«Agonie d’Oran»
de Geneviève de TERNANT
(éditions J Gandini – Calvisson) |
TÉMOIGNAGE DE
MONSIEUR
ANDRÉ GARCIA
P.64-65
– tome 3
Témoignage d'un rescapé du 5 Juillet 1962 à Oran Chaque année à
l'approche du mois de juillet le souvenir des tragiques événements du 5 juillet
1962, ayant coûté la vie à près de 3000 personnes à Oran, morts souvent dans
des conditions atroces, me revient en mémoire. La veille un de mes
employés
musulmans m'avait
prévenu :
"demain ne vient pas au bureau, ne
reste pas en ville, je crois qu'il va se passer quelque chose il vaut mieux pour
toi que tu t'éloignes d'Oran".
Fort de cet
avertissement j'avais décidé de passer la journée chez des amis à Ain-el-Turk,
plage située à 20 km environ d'Oran.
Après le repas nous
écoutions radio Alger qui diffusait sans arrêt de la musique légère. Aucune
nouvelle alarmante bref, tout semblait être normal en Algérie.
Vers 13 h je décidais
de rentrer à mon domicile, 6 rue de la Vieille Mosquée. Je remontais la route du
port et prenais le ravin de la Mina qui conduisait au début de la rue de la
Vieille Mosquée. Je n'avais pas fait 200 mètres après la clinique Couniot que je
vis un homme qui se tenait au milieu de la rue en agitant les bras m'obligeant à
m'arrêter. Il avait l'air complètement affolé
:
"N’allez pas
plus loin me dit-il dans le centre de la ville ils tuent tout le monde".
Je lui répondis que
j'allais garer ma voiture à 200 mètres de là, au garage Vinson. Il repartit en
courant après avoir bredouillé "au revoir et bonne chance".
Une fois chez moi je
jetai un œil pour voir ce qui allait se passer dans la rue. Ne pouvant forcer la
porte de mon immeuble je les vis se diriger sur la porte de l'immeuble à côté le
n°4 et j'entendis un bruit de verre brisé. La porte de cet immeuble était
en glace St Gobain. Puis quelques coups de feu claquèrent.
J'appris par la suite
que le
concierge,
sa femme et
deux ou trois amis
qui étaient venus se réfugier là
avaient été tués.
Toute la soirée du 5
j'écoutai la radio, mais aucune nouvelle de ce qui se passait à Oran, toujours
la même musique légère. Le lendemain je m'enhardis à sortir pour me rendre à mon
bureau. J'aperçus dans la rue
2 ou 3 corps étendus
et pour me rendre à mon garage j'étais obligé de passer près de l'un d'eux et
reconnu un inspecteur de police d'origine kabyle que je connaissais nommé
Attik Youssef.
Je pense que de nombreux oranais ont dû le connaître.
Les corps de tous ces
morts furent enlevés par
l'armée française
dans les jours
qui suivirent.
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