Paris le 13 mai 2005
Général Maurice Faivre .
2 rue Michel-Ange 75016
Vice-Président de la Commission française d'Histoire militaire
membre de l'Académie des Sciences d'outre-mer et
du Comité scientifique du mémorial de la France outre-mer
Monsieur le Président de la République Messieurs les
Ministres
Donnant suite aux propositions de débat historique formulées
par les autorités françaises et algériennes, j'ai l'honneur de
vous adresser cette première contribution relative à la
désinformation médiatique.
Etablir la réalité des faits passés, analyser les causes et les
conséquences des événements afin de proposer une interprétation de
l'histoire ou des hypothèses d'explication, telle est la mission
de l'historien. Cela le conduit parfois à réviser certaines
présentations factuelles et donc à lutter contre la désinformation
volontaire de ceux qui poursuivent des buts idéologiques et
souvent réussissent à imposer à l'opinion une vision de l'histoire
contraire à la réalité des faits.
Ce combat pour l'objectivité historique est fastidieux, il
oblige le chercheur à s'intéresser aux médias, et à revenir en
arrière : relire ses notes, chercher de nouveaux documents ou
témoins, Le révisionnisme, qui n'est pas négationnisme, est le
mode de travail habituel de l'historien. Il s'impose aujourd'hui
face à la campagne médiatique qui réussit, en France et en Algérie,
à persuader l'opinion que la France a procédé à un génocide le 8
mai 1945 à Sétif et autres lieux.
Comme l'écrit Stéphane Courtois, auteur du Livre noir
du communisme, le comptage des victimes est un des éléments
importants de l'appréciation historique. Or les médias les
plus modérés ont retenu le chiffre de 15 à 20.000 victimes de
la répression de ce soulèvement. L'ancien premier ministre
Abdesselam ayant estimé que le chiffre de 45.000 était un
argument de propagande, ou se réfère à un papier non signé et non
daté trouvé dans les archives d'outre-mer à Aix-en-Provence (l'auteur
de cette découverte vient d'ailleurs de doubler son estimation
dans, le Monde, du 8-9 mai, ce qui prouve bien qu'il affirme
n'importe quoi). D'autres historiens inventent un
rapport de 100 Arabes tués pour une victime européenne, estimation
qui serait crédible!
Voilà comment on impose à des journalistes des informations
manifestement non contrôlées.
Ces évaluations hyperbolique ont été contredites par les
enquêteurs officiels de l'époque (général de gendarmerie Tubert
et commissaire principal Berge), et par les historiens
algériens et français qui ont étudié toutes les archives (
Kaddache, Mekhaled, Jauffret entre autres) et dont les
évaluations partielles, une fois additionnées, se situent entre
2.000 et 3.000 tués, comprenant quelques centaines de musulmans
fidèles à la France, tués par les nationalistes à cette occasion.
2 à 3,000 tués» sur 50 à 80,000 manifestants disposant de 700
fusils de guerre et 12.000 fusils de chasse, c'est beaucoup, c'est
trop, mais ce n'est pas un génocide ; ce fut sans doute une
réaction de panique face à la violence des émeutiers qui
assaillaient les fermes et les villages avec le dessein de
tuer les roumis. C'est encore la peur qui provoqua le
communiqué du parti communiste, exigeant de passer par les
armes les instigateurs de lu révolte, dénoncés comme des
provocateur!: hitlériens. On se souvient en effet que les
cégétistes participaient activement aux milices dites de colons.
Il faut se méfier des fausses analogies historiques. La
référence aux nazis, aux fours crématoires et au procès de
Nuremberg peut en effet être retournée contre leur auteur.
Le message xénophobe et ultra-nationaliste diffusé à Sétif le 8
mai 2005 rappelle un autre Nuremberg, pas celui du procès, niais
celui de la manipulation des foules. En tout cas, il n'inspire pas
la réconciliation attendue du prochain traité d'amitié et de
coopération.
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