La quasi-totalité des personnes enlevées pour permettre le pillage ou le vol
de leurs biens ont été abattues aussitôt après leur capture; c'est le cas
notamment des personnes circulant à bord de véhicules automobiles. Dans de
nombreux points du territoire algérien on trouve de petits charniers
contenant les restes des victimes de vols de voitures, ainsi au puits de
Boughzoul, au sud de Boghari, à l'intersection des nationales 1 et
40, dans lequel une quarantaine d'Européens et de Musulmans ont
été jetés après avoir été égorgés ou tués au couteau.
Un Français d'Oran, M. MIMRAN, a été enlevé près de Charon, en août 1
962. Ses ravisseurs avaient laissé dans sa voiture la photographie de deux
d'entre eux, les «djounoud» (membres des groupes armés F.L.N.) Boualem
et Kasiche.
De nombreuses femmes ont été enlevées uniquement pour la prostitution.
Certaines ont été livrées aux maisons closes, telle Madame VALADIER, en
levée à Alger le 14 juin 1962; retrouvée dans une maison close de Belcourt,
rendue à sa famille le 9 janvier 1963 et considérée maintenant comme folle
incurable; d'autres ont été attribuées à des officiers de l'A.L.N.
comme Mademoiselle Claude FEREZ, institutrice à Inkermann; d'autres enfin
ont été vendues à des trafiquants internationaux et acheminées vers le Maroc
ou le Congo ex-belge, peut-être même pour certaines vers l'Amérique du
Sud.
La plupart de ces malheureuses sont irrécupérables; certaines ont été
tatouées, voire mutilées; beaucoup ont des enfants nés des œuvres de leurs
geôliers. Les rares femmes récupérées, comme Madame VALADIER,
actuellement à Nîmes, sont devenues folles ou demeurent prostrées; l'une
d'elles, femme d'un officier français dont on doit taire le nom, la famille
ignorant heureusement tout, mère de trois enfants, s'est donné la mort
le lendemain de sa libération d'une maison close de la Bocca Schanoun à
Orléansvitle.
Le trafic des femmes se poursuit en Algérie à l'heure actuelle.
Enfin des techniciens ou réputés tels ont été enlevés pour servir soit dans des
unités de l'A.L.N., soit dans des organismes logistiques, soit même comme main
d'œuvre bon marché chez les fellah du bled. D'autres ont été employés sur des
chantiers de déminage, notamment à la frontière tunisienne, d'autres dans
des mines comme celle de Miliana dans laquelle le jeune soldat
AUSSIGNAC, enlevé le 21 juillet 1962 à Maison-Carrée et évadé au printemps
1963, a travaillé plusieurs mois durant, d'autres enfin sur des chantiers de
routes comme celle d'Afflou à Laghouat.
La plupart des personnes enlevées sont mortes comme sont morts la quasi-totalité
des Français enlevés à Oran dans la seule journée du 5 juillet 1962.
Cette tragique journée a été marquée par des massacres en pleine rue sous
les yeux des militaires français auxquels leur chef, le général KATZ, avait
interdit toute intervention.
On ne saura jamais le nombre exact des morts de cette journée, comme on ne
connaîtra jamais le nombre des personnes enlevées dans les rues, les cafés, les
restaurants, les hôtels même, dirigées vers le commissariat central de police ou
les maisons closes des quartiers périphériques, torturées, violées -
même les jeunes gens - égorgées, éventrées, enfin incinérées pour la plupart
dans les chaufferies des bains maures.
Des estimations de source officielle donnaient peu après le chiffre de 91
morts et de 500 disparus; les chiffres réels sont très certainement supérieurs.
A une dizaine d'exceptions près, aucune trace des disparus n'a été trouvée. Les
charniers découverts au quartier du Petit Lac contiennent les
corps de victimes abattues au cours des semaines précédentes, notamment celles
de la tristement célèbre «banque du sang» du Docteur LARRIBERE, ancien
député communiste d'Oran, dans laquelle des malheureux et malheureuses
étaient vidées de leur sang pour permettre des transfusions aux
fellagha blessés; tous les renseignements sur cette scandaleuse ignominie dont
les auteurs sont maintenant libres et chargés d'honneurs ont été recueillis par
la gendarmerie nationale d'Oran; ils sont irréfutables. voir….
Si on ne reverra jamais la presque totalité des personnes enlevées à Oran le
5 juillet 1962, il y a relativement peu de chances de retrouver les autres
disparus. La plupart sont morts, soit aussitôt après leur capture, soit sous les
coups, les mauvais traitements, les tortures dans les jours qui ont suivi, soit
tout simplement de misère physiologique.
En certains lieux, notamment près de Teniet-el-Haad, ou bien encore
aux environs de Nelsonbourg ou de Berrouaghia, dans l'Algérois,
près de Misserghin et de Perregaux, en Oranie, on trouve encore
des témoignages atroces : ossements humains dont on ne sait s'ils sont
ceux de Musulmans ou de Chrétiens, squelettes attachés par ce qui fut des
poignets et des chevilles à des branches d'arbres, et certains sentiers des
djebels, certaines pistes tracées dans les massifs boisés sont jalonnés de
débris de vêtements laissés par des colonnes des hommes réduits à l'esclavage