DEBROSSE
      UN COLONEL DE GENDARMERIE SOUS LES ORDRES DIRECTS DE DE GAULLE, TORTURAIT
      LUI MEME SES VICTIMES, QU’ELLES SOIENT FEMMES OU HOMMES
     | 
   
 
  
  
  LES BARBOUZES N’EXISTAIENT PAS ! 
  
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  LIEU DES SÉVICES: 
  
  CASERNE DE GENDARMERIE DES TAGARINS A ALGER 
  
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  "HISTOIRE DE
  L'OAS " de Jean-Jacques SUSINI  
  édition la table
  ronde paru en 1963. tome
  1 
  
  
  
   EXTRAIT
  p.258 à 267….. 
   
  Après avoir déchiffré le message de Godard,
  Debrosse partit pour Paris, le matin du 7 septembre, par la Caravelle
  de 8 h. 30. Il revint le soir, toujours par la Caravelle, assis à
  quelques fauteuils de Gingembre qui avait emprunté cet avion pour
  retourner sur Alger. Durant la traversée, comme l'équipage s'était rendu
  compte que Debrosse surveillait Gingembre, on proposa à ce
  dernier de dissimuler les documents dont il pouvait être porteur. II assura
  qu'il n'en avait pas et, au dernier moment, demanda simplement que l'on
  veuille bien téléphoner à Paris pour prévenir sa famille, ce qui fut
  fait.
  
  Dès que l'avion eut atterri, Gingembre
  fut interpellé par Debrosse. Aussitôt, il se mit à parler à haute
  voix, sur le ton d'un conférencier. Le pouvoir gaulliste était condamné et
  disparaîtrait à brève échéance. Au général de Gaulle
  succéderait un cabinet d'union nationale, tandis que M. Antoine Pinay
  accéderait à la Présidence de la République. Bien entendu, le président
  du Sénat, M. 
  
  Monnerville,
  assurerait l'intérim constitutionnel. Il était étonnant que l'on
  arrêtât un homme tel que lui alors que tous ces événements étaient sur le
  point de se produire et ressortaient du domaine public. 
   
  Voyons! l’oas elle-même entrait dans cette opération politique. Le
  colonel Debrosse n'entendait point la plaisanterie. Il amena son
  prisonnier. Debrosse apprend alors les noms et les adresses de Mmes
  Salasc et Gasser, et de Rodenas, l'agent de liaison de Godard,
  qui servait aux relations avec la métropole. Dans la nuit du 7 au 8 septembre,
  les gardes mobiles envahissent l'immeuble ou habitent Mme Salasc et sa
  mère, Mme Gasser. Les deux femmes sont mises en état d'arrestation et
  emmenées, bien que la jeune femme soit mère de cinq enfants, et sa mère,
  une vieille dame de soixante-sept ans. 
   
  Pénétrant dans le bureau, Debrosse s'adresse à ses hommes de main,
  en leur disant sèchement : 
  - Laissez-moi
  celles-là, je m'en occupe! 
  
  Aussitôt, il entreprend de convaincre Mme Salasc.
  Il essaie de la séduire en faisant étalage de sa bonne foi et de sa
  gentillesse. Mme Salasc est soupçonnée d'avoir hébergé des hors-la-loi
  européens, d'avoir facilité les réunions de i'oas. Elle reconnaît
  d'ailleurs que le colonel Godard a été son hôte. Pourquoi
  s'obstine-t-elle maintenant dans son mutisme? On lui demande un effort bien
  simple, et même conforme à son devoir : dire où se trouve le colonel,
  donner les noms des personnes qui l'ont pris en charge. Si elle persévère
  dans son silence, elle aggravera les délits retenus contre elle. Qui plus est,
  son attitude serait criminelle. 
  Le colonel Debrosse ignore heureusement
  que notre dernière réunion 
  d'état-major s'est tenue chez Mme Gasser
  et que Mme Salasc était présente ce matin-là où nous fûmes
  accueillis avec une grande chaleur d'amitié. Quoi qu'il en soit, malgré les
  invitations pressantes de Debrosse, la jeune femme réplique qu'elle
  réprouve toutes les dénonciations. Elle ne se sent pas une vocation de
  délatrice. 
  Dès lors, Debrosse devient violent.
  Inutile d'insister : elle ne dira rien. Rouge de fureur, il appelle ses sbires
  et fait conduire sa prisonnière dans une pièce voisine. 
   
  Là, sur les murs, dans les coins, sont installés ou suspendus des
  instruments aux formes inquiétantes. Un appareil tranchant repose sur le sol
  et évoque un gros massicot d'imprimerie. Dans ce musée inquisitorial, les
  hommes entourent soudain la jeune femme et lui assènent des gifles brutales.
  Ils la bâillonnent. 
  Les cordes et le bâillon sont tellement serrés que la circulation du sang
  se trouve compromise, et la chair marbrée d'ecchymoses qui dureront
  longtemps. 
   
  La malheureuse est battue à coups de cravache. 
  -Comme elle refuse toujours de répondre aux questions hurlées qui
  alternent avec les coups donnés, on lui bande les yeux. 
  Elle est alors jetée dans une voiture. Le trajet est interminable. La voiture
  revient sur sa route, tourne sans arrêt, de façon que la prisonnière ne
  puisse reconnaître le chemin. Elle est ensuite descendue dans la cave d'une
  maison. On lui enlève son bandeau. Elle ne voit que cinq ou six grabats
  couverts de crasse. 
  -Déshabille-toi! ordonnent ses
  gardiens, qui ajoutent en termes crus qu'ils en ont vu d'autres. 
  -Enlève ta bague! commandent-ils
  à nouveau. 
  Malgré ses protestations, la jeune femme doit
  s'exécuter. A peine s'est-elle entièrement dénudée, qu'elle reçoit un
  formidable coup de poing sur l'œil droit. 
   
  Les brutes frappent de toutes leurs forces, à mains
  fermées. Mme Salasc leur tient toujours tête. Exaspérés,
  ils lui remettent des liens qui garrottent ses cuisses et ses mollets, ils
  enfoncent un gros tampon dans sa bouche. 
  La prisonnière est alors précipitée au sol. Montant
  sur son dos, un des gardes lui tord le cou en
  arrière, à la limite de la luxation mortelle. Il
  force le mouvement, le répète plusieurs fois. Accepte-t-elle de
  parler? Elle répond par des signes de dénégation. 
   
  On la renverse sur le dos et les hommes tirent ses
  seins, s'acharnent sur la poitrine. Elle refuse toujours les
  questions qui pleuvent, accompagnées par les sifflements de la cravache. 
  Enfin les sicaires de Debrosse passent
  aux grands moyens. Ils noient la jeune femme dan une cuve; des
  électrodes sont posées sur son corps. Elle tombe dans l'oubli
  profond des évanouissements. Pourtant, une lueur brille encore au fond
  d'elle-même. Elle n'a pas parlé, elle ne parle pas. Le temps coule et les
  tortionnaires se fatiguent. L'un d'eux dit à ses collègues ; 
  - Attention!
  c'est la femme d'un professeur de médecine, nous pourrions avoir des ennuis. 
  
  Ils la relèvent alors. On bande une deuxième
  fois ses yeux. Elle est hissée jusqu'au rez-de-chaussée de la maison. On
  l'installe dans une voiture qui se lance dans un large circuit. Brusquement,
  la jeune femme voit surgir devant elle le colonel Debrosse : elle
  est à la caserne des Tagarins. Elle s'effondre et crie à son
  bourreau toute sa stupeur et son indignation. Pendant trois longues heures, Debrosse
  tente néanmoins de l'abuser, prêchant onctueusement avec une audacieuse
  ignominie. Il va jusqu'à lui montrer pour justifier son comportement des
  photographies prises lors de la fusillade du 24 janvier I960. 
  Peu de jours après, Mme Salasc est
  hospitalisée à la clinique Lavernhe où elle reste
  prisonnière, mais sous la responsabilité du directeur de l'établissement. 
   
  Entretemps, le scandale éclate. Déjà, les premiers bruits de supplices
  effroyables parvenaient à nos réseaux de renseignements. Vidal, de
  Boufarik, Martinez, de Fort-de-1'Eau, arrêtés dans la Mitidja avaient subi
  d'épouvantables traitements. 
   
  Les interrogatoires s'étaient déroulés à l'aide
  de chalumeaux dont les flammes léchaient la plante de leurs pieds. 
   
  Partout en Algérie, les inquisiteurs étaient à l'œuvre, chantant le
  gaullisme à la lueur des grils et à l'ombre des chevalets. Sans doute
  enfonçaient-ils les hurlements dans la gorge des suppliciés, mais les
  chaînes cliquetaient à travers les poternes des prisons. 
   
  Peu à peu, les cris étouffés rencontraient un écho qui balayait nos doutes,
  augmentait notre inquiétude, soulevait notre colère. 
  Là-dessus, des médecins algérois apprennent
  que la femme d'un confrère, enlevée dans le secret, a été soumise à la
  question. Son état est si grave qu'on a dû l'hospitaliser. 
   
  Des conversations ont lieu entre médecins et responsables de i'oas. 
   
  Nous nous demandons les uns et les autres ce qu'il convient de faire. Le
  silence doit-il être rompu immédiatement? Nous attendons d'être mieux
  informés. D'autant qu'une rumeur, répandue par les services officiels,
  secoue de rage toute la ville. On dit que Mme Salasc est morte.
  Rapidement, nous déjouons la manœuvre. 
   
  C'est le colonel Debrosse qui a fait répandre le bruit dans l'espoir
  que nous le reprendrions à notre compte. La Délégation Générale aurait pu
  démentir et triompher aisément : la révélation de la torture aurait été
  entachée de doutes pour l'opinion algérienne et métropolitaine. 
   
  Un chirurgien d'Alger, écrivant à Gardes, lui disait le 28 septembre : 
  
  Mme Salasc n'est pas morte; il s'agit
  d'une intoxication de Debrosse. Elle est entre les mains d'une équipe
  très sûre et qui a bien fait les choses jusqu'à ce jour. Une commission
  d'enquête vient d'arriver pour juger du dossier médical. Mais là
  Délégation a lancé l'annonce d'une conférence de presse. C'était en fait
  un piège pour arracher au Dr Salasc un certificat disant que sa
  femme était depuis longtemps atteinte d'une affection chronique. Certificat
  refusé. La DG accrédite par ailleurs le bruit que Mme Salasc
  souffre d'une affection hépatique et que c'est pour cela que le colonel Debrosse
  a eu la délicate attention de la rendre à son mari et à ses médecins. 
  
  En effet, dès l'hospitalisation de Mme Salasc
  à la clinique Lavernhe, Debrosse est venu, bonhomme et penaud,
  trouver son mari. Il déplore d'entrée les responsabilités dures et
  impitoyables qui sont les siennes, se plaint amèrement 
  de son sort, propose même au professeur Salasc
  d'examiner sa propre femme, Mme Debrosse, qui souffre, paraît-il,
  d'une dépression nerveuse et d'une affection gynécologique. Il parle bien
  sûr de sa prisonnière. Habitués à traiter.des criminels, ses subordonnés
  ont commis des excès en menant l'interrogatoire. 
   
  Le colonel est obligé de le reconnaître mais aussi de couvrir ses
  assistants. Que le professeur se plaigne ouvertement, ne servira à rien, car
  le pouvoir est décidé à réprimer de façon exemplaire les crimes
  abominables, de la subversion. 
   
  L'intérêt de sa femme exige donc du professeur, une intelligente sollicitude.
  Les autorités malgré l'extrême gravité des agissements de Mme Salace,
  sont décidées à l'indulgence. Si le professeur sait se dominer, s'il évite
  de s'emporter, sa femme lui sera rendue, 
   
  Déposer une plainte eu justice ne
  ferait qu'envenimer une vilaine histoire. 
  
  Debrosse se rend tous les jours au
  chevet de Mme Salasc à laquelle il porte des fleurs. Il s'enquiert des
  progrès de son rétablissement, se déclare prêt à satisfaire le moindre de
  ses vœux. Souvent, il vient s'asseoir aussi dans le bureau du professeur qui
  le regarde, fasciné. Le colonel est amical, il a les apparences d'un homme
  fatigué par le travail. Et Salasc s'interroge. Puis il sursaute,
  arraché à cette comédie par un aiguillon douloureux. Doit-il chasser
  l'imposteur? Il ne le peut pas. 
   
  Le colonel est souriant, badin; les griffes ont disparu sous le velours. 
  
  Debrosse
  se fait bientôt quémandeur. Il aimerait être récompensé de sa
  générosité par un bon geste du médecin, peu coûteux d'ailleurs et sans
  grande importance. Comme les Algérois se complaisent en ragots, il sollicite
  une 
  attestation du professeur. Il est temps de
  clore cette pénible affaire. 
   
  Salasc signera un certificat médical. Il attestera que sa femme,
  souffrant d'une affection chronique dés voies génitales, a dû être
  transportée à la clinique Lavernhe. 
   
  De son côté, lui, Debrosse, suspendra toute
  poursuite et la libérera. Le médecin refuse après un débat
  intérieur, âpre et rapide. Le colonel n'insiste pas. Il assiège alors le
  professeur Goinard, qui donnait ses soins à Mme Salasc. Un
  certificat médical est indispensable pour justifier la sortie de la jeune
  femme. 
   
  Bien qu'hospitalisée, elle est toujours en état d'arrestation et les
  impératifs du règlement administratif exigent cette pièce avant toute
  libération. 
   
  Goinard, titulaire d'une chaire de chirurgie à l'hôpital Mustapha,
  est circonvenu. Il cède, et appose sa signature au bas d'une
  déclaration. 
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  Une autre femme, Mme Bonadé,
  propriétaire du magasin « Salomé », était conduite en même
  temps que Mme Salasc dans le bureau du colonel Debrosse. Elle
  fréquentait depuis de longues années le salon de mes grands-parents et
  j'avais tenu sur les fonts baptismaux son fils Philippe. 
   
  M. Bonadé était professeur de lettres en Italie quand ses démêlés
  avec le régime mussolinien l'obligèrent à s'expatrier. Il débarqua sur
  le sol algérien, puis s'engagea dans les Corps Francs d'Afrique et participa
  à la campagne de Tunisie. 
   
  Rendu à la vie civile, il enseigna sa langue maternelle à l'Université
  d'Alger, où il était chargé du lectorat d'italien. 
   
  Le magasin de sa femme était connu de notre état-major comme la bl 1, la
  première boîte aux lettres du commandement. Or, le 8 septembre, les gardes
  mobiles raflèrent tout le courrier du jour en fouillant les étagères de
  lingerie et les meubles ventrus, surmontés, je me souviens encore, par deux
  ou trois céramiques vertes d'Extrême-Orient. 
  Interrogée par le colonel Debrosse, Mme
  Bonadé dut résister à son tour aux affreux
  sévices dont on l'accabla. 
   
  Dans les moments où les bourreaux interrompaient leurs tortures, il lui
  était annoncé que son mari et son fils avaient perdu la vie. La scène se
  répétait régulièrement; on essayait par tous les moyens de la persuader
  que Philippe était mort et que son mari s'était suicidé. On
  la menaçait de viol. 
   
  La pauvre femme éprouvait des vertiges. Un voile
  couvrait ses yeux, un tourniquet écrasait sa gorge et sa tête
  s'enténébrait. Sa raison vacillait. 
   
  Trouvant un morceau de verre dans sa cellule, elle entailla ses poignets à
  deux reprises. La seconde tentative faillit réussir. 
   
  Les brutes la retrouvèrent inanimée au milieu d'une mare de sang. 
   
  Il n'était plus question de la soigner sur place avec le concours de
  médecins complices, comme le Dr Matiben. Le colonel Debrosse
  dut la faire interner dans un hôpital neuro-psychiatrique où elle demeurera
  de longs mois sous la surveillance du Dr Porot. 
   
  Son mari fut convoqué. 
   
  On lui enjoignit
  de se taire et de ne rien divulguer sous peine de mort pour lui, sa femme et
  son enfant. 
  
  La même justice était appliquée dans toute
  l'Algérie. 
   
  A Constantine, Jean Hourdeaux et Charles Daudet entraient à
  leur tour dans le jardin des supplices. 
   
  Arrêté le 10 septembre, Charles Daudet mourut
  le 13. 
   
  Gardes m'envoyait une lettre : 
  
  La police a aussitôt maquillé son décès,
  prétendant qu'il s'était suicide dans sa cellule. A la requête des parents,
  il y a eu un complément d'enquête. Deux traces ont été révélées sur les
  pieds probablement des brûlures dues aux électrodes.
  Par ailleurs, une ecchymose a été trouvée sur la botte crânienne.
  Cette affaire a fait beaucoup de bruit
  à Constantine. Il y aura probablement des échos à Oran où le corps
  arrivera jeudi. 
  
  Albert Garcin,
  finalement dénoncé pour avoir hébergé le général Salan, était
  retiré de sa cellule une semaine après son, arrestation. Interrogé par le
  colonel Debrosse, il était torturé dans une
  baignoire. 
   
  Le colonel mandait sa femme. Elle devait garder le
  silence ou bien son mari disparaîtrait. On faisait d’ailleurs
  courir le bruit de sa mort et, le mercredi 27 septembre, Godard
  lui-même nous assurait : 
  
  A 1 
  : Garcin Albert, de Birtouta, est décédé suite sevices cours
  interrogatoire.
  
  II ajoutait au
  sujet de son agent de liaison Rodenas, capturé le 8 septembre avec Mme
  Salasc : 
  XBYNOXKC
  (Rodenas) est toujours entre les mains de la police et a souffert (on
  doit attendre pour le présenter au parquet que les traces de sévices aient
  disparu). Il n'a reconnu que FXR&LOBQO (hébergement) de Y08
  en avril dernier et n'a donné que deux noms apparemment sans importance. 
  On a cessé de l'interroger. Sa famille va
  porter plainte pour séquestration et saisir la commission de sauvegarde. 
  
  Feuilleron de Lapasset ; Guy Marocchi,
  de Vialar; Norbert Anouilh, de Bourbaki; des dizaines de
  militants, des centaines de sympathisants qui étaient connus pour la vigueur
  de leurs opinions mais qui n'appartenaient pas à nos réseaux,
  indifféremment, pêle-mêle, eurent les plantes des pieds grillées. 
   
  On les suspendit par les jambes ou par les mains, des Heures durant, aux
  anneaux d'un plafond. On les fouetta. Des
  électrodes furent posées sur les parties génitales, car les sexes
  attiraient la prédilection des bourreaux, Les verges étaient frappées à
  coups de règle jusqu'à ce que les prisonniers urinent du sang. 
   
  D'autres équipes empalaient leurs victimes sur des
  bouteilles ou des manches de bois, provoquant d'épouvantables déchirements
  de l’anus. 
   
  Le souvenir des interrogatoires ordonnés par le général Massu durant
  la bataille d'Alger, et qui suscitèrent des commentaires passionnés, se
  perdait dans les mémoires. Il reculait sous l’effet d'horreurs nouvelles. 
   
  Le 16 septembre, notre bcr nous envoyait le rapport suivant : 
  
  Un bulletin de
  renseignements émanant du CCI et d'un agent de Secteur, valeur B 1,
  signale : il y a quatre jours, onze agents de la DST de Paris sont arrivés à
  Alger et se sont installés à la gendarmerie des Tagarins. 
  Les gendarmes sont complètement tenus à
  l'écart des activités des agents de la DST. Toutefois, ils ont vu passer
  des personnes arrêtées et constaté que certaines d'entre elles avaient
  été malmenées (ecchymoses, visages tuméfiés). 
   
  Un gendarme a affirmé que des injections de pentothal (sérum de vérité)
  étaient administrées. Le témoin a ajouté :
  « C'est abominable.
  Jamais, nous, gendarmes, n'avons eu le courage d'appliquer de telles méthodes
  aux fellagha. » 
  
  Un bulletin de
  renseignements du CRM, coté B 1, signale qu'une dame a été vue par
  un médecin de nos amis à la caserne des gendarmes mobiles aux Tagarins. 
   
  Cette dame présentait les symptômes
  d'une personne droguée. 
  
  Le pentothal ne serait pas administré par
  injections, mais par l'application de bâillons imbibés de la drogue. 
  
  Pour sa part, Noëlle Lucchetti avait
  été questionnée par le colonel Debrosse qui, devant ses
  dénégations, menaça de la livrer aux derniers outrages. Noëlle
  garda son sang-froid et lui répondit qu'à son âge on n'avait plus rien à
  redouter. 
   
  Comme/ le colonel lui disait : 
  -- Alors! ma petite, on est bien seule
  maintenant. 
  Où sont donc vos amis? Hein? Très
  loin. Soyez sûre qu'ils vous ont oubliée ! 
  
  Une explosion de plastic se fit entendre à
  courte distance. Aussitôt, Noëlle répliqua : 
  -- Non, mon colonel ! Vous entendez? Ils
  sont très proches au contraire et se rappellent à moi. 
   
  Sur quoi, Noëlle fut entraînée à son tour dans une cave. 
   
  Elle ne parla pas. Ses tourmenteurs l'abandonnèrent après lui avoir arraché
  plusieurs touffes de cheveux. 
  
   
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