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Georges DUPLESSIS 
PRISONNIER DU FLN RACONTE
 

Recueilli par
Sivéra



La VOIX DU COMBATTANT N°1679-NOVEMBRE 2002-

à " NOS AFRICAINS" et " MARTYRS" !

Deux ans et demi sans voir le jour. Comme repas, des cosses de fèves cuites à l'eau le midi, un bol de semoule le soir... Georges Duplessis part à 21 ans, comme beaucoup de jeunes français, rétablir l'ordre en Algérie. Tragique souvenir de jeunesse. La voix du retraité tremble. La mémoire est marquée. Comme le corps qui porte les stigmates des tortures endurées. «Je suis appelé dans les paras en mai 1958. Après un passage à Pau et à la caserne Bosquet à Mont-de-Marsan, je suis envoyé sur la frontière algéro-marocaine avec le 5ème régiment d'infanterie. Toutes les nuits, nous effectuons 30 km de patrouille entre les réseaux minés et électrifiés qui cernent la frontière».

30 décembre 1959, Georges patrouille de jour pour la première fois, «Je suis éclaireur de pointe avec mon chien : Athos. Je marche 150 mètres devant les gars et je tombe dans une embuscade en fer à cheval tendue par l'Armée royale du Maroc. Mon compagnon au fusil-mitrailleur est tué et les patrouilleurs se replient. Seul, je balance les cinq grenades que j'ai sur moi et, après avoir vidé mon chargeur, j'enterre mon pistolet pour qu'il ne soit pas découvert».

Tortures au quotidien

Le soir même de sa capture, Georges est remis aux fellaghas du F.L.N., «Je suis emmené dans une grotte. J'aperçois un avion qui me cherche. Mes geôliers m'ont prévenu : regarde tes copains te cherchent, mais ils ne te trouverontpas».

Après deux nuits de marche, les yeux bandés, les mains attachées derrière le dos, Georges est emprisonné dans un ancien camp français au Maroc à Oujda. «Avec trois compagnons de captivité, Maurice Lanfroy, Gérard Palisse et André Robert, je reste plus de deux ans dans une pièce de quarante mètres carrés, sans voir le soleil. Sans avoir le droit de me laver. Il y a juste un trou sanitaire. Nous sommes torturés à la gégène, parfois jusqu'à l'évanouissement.

On nous attache aussi à un poteau pour nous écraser des cigarettes sur le corps. Je crois qu'on s'en sort parce qu'on est costauds. On est malade, mais on guérit sans médicaments».

16 mai 1962

«Je suis sorti de la prison de bonne heure le matin, on nous balance d'un fourgon devant l'ambassade de France à Rabat. La guerre est finie. Nous sommes libres.»

Durant sa captivité, Georges est passé de 74 à 49 kilos. Ses cheveux ont poussé jusqu'à mi-dos, il est méconnaissable. À Tarnos, on apprend le retour de celui que l'on, croyait disparu à jamais. Sud-Ouest, sous la plume de Christian Bambédiac, relate l'événement, «Joie à Tarnos. Georges va être libéré !». Pourtant Georges a l'impression de s'être fait blouser par l'Histoire. «À part la presse locale, personne ne parle des prisonniers d'Algérie. C'est tabou. Lorsque je rentre, on me présente une liste de 298 noms. Des présumés disparus. On me dit de me taire pour leur sécurité».

Aucune reconnaissance

«Je n'ai pas de rancoeur contre les fellaghas. Mais j'enrage contre la froideur de l'administration française.»

À son retour, Georges séjourne à l'hôpital du Val-de-Grâce. Avec pour seule reconnaissance, un certificat de bonne conduite que lui délivre l'armée. «J'ai dû emprunter de l'argent à une assistante sociale pour prendre le train. Je n'ai jamais été indemnisé. J'ai juste touché ma solde huit mois plus tard. Rentrer sans un rond en poche... je ne l'ai jamais encaissé. il ai perdu ma jeunesse. En retour, on n'a rien eu. Rien ! Même pas le statut de prisonniers de guerre »

Parallèlement, Georges apprend que la société où il travaillait avant ces évènements, les Forges de l’Adour, fermait boutique. Il sera obligé de trimer comme manoeuvre, pelle et pioche en main.

«À cette époque, il n'existait pas d'assistance psychologique. Et pourtant, il y a des moments où l'on n'arrive pas à dormir. Je pense encore à ce jour où le camp s'est fait bombarder. Un fellagha m'a mis une arme sous la gorge et m'a prévenu que si l'avion repassait, j'étais un homme mort. L'avion n'est heureusement jamais repassé »

Georges se fait violence pour raconter. Il sait que c'est pour la bonne cause. Pour la jeunesse, il ne faut pas oublier. Depuis sa libération, Georges n'est jamais retourné en Algérie : «J'aimerais aller là-bas pour une seule raison. Je suis sûr de trouver l'endroit où j'ai enterré mon pistolet, le 30 décembre 1959.»

Georges Duplessy est décédé il y a quelques mois et son épouse a bien voulu m'autoriser à publier ce récit. Nous l'en remercions. Il est de notre devoir de tout faire pour que le statut de prisonnier de guerre leur soit reconnu avant que comme Georges, ils n'aient tous disparus.

Christian Forgez
Président U.N.C. Landes (40).



 
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