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Nous,
Qui avons été ceux-là
Par Sauveur COSTAGLIOLA

EXTRAIT
DU LIVRE DE SAUVEUR COSTAGLIOLA
Éditeur "Aux Echos d'Alger"

Putsch d'avril 1961

Un autre espoir nous habita le 21 avril 1961 lorsque quatre généraux (Salan, Jouhaud, Challes et Zeller) accompagnés de plusieurs Colonels, Capitaines et hommes de la Légion prirent d'assaut le Gouvernement Général, Radio Alger et d'autres points stratégiques de la Capitale ALGER, sans aucune victime, sans aucune goutte de sang versée.

C'était un jour magnifique, on reprenait confiance : les rebelles étaient battus dans tous les domaines, plusieurs centaines se rendirent, la partie était gagnée.

Tous les commandos OAS se dévoilaient. Grosse erreur de nous tous.

De Gaulle réagit en appelant le peuple français, les jeunes du contingent et surtout les garde-mobiles qui n'avaient pas oublié la fusillade du 24 janvier 1960 entre Pieds-Noirs et eux où il y eu tant de victimes.

A cause de cela les généraux n'ayant eu le temps matériel de bien préparer leur coup, le putsch ne dura que quatre jours : les appelés, les gendarmes et les 3/4 de l'armée restée fidèle à De Gaulle reprirent le contrôle de la ville.

Pour ma part, je n'avais pas dévoilé mon jeu, je continuais à prendre mon service au Commissariat, du Xl ème arrondissement où il y avait des officiers. de police et des brigadiers musulmans. Ils ne se doutaient de rien jusqu'au jour du 6 octobre 1961, date de mon arrestation (la première).

Devant tant de forces armées, et pour éviter un bain de sang entre français on préféra prendre soit le maquis soit rester dans la clandestinité en ville.

Un coup de pied dans les tibias me fit revenir à la réalité. J'étais toujours enchaîné à mon lit, un gros gendarme penché sur moi, me dit : "Tiens un peu de soupe". Je lui répondis : "II faut me libérer le poignet pour manger" et lui de répliquer : "II t'en reste un de libre, débrouilles toi".

L'après-midi fut longue, j'essayais de dormir,, de récupérer parce que je savais que la nuit tombée, la "fête" recommencerait mais en plus grand et je ne me trompais pas.

Il était 22 heures, il faisait noir, on n'entendait plus rien dans la caserne ; les femmes et les enfants devaient être rentrés chez eux, au chaud.

On vint me chercher le premier. Je descendis dans une cave où il y avait deux bureaux et deux chaises. La pièce était bien isolée.

Je m'arrêtais devant un bureau derrière lequel se tenaient deux inspecteurs du Xlème arrondissement que je connaissais bien : Cabrol et Thévenol mais qui avaient pris parti pour les barbouzes, je crois. Ils me firent asseoir. Je sentis dans mon dos un souffle puissant, je me retournais et reconnaissais pour la deuxième fois, celui qu'on appelait "le chef des barbouzes" c'est-à-dire le Colonel de Brosse. Je remarquais ses grosses mains, nos regards se croisèrent sans sympathie.

Sans rien dire, il tourna les talons et partit.

Cabrol et Thévenol commencèrent leur interrogatoire. Je racontais mon histoire comme nous l'avions combinée entre nous quatre.

Ils n'en crurent pas un mot bien sûr (c'était gros, j'en conviens) mais on n'avait rien trouvé d'autre à dire. Ils me firent répéter plusieurs fois l'histoire espérant que j'allais me couper dans mon récit. Ils savaient que je mentais et me suppliaient de dire la vérité avant que quelqu'un d'autre ne vienne me cuisiner (entendez par là les "barbouzes"). Dans un sens, ils m'avertissaient que ça allait mal tourner pour moi. je maintenais ce que j'avais dit pendant plus de cinq fois. Voyant mon entêtement, ils ne dirent plus rien, me regardèrent, puis leurs yeux se dirigèrent vers un coin de la pièce resté sombre, je me tournais et vis un homme brun sortir de l'ombre et venir nous rejoindre. Ils se présenta "Inspecteur Sarrhoui" et d'ajouter : "Avec moi, ça va changer, tu vas parler de gré ou de force parce que tu mens".

Ils étaient à présent trois pour me cuisiner : je ne changeais pas d'un pouce. Alors Sarrhoui me demanda de me déshabiller complètement. Je refusais. Ils me déshabillèrent de force. Je me retrouvais nu au milieu de la pièce : j'étais mort de honte, humilié. Là mon moral en prit un grand coup. J'avais tout supporté la première nuit : coups, menaces de mort par revolver et couteau du jeune musulman, je ne craignais pas la souffrance ni la peur de mourir, j'étais toujours volontaire pour accomplir toutes les missions dangereuses dans les quartiers arabes. A chaque attentat commis chez eux, une pluie de projectiles nous attendait : coups de feu, bouteilles, cailloux tous partis des toits mais malgré tous les risques qu'on encourait : les forces de l'ordre, les musulmans, nous agissions quand même.

La souffrance je la supportais mais être nu, j'en pleurais de rage, moi qui n'allais jamais à la plage parce que j'avais honte d'être en maillot le torse nu, j'étais horriblement timide, Sarrhoui avait trouvé là mon point faible et il le savait.

Ce n'était pas fini : il me lia les chevilles, me fit asseoir parterre puis replier les jambes vers la poitrine de façon à pouvoir lier mes poignets et les faire passer par dessus mes genoux ce qui lui permettait de passer un bâton d'un mètre de long environ entre mes genoux et mes bras liés et ainsi me suspendre entre deux tables. Je me trouvais donc la tête renversée, l'anus, les parties et la verge en l'air.

Une dernière sommation me fut faite, je répétais toujours pareil mais je crevais de honte. Il me dit : "Tu l'auras voulu". Il me plaça un premier bâillon entre les dents, un deuxième sur la bouche et pour finir un sur les yeux.

Dès cet jnstant les coups de pieds dans le dos, dans la gorge arrivèrent très vite.

De temps en temps, ils m'enlevaient les baillons pour que je parle. Je ne disais toujours rien, les baillons aussitôt replacés, la correction reprenait. Les coups ne me faisaient rien. J'avais honte de mon corps dénudé. J'ai confiance, c'est l'inconnu qui m'inquiète et puis je suis nu et de ça j'ai horreur : je meurs de honte.

A cet instant, on ne se rend pas compte que la honte devrait être dans l'autre camp : torturer des français pour y étouffer la résistance contre un gouvernement qui n'a pas tenu parole, qui est allié à son ennemi et lui porte sur un plateau tout un pays en sacrifiant honteusement toute une communauté (pieds-noirs et musulmans).

Une fois encore, on m'enleva mes baillons et là un flot de sang sortit de ma gorge endolorie. Il y eu un moment de surprise parmi mes tortionnaires. Je ne savais pas qui me battait puisque j'avais un bandeau sur les yeux. J'entendis dans le lointain "Donnes lui un verre de vin et continuons !"

Les baillons remis en place on m'aspergea d'eau de la tête aux pieds (je savais ce qui allait suivre puisque j'avais assisté à un interrogatoire sur des terroristes musulmans alors que je m'étais porté volontaire pour participer à des opérations avec les garde-mobiles et ce en 1956).

Quand je faisais la territoriale dans la marine sur le port d'Alger, pendant les événements ou guerre d'Algérie au choix, chaque Pieds-Noirs devait 24 heures par semaine ou quatre à cinq jours par mois d'un coup, aider l'armée à maintenir l'ordre. Moi j'avais demandé à être 24 heures par semaine avec les garde-mobiles basés sur le port d'Alger. Avec eux, on participait à des opérations et arrestations de terroristes.

Une nuit, on avait bouclé le quartier du Marabout (rue Marais) et on avait procédé à plusieurs arrestations dont une sur un terroriste très dangereux. On les emmena au campement : là commença l'interrogatoire, les gardes-mobiles le déshabillèrent, l'aspergèrent d'eau et lui branchèrent le courant : nu et ficellé tout comme moi, il implorait et suppliait qu'on le tue. Cette scène m'était restée gravée.

Donc une fois aspergé d'eau de la tête aux pieds, on me brancha le courant sur l'anus, les parties et la verge : ça me brûlait, je souffrais énormément, j'avais le dos en compote, la gorge en feu mais ce qui me faisait le plus souffrir c'était d'être nu, (mentalement ma souffrance et l'humiliation était plus importante que le physique), d'avoir toute mon anatomie en l'air et la tête en bas tel un animal : l'électricité, les coups de pieds allaient de plus en plus vite, je sentais un flot de sang m'envahir la gorge, j'étais épuisé moralement, ce traitement durait déjà depuis plusieurs heures, ils m'enlevèrent les deux baillons de la bouche, le sang sortit d'un seul coup, je fis signe que je voulais parler : j'avouais que nous devions faire sauter une villa repaire de terroristes et mitrailler tout le monde ainsi que trois autres attentats commis antérieurement sur les 50 que nous avions-pratiques, c'est à dire : mitraillages, plasticages, sabotages en tout genre mais ceux là, ils ne le surent jamais.

Sitôt avoué, un écœurement me prit et je vomissais de rage d'avoir flanché.

Je voulais mourir, je répétais sans cesse aux inspecteurs "J'espère que l'OAS va me tuer, je le mérite". Sarrhoui me répondit : "Ce n'est pas fini pour toi" mais le fait de n'avoir avoué qu'une infime partie me regonfla à bloc.

Sarrhoui : "Pourquoi tu commettais ces attentats ?", je répondais sans cesse : "Je veux que l'Algérie reste Française, égalité entre Pieds-Noirs et Musulmans, et ceux contre lesquels on agit sont des terroristes et pas des innocents" et lui de me répondre "Tiens, voilà un idéaliste".

Il était 4 heures du matin. Je venais de passer plus de six heures d'interrogatoire accompagné de tortures, j'étais vidé moralement et physiquement. Je rejoignais mes trois autres compagnons dans la pièce. On me remit sur le lit de camp, une menotte au poignet droit reliée au lit, et l'autre à la cheville droite reliée à la barre du lit. On bougeait difficilement.

Je racontais tout à mes compagnons de capture et ils me comprirent d'autant plus qu'eux aussi avaient été interrogés comme moi mais sans tortures, et avaient avoué les mêmes attentats que moi.

Le jour se leva dans la caserne, on commença à entendre des bruits de camions, motos, des voix d'enfants partant pour l'école. On en voyait rien de cette pièce, il n'y avait pas de fenêtre, les deux gendarmes ne nous quittaient pas des yeux.

Je finis par m'assoupir un moment. L'odeur de la soupe me réveilla mais je ne pouvais rien avaler, juste un peu de soupe, difficilement, la gorge me brûlait.

D'autre part, je souffrais terriblement des brûlures de courant reçues sur les parties sensibles de ma personne. Après ce bol de soupe, je me rendormais un petit moment. Le restant de l'après-midi se passa calmement, on nous empêchait de parler entre nous. Le temps passait lentement menotté à ce lit sans pouvoir se tourner.

La troisième nuit arriva.

Une fois la caserne endormie, vers 21h30, on revint me chercher ; on me conduisit dans la même cave, il y avait toujours les deux tables et les trois inspecteurs. Je ne saurais dire qui me battait ou me mettait l'électricité.

Sarrhoui attaqua le premier en me demandant si je n'avais rien d'autre à dire. Je lui répondais simplement ce que ce j'avais fait c'était pour que l'Algérie reste Française, et lui de rétorquer : "Déshabilles-toi idéaliste !". Je refusais. Ils me déshabillèrent de force, me ficelèrent à nouveau les chevilles, m'assirent par terre, me rabattirent les genoux vers la poitrine et une fois les poignets ficelles à leur tour me les firent passer dessus les genoux afin de me suspendre entre les deux tables après y avoir glissé un bâton et m'avoir appliqué les baillons. Je me retrouvais dans la même position que la veille, tel un animal entre leurs mains de tortionnaires.

Suspendu et à leur merci, les coups de pieds dans le dos et dans la gorge se mirent de nouveau à pleuvoir et de plus en plus vite. De temps en temps, il m'enlevait les deux baillons pour voir si j'avais quelque chose à dire et pour toute réponse, ils recevaient un flot de sang qui sortait de ma bouche. N'en tenant plus compte, ils remettaient les baillons, m'aspergeaient d'eau assez largement afin que le courant passe encore mieux que la veille et recommençaient leur sale besogne.

Je souffrais dans ces moments là, énormément surtout lorsqu'ils me l'appliquaient sur les parties génitales et sur l'anus.
Là, je faisais des bonds mais ne disait toujours rien.

Voyant mon entêtement, Sarrhoui m'enleva le bandeau des yeux .et me dit : "Maintenant, ça va changer, tu vas parler de gré ou de force". Il sortit son revolver qu'il pointa sur ma tempe, puis sur le cœur j'avais tout le sang à la tête, vu ma position renversée, j'avais envie de rejeter le sang qui s'accumulait dans ma gorge tandis que lui se régalait à me faire sentir sur tout le corps, le froid de son arme. Je lui fis un signe avec mes paupières, une fois le bandeau enlevé c'est tout ce que je pouvais bouger. Il crut que je voulais avouer. Il m'enleva les deux baillons de la bouche et pour toute réponse reçu mon sang et comme il s'impatientait en hurlant : "Alors, tu parles ?" je lui fis signe de nouveau avec mes paupières et il dut s'asseoir par terre et se pencher vers moi en raison de ma position et j'ajoutais «Tuez-moi, allez-y. tuez-moi qu'on en finisse
» je le pensais vraiment à ce moment là. J'avais tellement honte d'être tout nu c'était trop humiliant, la souffrance physique, je la supportais bien, les coups de pieds, de poings, l'électricité sur tout le corps à la limite, mais nu cela me devenait insupportable.

Sarrhoui devint vert de colère.

Il replaça mes baillons et repris la torture jusqu'à 4 heures du matin. Six heures étaient passées quand on me ramena à mon lit de camp et qu'on me remit les menottes.

Mes copains étaient plus tranquilles. Sarrhoui savait bien qu'il avait trouvé en moi un gros gibier. C'est pourquoi, mes interrogatoires duraient toujours dans les six heures et le fait d'avoir flanché, la deuxième nuit, à cause de cette foutue timidité m'avait endurci davantage dans la souffrance, je finissais par mieux accepter ma nudité.

La quatrième nuit, on vint me chercher vers 22 heures et une fois dans la cave, toujours le même scénario : déshabillage forcé, ficelage, suspension à l'envers puis de nouveau coups de pieds, de poings et électricité. L'interrogatoire reprenait de plus belle quand j'entendis Sarrhoui me dire : "Ça va Charles ?".

Mon sang ne fit qu'un tour mais ne réagissais pas. Ce prénom, je l'avais choisi quand, plusieurs mois auparavant on nous avait demandé pour structurer les commandos Delta de remplir un questionnaire avec nom, prénoms, et noms de guerre, etc (grosse erreur de notre part) à ce moment là, deux copains avaient refusé de le remplir et étaient partis car en plus du formulaire, nous devions
établir pour chaque attentat commis un compte-rendu, heureusement sans y mettre de nom mais simplement celui de Delta 7 notre Commando.

Sarrhoui revint à la charge : "Alors Charles, tu vois on a retrouvé une valise pleine de documents chez un de l'OAS. Vous n'êtes pas vraiment malins".

C'est vrai, on pensait que ces documents seraient placés en lieu sûr. Enfin c'était fait, il fallait assumer.

Cette nuit-là ne fût basée que sur cette fameuse valise avec toujours le même traitement, et tous les noms et surnoms de chacun de nous.

CELA DURA 9 NUITS. Je n'avais rien dit d'autre et même je reniais tout ce que j'avais avoué au cours de la deuxième nuit malgré toutes les menaces de mort, coups et électricité. Je crois qu'à ce stade de souffrance, plus rien n'avait de prise sur moi.

Je ne pensais qu'à une chose : M'EVADER, rejoindre mon Commando Delta 7 et savoir ce qu'ils penseraient faire de moi ainsi que tous les autres Deltas, mais allongé sur le lit, je réfléchissais à ce grand souci.

Il devait être 15 heures au cours de ce dixième jour quand un garde-mobile vint me dire,:"Costagliola, une visite pour vous", je restais surpris : Qui pouvait venir me voir, nous étions au secret depuis dix jours. La réponse, c'est mon frère Antoine qui me la donna en venant me voir. Etonné, on m'avait enlevé les menottes et je me retrouvais dans la cour, en plein soleil, surveillé par un simple garde. J'étais heureux et surpris à la fois.

Mon frère vint vers moi, m'embrassa puis m'expliqua qu'avec les autres familles de prisonniers, ils avaient réussi à savoir où nous étions et avaient remué ciel et terre sachant les tortures qui se pratiquaient dans cette caserne des Tagarins à Alger (plusieurs membres de commandos deltas en étaient restés estropiés ou morts) et qu'enfin ils avaient obtenu qu'on soit interrogés par des inspecteurs neutres.

ENFIN UNE BONNE NOUVELLE ! j'embrassais mon frère Antoine.

Je demandais si les copains du commando de l'extérieur allaient bien, il me répondit que oui. J'avais le sentiment que la roue tournait. J'apprenais également par lui qu'à partir du lendemain nous serions interrogé de Jour par des inspecteurs venus de Métropole et non plus par des barbouzes.

J'étais heureux de regagner mon lit de camp et de donner ces nouvelles à mes copains de détention.

La dixième nuit se passa calmement, toujours enchaîné au lit mais personne ne vint me chercher.

Les familles au dehors avaient fait du bon boulot.

Le jour suivant, nous fîmes connaissance avec les inspecteurs de France qui prenaient notre affaire en main, ils eurent connaissance des interrogatoires que nous avions eu auprès des barbouzes et quand ils reprirent leurs questions, nous nièrent tout en bloc.

Ils nous traitaient correctement.

Cela dura deux jours et bien sûr nous restâmes sur nos positions.

Alors, ils décidèrent de nous transférer à l'Ecole de Police d'Hussein-Dey. Cela faisait treize jours qu'on étaient dans cette caserne et on était contents de changer d'air.


Arrivés à l'Ecole de Police, je signalais aux Inspecteurs que j'avais des brûlures sur toute les parties sensibles de mon corps et cela en raison du traitement de sévices subi aux Tagarins et que je demandais un docteur ou à être hos­pitalisé. Ils me donnèrent un bout de coton et de l'éther que je refusais, je désirais au fond de moi aller à l'hôpital car je savais que de là, je pourrais me sauver et reprendre le combat.

A présent, je n'avais qu'une idée : M'EVADER.

Le soir de notre arrivée, dans la chambre, nous nous retrouvâmes à dix gars dont six de l'équipe mais les autres nous ne les connaissions pas.

Là, nous étions libres de circuler dans la pièce, de marcher quelle aubaine !!!

Parmi nous, se trouvait un blond qui se vantait sans arrêt d'avoir tué un tel, d'avoir plastiqué tel bâtiment, d'avoir fait un tas d'attentats et de me dire : "Et toi, qu'est-ce-que tu as fait ?" Je répondais simplement : "Rien, je suis blanc". Il insista encore un peu puis partit converser avec d'autres copains.

De mon côté, je questionnais tous mes copains pour savoir s'ils le connaissaient mais personne ne l'avait vu auparavant. Je me méfiais de lui comme de la peste et j'en fis part à tout le monde.

Au bout d'un temps, Maousse dit "titi" vint me voir et me révéla qu'il avait déjà vu ce type et qu'il faisait partie de la police.

La décision fut vite prise, on décida qu'au retour de la soupe du soir on lui ferait sa "fête".

A l'heure du souper, au réfectoire, je descendis tant bien que mal. Un moment après de retour dans notre chambre, plus de "dur à cuire", il avait senti le danger et on ne le revit plus jamais, ou plutôt oui mais en tant que flic.

Une autre journée passa entre interrogatoires et confrontations sans rien donner pour la Police. De ce fait, ils nous transférèrent au Château Holden à Douera, à environ 10 kms d'Alger en attendant notre mutation pour la prison de la Santé en France.

Je ne restais que trois jours dans ce camp.

J'avais toujours horriblement mal à mes brûlures, je me tordais de douleur sur mon lit et ainsi les gardiens appelèrent le directeur qui voyant mes blessures, prit la décision de me faire hospitaliser, à l'hôpital de Mustapha tout près de chez moi.

Malgré la douleur, j'étais content. J'allais enfin me rapprocher de mes copains.

J'étais sûr qu'ils allaient se manifester et m'aider à m'évader.

Je fus conduit à Mustapha dans une grande salle où se trouvaient une trentaine de prisonniers comme moi, que je ne connaissais pas.

Je me méfiais à présent de tout le monde. Eux racontaient leur histoire, moi pas.

C'était la salle du docteur Salasc dont la femme avait été torturée elle aussi aux Tagarins par les barbouzes.

C'était une grande salle, sans aucune séparation entre les lits mais avec de grandes fenêtres parées de barreaux. Là j'eus mes premiers soins. J'en avais besoin.

Une première occasion de fuite me fût offerte quand deux gardiens de la paix vinrent me chercher pour aller passer une radio du dos que j'avais réclamée pour savoir dans quel état il était après tous ces mauvais traitements. Les deux gardes me laissèrent seul dans la salle de radio, j'aurais pu me sauver, mais où aller ? Je préférais attendre le contact.

J'avais raison. L'occasion vint d'une copine de quartier Gisèle infirmière qui me dit : "Sauveur, il faut que tu t'évades, mais de là c'est pas facile aussi je vais te faire passer en cardiologie. Il faut que tu demandes à subir un électrocardio­gramme, là c'est moi qui viendrais te le faire. Avant, il faudra que tu prennes deux à trois cuillères à café de nescafé pur, le matin à jeun, ça va emballer ton cœur". Ce qui fut fait.

Le lendemain matin, Gisèle était là avec son appareil, ce fut vite fait, je me retrouvais en cardiologie.

C'était beaucoup mieux.

Nous n'étions que deux par chambre au premier étage d'un bâtiment où se trouvait un poste de police au rez-de-chaussée avec trois gardes pour tout le bâtiment. Par contre, dehors dans la cour, il y avait plusieurs contrôles à passer avant d'être enfin LIBRE.

Les choses allaient se précipiter. L'après-midi même, j'avais la visite de trois copains de l'équipe et d'une toute jeune fille à qui je n'attachais pas d'importance, sur le moment, mais elle allait prendre une grande part dans ma vie.

Elle s'appelait "Evelyne". J'embrassais mes copains, on était fous de joie et ce fut un grand moment d'émotion.

Ils me dirent : "Allez viens on te sors de là, il y a une semaine, on a sorti Jacky sur un brancard, il est bien amoché. Et toi, ça va ?".

Je leur fit part de mes souffrances et de mes brûlures mais aussi de mon ardeur à reprendre le combat.

Ils furent heureux de ma réponse. Ils me montrèrent leurs armes et voulurent le faire de suite.

Je leur rétorquais que je ne voulais surtout pas de sang français sur les mains et que je préférais attendre le lendemain suivant le plan que sur place, j'avais pu combiner. Je leur demandais donc de revenir avec leurs femmes super bien habillées vers 13 heures, heure de la relève et que moi de mon côté, je ne me montrerais pas trop des nouveaux arrivants afin de ne pas me faire remarquer.

D'autre part, les femmes feraient du charme aux gardiens en faction pour que j'ai juste le temps de passer. Tout le monde fut d'accord et ainsi tôt le lendemain matin, je restais au lit, ne mangeais pas et les gardiens passèrent ainsi la consigne à la relève comme quoi j'étais bien malade.

Ça se déroulait à merveille.

A l'heure décidée, les copains arrivèrent avec leurs femmes, les unes plus belles que les autres, ainsi que la jeune fille de la veille, et ma belle-sœur avec mon petit neveu qui se trouvaient là par pure coïncidence. Je pris mon neveu âgé de quelques mois au bras et avec à chaque bras ma belle-sœur et Evelyne, alors que j'avais mis un chapeau de feutre et des lunettes noires, je me dirigeais vers la sortie. Je vis au passage les femmes de mes copains affairées à parler avec les flics, je passais devant eux puis descendis l'escalier, là on me demanda mes papiers. Heureusement, j'avais toujours ma carte d'identité qu'ils avaient oublié de me retirer lors de mon arrestation. Enfin la chance, aidée par mon audace, me souriait.

Je continuais car il fallait traverser tout l'hôpital pour arriver à la sortie et là un barrage de gendarmes me demanda de nouveau mes papiers. Je leur donnais.

De leur côté, ils ne se doutaient de rien puisqu'on ne s'était pas encore aperçu de mon évasion.

Après ce contrôle, je rendis mon neveu à ma belle-sœur, je préférais continuer seul, ne voulant pas leur faire prendre plus de risques.

Je voyais au loin la sortie principale, qu'il me fallait encore franchir avec le contrôle à la porte. Les deux femmes m'escortèrent malgré moi, jusque dehors, tout se passa bien.

J'étais enfin vraiment LIBRE, après deux longs mois de calvaire.

 

 

 



 
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