Vous avez dit criminel de guerre ?
Voici quelques hauts faits d'armes perpétrés par ZIGHOUT YOUSSEF,
commandant de la wilaya 2 ( Nord constantinois) 39 villages
condamnés à mort. (20 Aout 1955)
Sur le carnet de route de Zighout, les noms des villes et des
villages où le sang va couler: Philippeville, Djidielli. Colle,
El-Milia, Le Kroub, Guelma, Bolée, Jemmapes, El-Arrouch, Oued-Zenati,
Saint-Charles, Robertville, Aïn-Abid, El-Halia, Catinat, Kellermann,
Gallieni, Conde-Smendou, Aïn-Kercha, la liste n'en finit plus...
A'in-Abid et à El-Halia. restent dans les mémoires, comme les "
Oradour ", de la guerre d'Algérie. Ia formulation n'est pas outrée.
Elle recouvre des scènes dont l'horreur laisse pantelant et dont les
photos ne sont décemment pas publiables.
Qu'il suffise de savoir qu'à Aïn-Abid, une petite fille de cinq
jours, Bernadette Mello, fut tronçonnée sur le rebord de la
baignoire, devant sa mère, dont on ouvrit ensuite le ventre pour replacer
la nouveau-née !
Que, sous le même toit, Faustin Mello, le père, est assassiné
dans son lit, amputé à la hache, des bras et des jambes, que la tuerie
n'épargne ni Marie-José Mello, une fillette de onze ans,
ni la grand-mère de soixante-seize ans.
Qu'à El-Halia, sur 130 Européens. 32 sont abattus à
coups de hache, de serpe, de gourdin, de couteau,
les femmes violées, les tout
petits enfants fracassés contre les murs. Ces
exemples ne sont pas cités par complaisance morbide. Ils peuvent aider,
non pas à justifier, mais à comprendre la réaction de ces Européens du
Nord constantinois dont le frère, ou le fils, ou la femme eurent à subir
pareil sort. Et d'éviter de tirer des massacres du 20 août, une
leçon unilatérale et la morale d'une histoire dont la répression
seule ferait les frais.
Le 20 août 1955, à midi., c'est l'heure qui va permettre, dans
les coins perdus, de trouver les Européens chez eux à table ou faisant
la sieste. Il faut profiter de la surprise. A El-Halia et à Aïn-Abid, la
stupéfaction se mêle à l'horreur. Ceux qui levaient brusquement le
couteau sur les Européens étaient des familiers, des villageois
musulmans paisibles. Au point qu'à Aïn-Abid le maire avait refusé toute
protection militaire, craignant que les uniformes ne vinssent troubler la
paix des rapports entre les deux communautés .
El-Halia est attaqué entre 11 h 30 et midi. C'est un petit village proche
de Philippeville, sur le flanc du djcbel El-Halia, à trois kilomètres
environ de la mer. Là vivent 130 Européens et 2000 musulmans. Les hommes
travaillent à la mine de pyrite, les musulmans sont payés au même taux
que les Européens, ils jouissent des mémes avantages sociaux. Ils
poussent la bonne intelligence jusqu'à assurer Ieurs camarades Degand,
Palou, Gonzalès et Hundsbilcher qu'ils n'ont rien à
craindre, que si des rebelles attaquaient El-Halia, " on se
défendrait " au coude à coude.
A 11 h 30, le village est attaqué à ses deux extrémités par quatre
bandes d'émeutiers, parfaitement encadrés, et qui opèrent avec un
synchronisme remarquable. Ce sont, en majorité, des ouvriers ou d'anciens
ouvriers de la mine et, la veille encore, certains sym-pathisaient avec
leurs camarades européens...
Devant cette foule hurlante, qui brandit des armes de fortune, selon le
témoignage de certains " rescapés ", les Français ont
le sentiment qu'ils ne pourront échapper au carnage. Ceux qui les
attaquent connaissent chaque maison, chaque famille, depuis des années
et, sous chaque toit, le nombre d'habitants.
A cette heure-là, ils le savent, les femmes sont chez elles à
préparer le repas, les enfants dans leur chambre, car, dehors, c'est la
fournaise et les hommes vont rentrer de leur travail.
Les Européens qui traînent dans le village sont massacrés au
passage. Un premier camion rentrant de la carrière tombe dans une
embuscade et son chauffeur est égorgé. Dans un second camion, qui
apporte le courrier, trois ouvriers sont arrachés à leur siège et
subissent le même sort. Les Français dont les maisons se trouvent aux
deux extrémités du village, surpris par les émeutiers, sont
pratiquement tous exterminés.
Au centre d'EI- Halia, une dizaine d'Européens se retranchent, avec
des armes, dans une seule maison et résistent à la horde. En tout, six
familles sur cinquante survivront au massacre.
Dans le village, quand la foule déferlera, excitée par les " you
you " hystériques des femmes et les cris des meneurs appelant à
la djihad, la guerre
sainte, certains ouvriers musulmans qui ne
participaient pas au carnage regarderont d'abord sans mot dire et sans
faire un geste.
Puis les cris, l'odeur du sang, de la poudre, les plaintes, les appels
des insurgés finiront par les pousser au crime à leur tour. Alors, la
tuerie se généralise. On fait sauter les portes avec des pains de
cheddite volés à la mine. Les rebelles pénètrent dans chaque maison,
cherchent leur " gibier " parmi Ieurs anciens camarades
de travail, dévalisent et saccagent, traînent les Français au milieu de
la rue et les massacrent dans une ambiance d'épouvantable et sanglante
kermesse. Des familles entières sont exterminées: les Atzei, les Brandy,
les Hundsbilcher, les Rodriguez.
Outre les 30 morts il yaura 13 laissés pour morts et deux hommes, Armand
Puscédu et Claude Serra, un adolescent de dix-neuf ans qu'on
ne retrouvera jamais. Quand les premiers secours arrivent, El-Halia est.
une immense flaque de sang.
Aïn-Abid, dans le département de Constantine, est attaqué à la même
heure. Un seul groupe d'émeutiers s'infiltre par différents points du
petit village, prenant d'assaut, simultanément, la gendarmerie, la poste,
les coopératives de blé, l'immeuble des travaux publics et les maisons
des Européens. Comme à El-Halia, jusqu'à 16 heures, c'est la tuerie, le
pillage, la dévastation. Les centres sont isolés les uns des autres, les
Français livrés aux couteaux. Mais, à Aïn-Abid, les civils sont mieux
armés et ils se défendent avec un acharnement qui finit par tenir les
rebelles en respect jusqu'à l'arrivée des renforts militaires, vers 16
heures. C'est à cette heure-là qu'on découvrira le massacre de la
famille Mello.
Ce nuage de sang dissipé, viendra l'heure des informations plus claires
et des bilans. On se rendra compte que dans cette journée du 20 août,
la chasse à l'homme commença d'abord, sur les ordres de Zighout,
par la chasse aux Européens. En tout, de Constantine à Philippeville, à
Jemmapes, à Catinat, à Hammam-Meskoutine et dans toutes les localités
du Nord constantinois 171
Français ont été massacrés.
A.MARTINEZ
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