuni.
Quand j'acquiers la certitude que les responsables pieds-noirs engagés à nos
côtés ne veulent pas entendre parler d'autonomie et considèrent que leur
intégration à la France est la seule possibilité d'avenir, je décide
d'aller organiser la résistance à De Gaulle en métropole. Dès 1961,
je crée la branche métropolitaine de l'OAS dont je deviens le chef d'état-major.
Une lutte sans merci s'engage alors contre les bradeurs du territoire.
Malgré les coups portés à l'Organisation armée
secrète, sa puissance ne cesse de grandir jusqu'aux mois, de février-mars
1962 A cette époque, l'OAS est devenue l'une des composantes de la vie
politique française. Tout est redevenu possible, à condition que De
Gaulle admette que les communautés françaises d'Algérie ont le
droit, elles aussi,de vivre sur la terre qu'elles ont enrichie et fécondée
de leur sueur et de leur sang.
Mais la hargne du chef de l'Etat est plus forte que son sens de l'intérêt
supérieur de la nation.
« On ne discute pas avec des factieux ! », laisse-t-il tomber avec mépris.
Et c'est la fin de l'Algérie française. Toutes les forces de l'Etat sont
mobilisées contre ses partisans. Les chefs tombent les uns après les autres,
le général Salan, puis le général Jouhaud. Le coup de grâce
nous est donné quatre jours après l'indépendance de l'Algérie par l'exécution
de Roger Degueldre, l'intrépide lieutenant du 1er RE.P.
Cette fois, c'est bien fini : la France a cessé d'être une grande puissance.
En mars 1986, un quart de siècle après ces événements, j'ai sollicité le
suffrage de mes concitoyens. Parmi les raisons qui m'ont incité à braver le
verdict populaire, j'ai voulu démontrer que notre combat pour l'Algérie française
n'était pas la lutte infamante que certains ont tenté et tentent encore de
faire croire. En élisant l'un des chefs de l'OAS, les Français ont prouvé
qu'ils avaient compris le sens et la noblesse de notre combat
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