«Nous les avons refoulés à coups de
crosse»
(LE FIGARO :Témoignage
recueilli par Anne-Charlotte, De Langhe. Publié le 29 août 2001, page 9)
«J'étais sergent au PC du
10e bataillon de chasseurs à pied qui se trouvait à Chir-Ecole, au sud
d'Arris. Dans ce PC, il y avait une harka d'environ 25 hommes. En avril
1962, nous avons reçu l'ordre de quitter la vallée de l'Oued Abiod. Et,
deux jours avant le départ, l'ordre a été donné de désarmer les
harkis.
Pour qu'ils ne se doutent pas de cette manœuvre,
il y a eu une inspection d'armes générale. Celles-ci devaient être démontées
et les pièces nettoyées présentées sur une serviette blanche. Une
trompette a ensuite sonné le rassemblement général dans la cour.
Pendant que tous les hommes de troupe, harkis compris, étaient au
rassemblement, le commandement a exigé des sous-officiers qu'ils pénètrent
dans la chambre des harkis afin d'y récupérer toutes les culasses. Quand
les harkis sont revenus dans leur chambre et qu'ils ont constaté que les
culasses avaient disparu, on leur a répondu que c'était pour éviter les
désertions et la remise d'armes au FLN.
Le matin du départ, un détachement
important de l'armée révolutionnaire a pris place à environ 500 mètres
du campement.
Après la descente du drapeau français,
l'ordre a été donné à tout le monde de se présenter aux camions; les
soldats métropolitains en premier, car les harkis devaient d'abord
passer devant un officier pour que leur solde leur soit remise. Ce qui fut
fait. Le commandant est ensuite monté dans sa Jeep, tandis que les
camions faisaient tourner leurs moteurs. Puis, l'ordre a été donné de démarrer.
Surpris par cette agitation, les harkis
se sont alors mis à courir derrière les véhicules. Ils s'agrippaient au
bastingage. La consigne était de les refouler à coups de crosse.
Voilà comment la France a remercié ces
quelques harkis: en les jetant en pâture aux hommes du FLN qui voyaient
la scène se dérouler sous leurs yeux. Voilà 40 ans que je voulais décrire
ce drame auquel j'ai assisté, sans pouvoir m'y opposer».
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