DEVOIR
DE MÉMOIRE : LE TEMPS DE L'ENGAGEMENT
Jean-Michel NOGUEROLES
Avocat
Représentant des 3 H
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L'histoire ne peut être réellement écrite
qu'après plusieurs décennies sinon plusieurs siècles. Il a fallu près de
deux siècles pour écrire une histoire de la révolution française qui soit
digne de cette ambition. Il a fallu plus de cinquante ans pour valablement
connaître et enfin reconnaître la responsabilité de l'Etat français dans
les crimes de la collaboration.
Raymond ARON
considérait très justement qu' « // n'existe pas une réalité
historique... qu'il conviendrait simplement de reproduire avec fidélité. La
réalité historique parce qu'elle est humaine, est équivoque et inépuisable
» (Introduction à la Philosophie de l'Histoire • 1938 ).
La guerre d'Algérie fait partie de ces sujets
sur lesquels le politiquement correct, le socialement admis et le conformisme
de bon ton ont jeté un dévolu certain. N'est-il pas devenu usuel que des
Français musulmans, civilement ou militairement, engagés dans le camp de la
France à l'époque de la guerre d'Algérie soient regardés avec le «
recul » d'aujourd'hui comme des traîtres à leur pseudo-patrie ?
Cet état de fait a atteint, sans doute, son
paroxysme lorsqu'un président algérien, en visite officielle en France, a
déclaré publiquement, sur une chaîne de télévision française, qu'il ne
serrerait pas la main d'un Harki, tout comme, a-t-il affirmé, l'on ne pouvait
demander à un officiel français de serrer la main d'un ancien collaborateur
des nazis.
Et pourtant l'engagement, le
courage et le mérite de ces hommes que la République Française a su motiver
et mobiliser sont dignes d'être racontés, expliqués et défendus.
L'Algérie française pour laquelle les Harkis
se sont battus était celle de la « décolonisation » de l'Algérie
dans le cadre de la République Française : l'Algérie aurait sans doute
été rattachée à la métropole à travers un système fédéral ou dotée
d'un statut permettant la plus large autonomie.
Ce projet initialement conçu par des
intellectuels comme, notamment, Albert CAMUS, puis proposé par le
Général DE GAULLE, était au moins aussi ambitieux que la
construction d'un Etat algérien indépendant. Sa mise en œuvre aurait permis
de rendre très autonome, dans un cadre laïque, ce territoire longtemps
caractérisé par une profonde diversité ethnico-religieuse. L'objectif
était bien de créer un « pays » neuf, fédéré ou intégré à la
France, dans lequel toutes les communautés auraient eu leur place sans
distinction d'origine ethnique, religieuse ou de sexe.
L'engagement pour cette Algérie française-là
valait bien celui du nationalisme algérien. Alors pourquoi faudrait-il
baisser la tête, se taire ou avoir honte ?
Il est grand temps d'ouvrir ce débat et
d'exprimer avec conviction notre point de vue. Il est également grand temps
que l'on reconnaisse la nature et l'ampleur du génocide subi par cette
composante du peuple français que l'on appelle les Harkis.
Jean-Michel NOGUEROLES
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