VICTOIRES
SECRÈTES DES SERVICES SPÉCIAUX
par
Erwan BERGOT-
|
LE
CRAPOUILLOT
N.93-avril 1987- pages 20 à 24-
Recueilli
par
Sivéra
DE tous temps, l'Afrique
du Nord, fut une terre bénie pour les services spéciaux, ennemis ou alliés,
qui suscitèrent mouvements nationalistes, émeutes en tous genres, campagnes
de presse, stipendiant agents ou séides de révolutions. Les années quarante
furent, à cet égard, riches d'agitation : de la Segunda bis franquiste,
qui avait monté des réseaux de renseignements au profit de l'Axe en puisant
dans le milieu des réfugiés espagnols d'Oran, à l'OVRA fasciste qui
finançait les activistes tunisiens (recrutant, entre autres ,
Habib Bourguiba et... l'écrivain Jean Genêt ) en passant
par l'Abwehr nazie (Mohammed Saïd , l'un des dirigeants de la
rébellion algérienne, arbora, jusqu'à la fin, son casque de la SS),
l'OSS américaine qui avait promis aux musulmans tunisiens l'indépendance
de leur pays en échange de leur aide contre les Germano-Italiens (ce qui
suscita la haine des israélites), sans parler, bien évidemment des services
libyens, égyptiens, syriens ou soviétiques.
Tout ce petit monde de
l'espionnage s'agitait, poussé par des motivations diverses depuis
l'anticolonialisme, érigé en doctrine par l'ineffable Roosevelt, à la
djihad islamique, l'idéologie marxiste, la politique,
en attendant qu'arrive le pétrole. Tous étaient d'accord sur un point
: il fallait évincer la France de l'Afrique du Nord.
Déjà, au début du
siècle, lord Salisbury
, le
sémillant ministre britannique, avait lancé cette mise en garde :
« On va au-devant de cruelles désillusions
si l'on croit que nous laisserons longtemps le coq gaulois gratter tout
à loisir les sables africains ».
L'Angleterre n'avait
jamais accepté la présence française hors de ses frontières continentales
: elle suscita des troubles à
Madagascar dès 1942 et, le 8 mai 1945, les agents de l'Intelligence Service
organisèrent les émeutes de Damas, puis le désarmement des troupes
françaises, ce qui aboutit à notre départ du Levant. Le même jour, depuis
Genève, un agent du MI 6, nommé
Chekib Arslan
, lançait le message invitant les Algériens à se soulever : cela provoqua
l'insurrection de Sétif, quinze mille morts...
Plus tard, en 1961, l'«
attaché commercial » britannique
à Alger, qu'en dépit des preuves accumulées contre lui par la DST, la
justice n'avait voulu ni poursuivre pour ses activités antifrançaises ni
même expulser , devait tomber sous les balles... d'ingrats tueurs du FLN. Sic
transit...
Le rappel
des marchands de canons
Ce qu'il est convenu
d'appeler « la guerre d'Algérie » débute officiellement
le 1er novembre 1954.
Cet événement ne constitue une surprise que
pour ceux qui n'ont pas voulu tenir compte des avertissements, ni des
renseignements «nombreux, précis et concordants », selon la formule
consacrée. Cette
flambée de terrorisme était si peu spontanée que, quelques mois plus tôt,
à douze mille kilomètres de là, les officiers français prisonniers dans
les camps en avaient déjà entendu parler !
Surpris ou pas, le
gouvernement français réagit avec une telle lenteur qu'il va largement
laisser aux rebelles le temps nécessaire pour se structurer et s'organiser.
Outre la mise sur pieds de ce qui deviendra l'Armée de libération nationale
(ALN), le FLN met
sur pied le dispositif financier qui lui fournira la trésorerie nécessaire
à son équipement en matériels de guerre. Ces ressources proviennent, dans
un premier temps, de la « contribution volontaire » obtenue
principalement par une terreur inouïe. Suivront bientôt les apports
non négligeables des pays frères, Syrie, Arabie Saoudite, Egypte.
Très vite, alléchée
par l'appât du gain, toute une faune de trafiquants divers se bouscule,
jouant des coudes pour se placer au premier rang des fournisseurs. on
y trouve pêle-mêle, des agents soviétiques, comme le Letton Georg Puchert
, de Tanger, l'Américain « Kamal », un nouveau converti proche
des Frères musulmans qui vit à Madrid, des aventuriers comme Léopold ,
ancien horloger, récemment expulsé de Chine populaire, d'anciens officiers
nazis qui poursuivent par d'autres voies leur vieux combat antijuif : le Doktor
Krüger , ancien des Einsatzgruppen d'Europe centrale, Wimmer ,
ancien Sturmbannführer de la SS, ou bien de petits artisans qui rêvent de
devenir de grands industriels, comme Otto Schlüter , de Hambourg...
Ces gens se démènent,
affrêtent des bateaux, les bourrent d'armes et d'explosifs qui prennent la
route de l'Algérie, via la Libye ou le Maroc.
Il est temps,
pour la France, d'intervenir.
Dès le milieu de 1956, une
section spécialisée dans la recherche des filières d'acheminement des armes
a été mise en place au sein du SDECE (Service de documentation
extérieure et de contre-espionnage), seul organisme habilité à opérer hors
des frontières de la France. Cette section, dirigée par le colone Raut,
ne prendra son véritable essor qu'à l'arrivée, au début de 1957, du
général Grossin , nouveau patron de la « piscine » :
un général « républicain », longtemps chef de la maison
militaire de Vincent Auriol , ami de Ramadier et de Guy
Mollet L'époque est à la fermeté officielle : ne vient-on pas de
débarquer à Port-Saïd ? Aussi Grossin reçoit-il, en priorité,
la mission de dissuader les trafiquants d'armes de traiter avec la rébellion.
Grossin est
lucide, compétent, déterminé. Il a su nouer tout un réseau de sympathies
dans les milieux de la grande industrie et de la haute finance. Il dispose
également, en Europe, d'un efficace système d'« honorables
correspondants ». Très vite, les renseignements affluent. Il n'est
pas un projet à l'étude, un contrat en cours, une livraison en projet qui ne
soient connus dans tous leurs détails.
Piratage et
dissuasion
Aux hommes du service « Action
» (service 29) d'entrer en scène.
Beaucoup de choses ont été
écrites sur les exploits des hommes du « 29 ». Certains mêmes,
simples exécutants, se sont parés des plumes du paon et ont pris à leur
compte tout ce qui avait été réalisé hors des frontières.
En réalité, il faut le
souligner, la plupart de ces missions « homo » contre des individus
ou « arma » contre des matériels) ont été conduites par des
officiers ou des sous-officiers, réservistes et volontaires, rarement
défrayés, jamais rétribués, et dûment avertis des risques encourus, le
moindre n'étant pas le désaveu en cas d'échec ou de capture.Seulement
animés par le patriotisme et le souci du service, ils étaient recrutés par
cooptation, tous formés aux techniques de l'action et de la clandestinité
durant la Seconde Guerre mondiale dans les rangs des Jedburgh ou des Chocs,
bien souvent déjà titulaires de missions de guerre en France occupée.
Emmenés à pied d'oeuvre par des cadres d'active, ils opéraient seuls ou par
petites équipes et étaient repris aussitôt en charge par d'autres filières.
A une exception près, ils ne furent jamais pris. Mieux encore, ils ne furent
jamais soupçonnés, ni
eux, ni ceux qui les employaient (c'est de cette époque que date la légende
de la «
Main rouge », une prétendue organisation
secrète aux mains d'activistes de l'Algérie française).
Un navire italien qui
transportait 10 tonnes de matériel pour le FLN faisant route vers Tunis
arraisonné «
Le journal d'Alger»,
23 mai 1958.
Ces actions couvrirent l'Europe
entière. Attentats contre des firmes coopérant avec le FLN, pressions
exercées contre les trafiquants, sabotage de transports, la liste est longue
des missions réussies. En voici quelques exemples :
- Tanger, 20 juillet 1957, destruction du Typhoon et de la Bruja Roja,
affrêté par Georg Puchert.
- Ostende, 1" mars 1958, sabotage du paquebot Alkahira chargé de
40 tonnes de TNT, affrété par le même Georg Puchert.
- Hambourg, 28 septembre 1958, envoi par le fond de l'Atlas, affrêté
par Otto Schlüter (140 tonnes d'armes).
Dans le même temps, en liaison avec le COMAR (la marine d'Oran), le SDECE
fait arraisonner en pleine mer des navire d'armes à destination de l'ALN du
Maroc :
- Athos, 18 octobre 1956 (40 tonnes d'armes).
- Slovenija, le 18 février 1958 (148 tonnes d'armes).
- Granita, le 28 décembre 1958 (40 tonnes de TNT) arraisonné dans les
eaux territoriales françaises... à l'ouest du Portugal !
La liste n'est pas close :
- 4
avril 1959, le Lidice (200 tonnes d'armes),
- 19 décembre, le Biesboch.
L'année suivante,
-19 juillet, le Las Palmas (mortiers et mitrailleuses), puis le
-12 décembre, le Monte Cassino (lance-roquettes en vue d'une «
offensive générale ») et, enfin, le Tigrito, le 27 septembre 1961.
Ce navire sera le dernier , la politique du général De Gaulle prend une
nouvelle orientation, le « trafic d'armes » est affaire d'États, et
devient du ressort des Affaires étrangères. Résultat, les renseignements
fournis par le SDECE sont aussitôt communiqués, sous formes de «
remontrances », aux pays concernés... qui changent leurs plans, quand
ils ne font pas escorter leurs navires par des sous-marins armés, comme c'est
le cas pour le Bulgaria, le 10 novembre 1961.
On estime à environ 2
500 tonnes d'armes les saisies opérées par les forces de l'ordre sur
renseignements du SDECE (1).
Ce palmarès
serait incomplet si l'on n'y ajoutait pas les opérations de « dissuasion
» menées contre les trafiquants eux-mêmes. Certains baissent les bras
à la première sollicitation. D'autres rechignent à renoncer : l'espoir d'un
gain inespéré leur fait parfois accepter des risques insensés. Ils ont
tort. Quelques-uns y laisseront la vie, comme Georg Puchert, le 3 mars
1958, et Marcel Léopold, le 19 septembre de la même année. D'autres ne
devront de survivre qu'à une baraka exceptionnelle, comme Otto Schlüter qui
échappera à trois attentats !
Bleuïte
et infiltration.
Si le SDECE
agissait hors des frontières françaises, il était également présent,
depuis le mois de décembre 1954, sur le sol algérien où stationnait, en
Kabylie, un groupement de marche du 11ème Choc, l'unité qui lui était
rattachée. Dans le même temps, se mettait en condition un détachement
opérationnel, destiné à travailler suivant les méthodes des services
spéciaux, le Groupement léger d'intervention (GLI) qui opérait un
peu partout, « à la demande », au profit des secteurs. Son action la
plus remarquable fut, sans contexte, le « montage» qui aboutit, au
mois de mars 1956,
à la mort du chef de la wilaya 1 (Aurès-Némentchas),
Mostefa Ben Boulaïd.
Cet épisode est
désormais connu : installé au poste de Menaa, le GLI, commandé par le
capitaine Erouart (le capitaine Krotoff , initialement
responsable du GLI, avait été tué quelques jours plus tôt, le 9 mars)
reçut, par parachutage, un certain nombre de colis qui« s'égarèrent »
dans la nature.
Parmi eux, un poste radio, préalablement
piégé, qui fut acheminé, quelques jours plus tard, jusqu'au PC du chef
rebelle, et explosa sitôt sa mise en action, tuant une dizaine de fellaghas.
L'expérience ne put être
renouvelée ; elle comportait bien trop d'aléas et n'avait dû sa réussite
qu'à. la réunion de conditions exceptionnelles.
Tantôt regroupé, tantôt dispersé par détachements aux quatre coins du
territoire, le GM du 11ème Choc fut partie prenante dans toute les
opérations de type « non classique » : qu'il s'agisse de
l'encadrement des unités d'irréguliers combattants le FLN (le maquis «
Oiseau bleu » en Kabylie, l'affaire « Kobus » de Belhadj
Djillali , dans l'Orléansvillois, l'opération « Olivier »,
tentative menée auprès du dissident messaliste Bellounis pour l'amener à se
rallier à la cause française) ou d'interventions « discrètes » à
proximité dès frontières tunisienne ou marocaine.
Il s'avèrera bien vite que la recherche d'une « troisième force »
était illusoire, et les échecs des tentatives pour contrôler les
messalistes - qui, pour être les rivaux du FLN, n'en étaient pas moins les
adversaires de la France - étaient prévisibles dans cette affaire, il ne
pouvait y avoir de demi-mesures.
Dès l'arrivée du général Salan
en Algérie, aux premiers jours de 1957, se met en place un organisme dont
la mission est de regrouper et de centraliser l'ensemble des formations qui
recueillent du renseignement. Cet organisme, le Centre de coordination inter-armées,
est articulé, comme la plupart de ses homologues, en trois sections :
recherche, exploitation et protection des sources. Si la recherche demeure
l'apanage des 2ème Bureaux, l'exploitation va être confiée à une section «
action » tout naturellement confiée aux « antennes » du 11ème
Choc, tandis que la protection des sources reviendra aux détachements
opérationnels de protection, ces DOP, à qui leur réputation d'efficacité
vaudra bien des inimitiés.
Ce sera du reste une constante
: à chaque fois qu'il sera vaincu sur le terrain et en particulier, au cours
de la fameuse « bataille d'Alger » qui demeure l'un des plus
remarquables succès des forces de l'ordre contre le terrorisme urbain, le FLN
fera aussitôt donner « les fanfares » de la désinformation.
Passe le 13 mai 1958, le
général Salan s'en va, remplacé par le général Challe qui
va assurer, de façon éclatante, la victoire militaire au cours des
spectaculaires opérations du plan qui porte son nom. Dans le même temps, Challe
met sur pied un service spécial au sigle anodin, le Bureau
d'études et de liaisons (BEL) confié à un vieux routier du renseignement et
de la sécurité, le colonel Henri Jacquin.
Légionnaire qui n'ignore rien des services secrets, Jacquin récupère
sur place les officiers les plus avertis et les plus sûrs : le capitaine Léger
, l'inventeur de la « bleuite » qui décima l'année précédente
la wilaya kabyle, gangrenée par l'espionnite ; de Lorme , spécialiste
de l'action psychologique ; Heux , un cavalier, qui « travailla »
naguère sur les maquis de l'Ouarsenis , d'autres encore dont le rôle
sera déterminant.
Jacquin va
réussir un certain nombre de « coups »; restés légendaires, allant,
'après une opération menée,de main de maître, jusqu'à prendre, en
personne, la place du « colonel » Lofti , promu patron de la wilaya
V (Oranie), ou bien s'arrangeant pour « améliorer » les flans du
journal rebelle « El Moudjahid » qui transitaient par Alger.
Il
réussit à infiltrer, chose rarissime, ses propres agents au sein de la
rébellion, et jusque dans le proche entourage de Krim Belkacem . C'est
de la sorte qu'il apprendra, au milieu de l'année 1960, l’un des secrets
les mieux gardés de la VI République : la mission exploratoire menée
auprès du GPRA par trois ministres de De Gaulle, Buron, Boulloche
et Michelet , chargés d'apaiser les « scrupules » des Algériens
: «
La constitution unitaire de la VI République, leur fait dire le général,
n'est pas un obstacle à la sécession de l'Algérie. Tout est dans le
processus ». De
la même façon, par l'intermédiaire d'un prétendu légionnaire déserteur,
Jacquin apprendra les prémices de ce qui va devenir « l'affaire Si Salah
».
De Gaulle
« oublie » Si Salah
Tout commence le 17
mars 1960 , lorsque trois émissaires de la wilaya 4 (Algérois) se
présentent au domicile du cadi de Médéa pour lui demander de prendre
contact avec les plus hautes autorités françaises afin de leur transmettre
des propositions concrètes concernant la « paix des braves »dont a
naguère parlé De Gaulle. Ces émissaires sont Lakhdar responsable
politique, Halim , liaisons et renseignements, et Abdellatif ,
chef de la zone 1. Ils affirment parler au nom de Si Salah , le chef de
la wilaya, en poste depuis le mois de juillet de l'année précédente.
-Le cadi alerte le sous-préfet,
puis, de proche en proche, la proposition atterrit chez Michel Debré
trois jours plus tard, le 20 mars. « On ne peut éconduire des hommes qui
parlent de paix », déclare De Gaulle. C'est un feu vert. Une nouvelle
rencontre a lieu le 28 mars, à la sous-préfecture de Médéa : outre
les trois hommes du premier contact, Si Salah est présent, face à
Bernard Tricot , représentant l'Elysée, et au colonel Mathon ,
du cabinet du Premier ministre. Si Salah confirme les termes de sa
proposition initiale. Trois jours plus tard, nouveau rendez-vous. La
négociation progresse et l'on s'accorde sur les modalités d'application de
ce cessez-le-feu : les hommes quitteront le djebel, remettront leurs armes
dans les gendarmeries et se démobiliseront s'ils le désirent.
D'autres rencontres vont
se produire encore ici ou là, toutes couvertes par le secret. Si Salah affirme
qu'il peut entraîner l'adhésion de la wilaya 3 (Kabylie) et de la wilaya
6 (Sahara), ainsi que celle d'une grande partie de la wilaya 5 (Oran).
Le 9 juin, à bord d'un SO-Bretagne du GLAM, trois émissaires quittent
Blida pour Paris, où De Gaulle a accepté de les recevoir. Outre Si
Salah et Lakhdar, Si Mohammed (Bounaama Djillali), l'adjoint
militaire de la wilaya, fait partie de la délégation.
De Gaulle les reçoit, écoute
leurs propositions de paix et les reconduit,
sans leur tendre la main. « Je parlerai dans quatre jours, déclare le
général au moment de quitter ses visiteurs, ce sera ma réponse... »
En réalité, le discours
du 14 juin sera, de la part du chef de l'Etat, un nouvel appel, plus pressant,
à la négociation avec le GPRA. De la « paix
des braves », plus un mot.
De Gaulle a refusé la chance de voir l'Algérie entièrement pacifiée, les
djebels vidés de leurs combattants, la victoire militaire acquise de façon
éclatante.
Déçus, amers, les
Algériens s'en retournent vers leur djebel. Ils y trouvent Ben Chérif,
le chef du 2ème Bureau de Krim Belkacern . Averti (les tractations en cours
par le canal d'Edmond Michelet, il vient d'arriver de Tunis, via... Paris et
Alger. Ben Chérif n'est
pas un tendre, et la purge qui s'abat sur la wilaya 4 est terrible. Halim,
Abdellatif et Lakhdar , sont exécutés, Si Mohammed tourne
casaque et, à son tour, épure à tour de bras. Sommé d'aller « s'expliquer
» à Tunis, Si Salah qui s'est réfugié dans un premier temps chez
son vieil ami.
Si Salah a cru à la « paix des braves » offerte par De
Gaulle. Il en est mort.
Mohand Ou el Hadj,
le vénéré chef de la wilaya 3 (Kabylie), sera abattu au mois de juillet,
dans une embuscade tendue par les forces de l'ordre.
L'affaire Si Salah est close. Les
morts ne parlent pas
et, du côté français, le secret sera bien gardé. Ou presque. Car un
certain nombre d'officiers, et ce ne sera pas l'un des moindres détonateurs
du putsch du mois d'avril 1961.
Du reste, au procès du
général Challe, un « accord » sera passé entre ses
défenseurs et l'Elysée :
« Vous ne parlez pas de "l'affaire"
et nous ne requerrons pas la peine de mort... »
L'un des derniers
témoins, Si Mohammed , sera abattu, au mois d'août 1961, par un
commando du 11ème Choc qui menait une opération de radio-détection. Ce
même 11ème Choc, qui avait mené, pendant plus de sept années, une guerre
« en marge », ne survivra pas à la guerre d'Algérie : il sera
dissous à la fin de 1963.
De la même façon, le BEL
sera dispersé et certains de ses membres, incarcérés, puis exclus de
l'armée. Tout comme le « Service 29 » qui verra ses activités, ses
missions et ses effectifs réduits jusqu’ à n’être plus rien.
En haut lieu, on ne se
souviendra pas des services rendus, on redoutera, jusqu'au bout, leur
redoutable efficacité. La page est tournée sur l'affaire algérienne.
Place aux gens sérieux... Et muets.
---==oOo==---
La
fausse surprise du 1er novembre
« Le 1er novembre 1954, un
dimanche, c'est la stupeur : des bombes explosent à Alger, des gendarmeries
et des casernes attaquées, des récoltes incendiées, des troubles en Kabylie,
Oranie, dans la Mitidja et le Nord- Constantinois, une insurrection dans
les Aurès. Ce n'est plus du terrorisme isolé, mais une flambée concertée,
le signal d'une action de longue haleine, fanatique, minutieusement préparée
à l'abri de l'indifférence et de l'inconscience officielles. Le CRUA vient
de frapper.
Mitterrand ,
ministre de l'Intérieur, me fait téléphoner aussitôt (c'est R. Wybot qui
parle, NDLR) ce jour-là par son directeur de cabinet adjoint, Jean-Paul
Martin , qui se lance dans une longue tirade accusatrice :
- Vous savez ce qui se passe en Algérie ? C'est proprement incroyable !
Des éléments étrangers, venus de l'extérieur, viennent d'y débarquer pour
fomenter des troubles et provoquer une véritable rébellion. C'est absolument
inadmissible ! Comment se fait-il que vous n'ayez pas prévu cette action
étrangère ? La DST n'a pas fait son travail.
Je le laisse parler sans l'interrompre puis,
lorsqu'il arrive au bout de son discours indigné, je réplique froidement :
- "J'ai le sentiment d'un léger malentendu. Tout d'abord, pour ma part,
je ne crois pas à une intervention étrangère. L'explication est trop
commode. Que des fonds, des armes, soient parvenus d'ailleurs, c'est probable.
Mais c'est en Algérie même que le mouvement de révolte s'est développé,
structuré, entraîné. Ce n'est pas Le Caire qui est passé à l'action, mais
le "CRUA."
A ce propos, je vous suggère de vous reporter à mon rapport de mars 1954.
Tout ce qui arrive aujourd'hui y était annoncé, les chefs de la rébellion
nommés, les effectifs, méthodes, intentions, plans analysés. Ce document
complet, il est sur le bureau du ministre de l'Intérieur depuis
cinq mois. Le gouvernement
a changé mais ce rapport, j'ai rappelé son existence en juillet. Ce n'est
pas ma faute si vous n'en avez rien fait et si vous ne savez même pas ce
qu'il y a dedans ! "
Roger Wybot et
Philippe Bernert, « DST », Presses de la Cité, 1975.
(1)
Le FLN en obtiendra le remboursement par la France au moment des pourparlers
d'Evian !
COMMENTAIRE de
Sivéra
Il est vrai qu'à la
lecture de ces documents d'archives, nous comprenons mieux nous jeunes
générations P.N., pourquoi la "Tragédie Algérienne", se
déclancha, les enjeux énormes, les conflits d'intérêts personnels,
l'action des marchands d'armes, des politiciens véreux, l'action de nos
"Amis" Ricains, anglo-saxons et autres, furent les seules et uniques
raisons ! LA TRAHISON, le MENSONGE, la FALSIFICATION, la MYSTIFICATION institutionnalisée
dénote l'état de pourriture de notre PAYS ! L'exception confirme la régle :
"LE POISSON POURRIT TOUJOURS PAR LA TÊTE !"
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