NAISSANCE DE PHILIPPEVILLE
Par
Marcel-Paul Duclos
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Le Général
de NÉGRIER, à la tête d'une colonne de 1200 fantassins et de
500 cavaliers, partait le samedi 7 avril 1838 de CONSTANTINE, bivouaquait aux
EULMAS, puis à EL-ARROUCH, et le mardi 10 avril, à 2 heures de l'après-midi
arrivait sur les ruines de RUSICADE, sans rencontrer de résistance.
Le Général
poussait une pointe sur STORA, puis reprenait le lendemain le chemin de
CONSTANTINE et y arrivait le 14.
La colonne rencontra, dit
l'historien E. V. FENECH
"le premier monument qui révéla
l'emplacement de la ville romaine : c'était un cirque assis au bas d'une
montagne couverte de myrtes et d'oliviers. Par une exception difficile à
expliquer, cette construction située hors de la ville, était dans sa plus grande
partie, d'une telle conservation, qu'on aurait pu croire que la veille encore,
les spectateurs avaient pris place sur les gradins à peine noircis de la rouille
des siècles."
On ignorait le nom de la cité
détruite, mais les premières fouilles permirent de la reconnaître. Une
inscription actuellement au Musée du Louvre, portait que :
"MARCUS
EMILIUS BALLATOR AVAIT CONSACRE DEUX STATUES, L'UNE AU GÉNIE AUGUSTE DE LA
COLONIE DE VENUS RUSICADE, L'AUTRE A L'ANNONE SACREE DE ROME."
Les légions françaises suivant
les traces de l'illustre Légion III Augusta, venaient de retrouver la
seconde cité des quatre colonies cirtéennes, et son petit port d'ASTORAH.
Une route fut alors amorcée après
cette reconnaissance sommaire ; 36 km étaient déjà construits en 1839 et se
terminaient au col d'El-Kantour. C'est de ce point que le Gouverneur VALÉE, en
octobre 1838, prit la tête d'une importante colonne, qui devait planter sur la
côte barbaresque, le drapeau français.
La route fut continuée
jusqu'à El-Arrouch, épousant presque fidèlement l'ancienne voie romaine. Le 30
septembre le point terminus était fortifié et un camp fut tracé.
Le 7 octobre 1838, la colonne forte de 4000 hommes sous le commandement
personnel du Maréchal VALÉE, arrivait devant le golfe de Stora. Le camp fut
d'abord établi à l'endroit portant encore aujourd'hui le nom de "mamelon
Négrier" et des retranchements furent creusés. Aucun ennemi ne se
présentait.
Dans le ravin qui séparait
Rusicade en deux secteurs, parmi les ruines, une petite tribu vivait
misérablement : Les BENI-MELEK. Dès l'arrivée du Gouverneur les notables se
présentèrent et offrirent de quitter leurs Mechtas moyennant une somme de 150
francs. Ils touchèrent les 30 douros et remontèrent dans les massifs
voisins replanter leurs tentes. La conquête de la vieille cité fut donc
pacifique.
Le Maréchal VALÉE fit aussitôt
construire au N-E un fort de branches et de terre qu'il baptise "FORT DE FRANCE",
et le drapeau fut hissé solennellement pendant que deux bateaux à vapeur le
SPHYNX et l'ACHERON, arrivés pour ravitailler la colonne, mêlaient le
bruit de leurs canons aux acclamations de l'Armée de terre. Il fallut 18 jours
aux 3000 hommes de la colonne pour fortifier leur camp.
Le 17 novembre 1838, le
Moniteur annonçait au pays que le roi, acceptant le parrainage de la cité
africaine FORT DE FRANCE, lui donnait le nom de PHILIPPEVILLE.
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