Témoignage
de Monsieur René GEHRIG
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Témoignage
de Monsieur René GEHRIG, Consul de Suisse à Oran
recueilli P.143 et suivantes du Tome 1 du livre « l’Agonie d’Oran
» de Geneviève de TERNANT
(editions J Gandini – Calvisson)
L'Algérie a eu son indépendance, officiellement, le 1er juillet 1962,
ayant à sa tête, le chef du moment, BEN BELLA, qui est Oranais.
Aussi, quelle fête, quel vent de folie.. musique, danse, cris, tirs d'armes
automatiques, dans tous les sens... et tout cela, sous une chaleur accablante.
C'était devenu de I'hystérie, durant plusieurs jours.
Les Européens qui étaient encore là, entre 20 et 25.000 sur les 250.000
qui, précédemment co-habitaient avec un nombre équivalent de Musulmans
(Oran étant la seule grande ville d'Algérie, où les Musulmans n'étaient
pas franchement majoritaires), donc ces Européens se faisaient "pet
its", restant chez eux ou plutôt étaient allés se réfugier dans les
villas sur la Corniche oranaise,, située à une quinzaine de kilomètres,
ceci surtout pour les soirées et les nuits.
Durant la journée, certains essayaient de travailler, mais la plupart des
magasins et restaurants étaient fermés.
En ce qui me concerne, je logeais, avec trois ou quatre amis, dans la ville
de Mulphin, à Trouville, qui nous faisait d'ailleurs, une excellente cuisine.
Nous nous retrouvions le soir, car pour chacun d'entre nous, les familles étaient
entrées en France.
Dans la journée, je revenais à mon bureau, devant être à mon poste de
Consul Honoraire de Suisse, le plus souvent possible. A midi, je prenais mes
repas dans un des rares restaurants ouverts, tenu par des Grecs, dans la rue
de la Fonderie. Je retrouvais là, d'autres amis, notamment MASCARO,
qui était voyageur chez un de mes principaux clients (les Savonneries Lever),
ainsi que PALUMBO et BONAMY, qui eux, travaillaient à la Sté
Marseillaise de Crédit, ma banque.
Nous prenions nos repas très rapidement, car il y avait là, beaucoup de
monde qui attendait son tour, tous des Européens.
Nous sommes donc le 5 juillet 1962, dans I'ambiance que je viens de
décrire. Le matin, mon programme devait, en principe, ressembler à celui des
jours précédents.
Or, vers 11 heures, j'apprends qu'une des rares boulangeries ouvertes à la
rue El Moungar, tout prés de chez moi, avait du pain. Nous en manquions
souvent. Quelques secondes de réflexion et dans un esprit de dévouement pour
notre petit groupe, je décide d'aller acheter quelques flûtes et de les
apporter aux copains à Trouville.
Là-bas, les amis insistent pour me garder. Je prends rapidement le repas
avec eux et dès 13h30, je retourne à Oran.
J'avais bien remarqué, en rentrant dans la ville, qu'il n'y avait
quasiment personne dans les rues.. J'ai attribué cela à la grosse chaleur et
à I'heure de la sieste.
J'arrive tranquillement, devant mon bureau, gare la voiture, et au moment où
j'en ferme la porte, j'entends des appels discrets venant d'une fenêtre, en
face, tout près de là. Un volet s'entrouvre et j'aperçois le gardien du
fameux "parking". C'est un ancien légionnaire, d'origine espagnole,
qui me dit à voix basse ;
-« Dépêchez-vous de rentrer dans votre bureau... depuis 11 heures, les
Arabes tuent tout le monde !!! ».
II n'a pas eu le temps d'en dire plus... refermant aussitôt le volet.
Une voiture apparaît, en bas de la rue Jalras, à 100 mètres. Je traverse
la chaussée en courant, me plaque contre la porte du couloir pour I'ouvrir..
juste à temps... une rafale de mitraillette siffle et abat un homme qui était
au coin, un peu plus loin que moi. II avait I'air de regarder qui venait...
ou voulait-il me parler ou se réfugier dans le couloir, avec moi ? Le fait
est qu'il a été tué et que si je ne m'étais pas collé contre la porte...
Aussitôt dans le couloir et après avoir fermé, sans bruit, j'ai grimpé
quatre à quatre les escaliers m'amenant au 1er étage. De mon bureau, à
travers les lamelles des volets fermés, j'ai revu cette voiture, qui avait
fait le tour du pâté de maisons. C'était une petite camionnette sur
laquelle quatre Musulmans avaient pris place, chacun la mitraillette à la
main, tiraient sur tout ce qui bougeait, parfois dans les vitrines ou
fenêtres ouvertes... et ils rigolaient...
Je les vois entrer dans le parking, où j'aurais dû garer ma voiture, ce
que je n'avais pas fait exceptionnellement. Peut-être me cherchent-ils ? Un
autre Européen arrive à son tour, en moto, pour se garer. II me semble
que les Musulmans lui demandent ses papiers... mais au moment où il met sa
main dans la poche... I'un d'eux lui tire, à bout portant, une balle dans
la tête...
J'ai donc, effectivement, vite été mis dans I'ambiance du moment !!
Depuis mon poste d'observation, j'ai réussi, un peu plus tard, à
converser avec les gens qui étaient, eux aussi, derrière les volets, au
premier étage de la maison d'en face. Ils
m'ont appris que, des 11 heures, les Algériens, pour une raison inconnue,
étaient devenus complètement fous... Ils enlevaient ou tuaient sur place,
tous les Européens qu'ils rencontraient.. II paraîtrait que ce jour-la,
entre 11 et 1 5 heures, il y aurait eu, ainsi, plus de 4000 morts ou
disparus!! Chiffres avancés, ultérieurement, par diverses sources, généralement
bien informées.
Je reviens sur ma position du moment. Me voila, enfermé dans mon bureau,
le téléphone coupé, tout seul, me demandant ce que je devais faire, car les
coups de feu, les cris, arrivaient par vagues.. coupées par des silences, non
moins inquiétants...
Vers 17 heures, une plus longue accalmie a incité les gens à ouvrir peu
à peu les volets et à se faire voir aux fenêtres.
On a vu passer dans les rues, des auto-mitrailleuses des gardes-mobiles
français. On a dit que les Autorités algériennes d'Oran, débordées et dépassées
par les évènements auraient demandé aux seuls militaires français restants,
de les aider à rétablir I'ordre.
J'ai décidé de quitter le bureau pour rejoindre mon domicile où le téléphone
devait encore fonctionner, ce qui était important pour moi, car je pouvais
avoir des appels de compatriotes suisses.
Je repars dans ma petite 4 CV. A chaque croisement de rue, je laisse la
voiture, moteur en marche et avant de passer, regarde à droite et à gauche,
s'il n'y a personne... car on entend encore des tirs !
Arrive ainsi tout près de mon domicile, à la rue Dutertre, il ne me reste
plus qu'a prendre la première rue, à droite, qui est la rue Parmentier.
Devant moi, à 30 ou 40 mètres, une grosse voiture. Elle s'arrête
subitement. J'aperçois quelques Arabes, revolvers et mitraillettes au poing,
qui font descendre les deux Européens de la grosse voiture. Cela m'a permis
de tourner rapidement à droite, dans ma rue, de laisser la voiture juste
devant le n° 17 et de rentrer précipitamment dans le couloir. Quelle chance
! Depuis mon balcon du 3eme étage, à plat ventre, pour ne pas être vu, j'ai
pu apercevoir les deux Européens amenés par les Arabes, leur voiture restée
seule au milieu de la chaussée... J'ai su, après, que l’on n'avait plus
jamais eu de leurs nouvelles...
Au 17 rue Parmentier, où j'habitais depuis plusieurs années, il ne
restait que deux ou trois fa milles européennes, toutes les autres étaient
parties. Elles ont été heureuses de me voir arriver, se demandant ce que j'étais
devenu... et puis j'étais le seul à avoir le téléphone.
Nous étions une des rares maisons encore habitées, dans tout le quartier.
Les tirs reprenant, nous commencions, tout de même, à ne plus être
tranquilles. Les voisins qui s'étaient regroupés chez moi, m'ont demandé
d'essayer d'intervenir afin que nous soyons un peu gardés.
J'ai pu contacter, par téléphone, en tant que Consul de Suisse et par
I'intermédiaire de I'Evêque d'Oran, le général Katz, qui commandait
les gardes-mobiles et lui exposer notre situation. Une heure après, une
patrouille de gendarmes motorisés était là et toute la nuit n'a cessé de
tourner dans notre secteur... pendant que nous jouions aux cartes, pour ne pas
dormir !
Le lendemain, j'ai appris qu'au restaurant Grec, de la rue de la Fonderie,
dans lequel je devais aller déjeuner, à midi, la veille, 5 juillet,
des Musulmans sont arrivés, subitement, ont ouvert la porte et tiré
à bout portant, sur les gens qui prenaient leur repas. PIusieurs personnes
ont été tuées, d'autres blessées. D'autres encore ont été enlevées,
parmi lesquels mes amis, MASCARO, PALUMBO et BONAMY...
Ceux qui avaient un nom à consonance française ont été relâchés, pour
la plupart, devant le commissariat central, dont BONAMY. Par contre, on
n'a plus jamais revu les autres, hélas, parmi lesquels étaient MASCARO
et PALUMBO...
Si donc, j'avais été, comme prévu, prendre mon repas avec ces amis, que
me serait-it arrivé ?
En résumé, dans la même journée, j'ai échappé, par miracle, au moins
trois fois à la mort...
II est inutile de dire que le moral des Européens, le lendemain et les
jours suivants, n'étaient pas au beau fixe... Le peu de gens qui étaient
encore là, désiraient partir au plus vite, d'autant que des histoires
dramatiques couraient les rues.
Par hasard, j'ai rencontré Ie 9 juillet, au matin, devant la poste un de
mes très bons clients, Monsieur ABHISSIRA; il était catastrophé.
Etant tout seul, il avait loué une chambre dans un immeuble du centre de la
ville, car son domicile se trouvait en plein quartier juif, où tout ce qui
existait là-bas avait été massacré, démoli, brûlé...
Ce pauvre ABHISSIRA, qui a la vue très faible, ne savait plus que
faire, ne pouvant presque pas se diriger tout seul. II voulait partir,
rejoindre sa famille qui était réfugiée à Marseille.
De mon côté, je voulais aussi y aller, car je n'avais plus pu donner de
mes nouvelles depuis de nombreux jours. Je décidais donc d'essayer de prendre
un avion, le lendemain. Ce n'était pas facile, comme on peut bien le penser.
II n'y avait plus de ligne régulière mais simplement encore quelques avions
qui rapatriaient les centaines de personnes restant encore, qui d'ailleurs
étaient là, sur place, depuis de nombreux jours, en plein air sur l'aérodrome
de La Sénia.
J'ai proposé à M. ABHISSIRA de le prendre dans ma voiture. le
lendemain matin, pour aller ensemble à La Sénia, pour tenter notre chance et
essayer de partir sur Marseille ou ailleurs, car on n'avait pas le choix de la
destination...
Dès 9 heures, chacun, une
petite valise à la main, nous embarquons dans la petite 4 CV verte, un
drapeau Suisse en tissu, de 20 cm de côté, plaqué sur le pare-brise et
filons vers La Sénia.
A la sortie de la ville, barrage !! Quatre soldats algériens, armés
jusqu'aux dents, nous arrêtent.
Je sors de la voiture et vais à leur rencontre, afin d'éviter toute
conversation entre eux et M. Abhissira. Un seul des quatre parlait
quelques mots de Français. Je lui montre mon passeport consulaire et lui
faisant remarquer le fanion suisse je lui dis
« Je suis Consul de Suisse à Oran et me rends à La Sénia ».
J'ignore s'il m'a très bien compris, mais en hochant la tête vers mon
compagnon,
-« Et lui ? »
- « C'est mon secrétaire »...
- « Allez va !!! en route »...
Je ne me le suis pas fait dire deux fois. Je bondis dans I'auto et démarre
sans demander mon reste...
S'ils s'étaient aperçus qu'il s'agissait d'un Juif, ils I'auraient
abattu sur place... et moi, avec !
A La Sénia, je connaissais le Commandant de la Base Militaire Française,
puisque c'est grâce à lui, que j'avais pu organiser, auparavant le
rapatriement de la Colonie Suisse d'abord, mais aussi aider mon confrère
Allemand, pour celui de ses compatriotes.
II a pu, in extremis, nous caser dans le dernier avion qui a quitté Oran
pour Marseille. C'était vers 15 heures. Dans cet appareil, il y avait une
dizaine de malades et de blessés qui étaient allongés entre les banquettes
et la plupart des gens ne savaient pas du tout où ils allaient aboutir...
Vous décrire I'arrivée à Marseille-Marignane, inutile... on ne
m'attendait pas, par contre la famille ABHISSIRA était là, au complet,
depuis trois jours, surveillant chaque arrivage en espérant bien revoir leur
mari et père... Cette famille m'a d'ailleurs, gardé reconnaissance pour ce
sauvetage.
Après quelques jours passés à Marseille, il m'a fallu songer à
retourner à Oran où j'avais laissé, mon mobilier, mon affaire, le compte en
banque, les documents professionnels, ma situation, etc. et où j'étais
toujours Consul Honoraire de Suisse.
Je pensais donc y retourner pour quelques temps, afin de régulariser tout
ce qui pouvait I'être.
J'ai repris I'avion vers le 20 juillet. Cette fois-ci, il s'agissait,
je crois bien, du premier vol de ligne officiel, de la Cie Air France au départ
de Marseille, vers Oran.
Dans cette caravelle, nous étions ... 7 passagers . Parmi eux, M. O'NEILL,
directeur de la Sté Hamelle-Afrique à Oran, qui était un de mes clients.
Durant le voyage, je lui dis :
- « A I'arrivée à Oran, j'ai ma voiture dans le garage de I'aérogare.
Si vous le voulez, je peux donc vous amener jusqu'en ville ».
« Oh, que non, merci ! J'ai reçu, hier, un coup de fil depuis Oran. On
enlève encore les gens sur la route, entre La Senia et la ville. Je préfère
donc prendre le car, dans lequel nous serons quand même une dizaine de
personnes ensemble. Je vous conseille d'ailleurs de courir, dès I'arrivée
pour chercher votre voiture et ensuite de rouler devant le car, afin que vous
ne soyez pas seul sur la route, jusqu'en ville ».
Ces paroles n'étaient pas très réconfortantes pour moi...
Aussitôt sorti de I'avion, je suis parti en courant vers le garage située
à près de 400 mètres. Zut ! La porte est fermée, personne.. je tambourine
sur le rideau métallique et soudain il commence à monter... un jeune
Musulman, que j'avais réveillé de la sieste, est là.
-« Qu'est-ce que tu veux ? »
-« J'ai laissé ma voiture, une 4 CV, il y a quelques jours... »
-« Oui, il n'y en a qu'une, c'est la tienne... »
-
Heureusement, elle était encore là, mais il n'avait pas d'essence et mon
réservoir était au plus bas... J'essaie de démarrer... rien à faire.
Pendant que nous poussons cette maudite voiture... voila le car de la Cie
Air-France qui passe... Zut... je suis maintenant vraiment seul !
Finalement le moteur se décide à tourner. Je repars vers I'aérogare,
vide... personne... sauf ma valise seule au milieu du hall, que l’on avait déchargée
de I'avion et posée là... cela fait une drôle d'impression !!
Pas très fier, j'ai parcouru la dizaine de kilomètres qui séparent La Sénia
de mon domicile, au volant de la voiture, craignant à chaque instant de
tomber en panne d'essence... Je n'ai rencontré, ni croisé personne, c'était
très heureux, mais aussi inquiétant...
La rue Parmentier était vide. Au n° 17, plus aucun locataire, semble-t-il...
mon appartement est, toutefois, intact.
J'avais hâte de revoir mon bureau, où devaient se trouver deux jeunes
employés que j'avais laissés lors de mon départ... Hélas, j'ai trouvé un
mot m'indiquant qu'ils avaient été contraints, eux aussi, de quitter la
ville, avec leurs familles, trois jours après mon départ.
J'étais donc seul, absolument seul... Sans téléphone, sans personnel au
milieu de documents, connaissements, éparpillés sur mon bureau, lesquels
représentent des tonnes de marchandises qui se trouvent sur les quais et dans
les magasins du Port d'Oran, pour lesquels, je suis, professionnellement,
responsable.
Il fait une chaleur torride.. j'ai le moral à zéro...
Peu a peu, les chefs d'entreprises reviennent de France, dans le même état
d'esprit que moi, pour essayer de régulariser chacun leurs problèmes. A la
Douane et sur les quais, quelques guichets commencent à ouvrir.
Je vais donc faire un tour sur le port, pour me rendre compte dans quelles
conditions je peux reprendre une certaine activité. Comme dans tous les
ports, il y a des gardiens à la grille d'entrée, auxquels on doit présenter
le laissez-passer. Or là, ce sont maintenant, des militaires algériens, bien
armés, qui sont substitués aux gardiens traditionnels.
J'arrive à la grille et sors de la poche un laissez-passer, que j'avais
d'avant... le soldat le regarde, le tourne dans sa main... me regarde... et me
dit : "Va" en me rendant mon papier.
Au moment de le remettre dans la veste, je m'aperçois que je lui avais montré
le laissez-passer délivré auparavant par I'OAS, avec un beau cachet... au
lieu de celui, que j'avais, dans I'autre poche, qui m'avait été donné par
le FLN !!!
Heureusement que le "gars" ne savait pas lire... sinon, j'étais
fichu.
Des que je fus plus loin, j'ai pris les deux cartes, les ai déchirées et
jetées discrètement, pour m'en faire établir une autre, par les nouvelles
autorités portuaires.
Je le regrette d'ailleurs maintenant, car elles auraient été des
documents-souvenirs...
A partir de ce moment-là, j'ai travaillé durant près de 6 mois, tout
seul, à raison de 15/16 heures par jour. Je dois dire que durant ce laps de
temps, j'ai presque récupéré les pertes importantes dues au fait du départ
de nombreux de mes clients, partis avant le 30 juin, en "oubliant"
pour la plupart de régler les factures !!!
Quelle vie ai-je dû endurer durant ces mois-la...
Très peu de restaurants étaient ouverts, quelques magasins, quelques épiceries
assuraient le ravitaillement.
Les Musulmans occupent peu à peu, tous les appartements d'où sont partis les
Européens. C'est ainsi qu'au 17 rue Parmentier, j'étais le dernier locataire
Européen.
II y avait, en bas de la maison, une brave épicière d'une bonne
soixantaine d'années, Madame GARIVIER, qui me gardait le peu de
ravitaillement qu'elle pouvait avoir, ce qui me permettait de me faire un peu
de popote, le soir.
Puis, voyant que mes affaires reprenaient et qu'il était; de nouveau,
possible de travailler (mais dans quelles conditions, je crois qu'il est
inutile de s'étendre là-dessus) je décide de demander à trois de mes
principaux collaborateurs, qui étaient en France, de revenir, moyennant des
.finances., intéressantes. Ils acceptent et c'est ainsi qu'au fur et à
mesure, ma Société reprend vie et que durant les mois et même les années
qui ont suivi, je suis arrivé à avoir jusqu'à 26 employés (moitié Algériens,
moitié Européens).
J'étais devenu, à peu près, le premier transitaire local, c'est-à-dire
que sur 34 sociétés, nous étions une demi-douzaine de firmes européennes
et une trentaine d'algériennes. Je réalisais, a moi seul, à peu près
autant que toutes les firmes algériennes !
L'histoire m'a appris, par la suite, que je n'avais pas eu tellement
raison d'avoir tant prospéré. J'étais jalousé par les Algériens qui m'ont,
finalement, fait tant d'ennuis, que j'ai été contraint de partir, "sans
arme, ni bagage", fin février 1967, en tout abandonnant.
René GEHRIG
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