LES
CRIMES DU FLN
Par
Jean-Pierre Angelelli
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Recueilli dans “MÉMOIRE
LA VOIX DU COMBATTANT”
n° 1673 mars 2002 Algérie : janvier - septembre 1962 –
EXTRAIT
Il faut maintenant évoquer des
faits qui se sont déroulés de mars à fin juin en Algérie et dont la
responsabilité incombe au FLN. Alors, que les médias de l'époque,
surtout la presse (avec des exceptions comme l'Aurore, le Figaro,
les hebdomadaires de la presse de droite : Aux Ecoutes, la Nation
Française, Rivarol, Aspects de la France), concentraient
leurs attaques et critiques contre l'OAS.
Ils sont de deux sortes : les
enlèvements et les débuts des massacres des supplétifs algériens amalgamés
sous le terme de harkis.
Les enlèvements dont les
victimes ont disparu, souvent à jamais, commencent dès le 17
avril dans certains quartiers périphériques d'Alger, d'Oran et
dans le bled où des groupes FLN établissent des barrages au hasard des
routes. Pour le FLN, il s'agit d'une riposte aux attentats OAS. Même
dans des régions où l'OAS n'existait pas.
De plus, les disparus sont non seulement des hommes
actifs mais des femmes, des vieillards, des enfants.
Le phénomène n'est pas marginal : 3
000 cas recensés jusqu'en juillet 62 (ce, pour un million d'Européens,
ce qui aurait donné 150
000 personnes disparues
pour une population métropolitaine de 50 millions d'habitants). Des bruits
ont aussitôt circulé sur le sort affreux des disparus (es) : torturés, exécutés' les femmes violées, livrées à des voyous -,
ce qui s'est révélé exact.
Sauf exceptions, les forces
françaises qui ont su souvent où étaient parqués (provisoirement) les
disparus ne sont pas intervenues. La stratégie du FLN est habile. Il ne rompt
pas le cessez-le-feu.
Il pratique un «terrorisme
silencieux» (Jean
Monneret) dont le résultat essentiel est de propager la panique chez les
civils européens d'Algérie et de précipiter leur exode. Sans doute aussi,
incapable de contrôler ceux qui agissent en son nom, a-t-il lâché la bride
à des éléments incontrôlés avides de vengeances et de pillages.
Il se produira la même pratique
contre des musulmans ; mais les chiffres précis nous manquent. D'autres
disparus encore, après le 1- juillet (dont des soldats de l'Armée française).
A la fin de l'été 62, le gouvernement français se décidera à faire
pression sur les autorités algériennes (Ben Bella et Boumedienne)
pour obtenir des renseignements. Il y aura même des libérations. Mais peu
des victimes d'avant juillet 62. La Croix Rouge enquêtera dans
certains camps du sud algérien où des captifs sont retenus. Son rapport ne fut pas rendu public.
En 1987, encore, il a été fait mention d'endroits où des Européens étaient
maintenus en Algérie., Il s'agit certainement d'une désinformation.
Soumis aux questions de sénateurs
en 1964, Jean de Broglie, ex-secrétaire d'Etat aux Affaires Algériennes,
fit le point sur cette triste et macabre affaire. Il y aurait eu 1773
disparus définitifs dont quelques
CENTAINES de morts assurés.
Des familles portent encore le
deuil d'êtres chers qui ne survivent que dans leurs mémoires meurtries.
L'autre drame sur lequel désormais
des ouvrages incontestables ont été publiés est celui des harkis.
Au conseil des ministres du 21
février 62 De Gaulle avait assuré la secrétaire d'État
d'origine algérienne, Nefissa Sid Cara (décédée au début de cette
année) que, convaincue de l'adhésion de «la majorité des Musulmans à
l'indépendance», la France tiendrait compte des «exceptions dont nous avons
le devoir de nous préoccuper aujourd'hui... et demain».
Ces exceptions ne concernaient
pas moins de 160 000 hommes
sous l'uniforme français.
Si l'on met de côté les engagés qui pour la plupart rejoindront la métropole
(comme le général Raffa qui avait refusé de prendre la tête de la
force locale), les appelés qui seront libérés et se fondront dans la
population, il reste quelques 70 000 supplétifs aux statuts divers (harkis,
moghzanis, groupes d'autodéfense, etc) très compromis à nos côtés dans de
durs combats.
A Evian, le
FLN s'était engagé à
ne pas se livrer à des représailles. Le gouvernement français a-t-il cru sincèrement
à cette promesse qui n'était
pas cautionnée publiquement par l'ALN intérieure et extérieure ? Apparemment...
Mais, comme il a été dit à Evian, les Algériens de statut coranique sont
privés de la nationalité française. A moins qu'ils ne demandent leur réintégration,
mais en France. Encore faut-il s'y rendre... On leur proposa soit de s'engager
dans l'Armée (en laissant leurs, familles sur place) ou dans la force locale
(noyautée par le FLN) soit d'être démobilisés avec un pécule et peut-être,
mais après une sélection, d'être reclassés en métropole.
Et, d'abord, ils étaient désarmés
(souvent dans des conditions ignominieuses) et renvoyés chez eux. Sans
protection.
Dans un premier temps, le FLN se
montra modéré. Garantissant son pardon à ceux qui lui reverseraient leur pécule
; mais, secrètement, des
instructions parties des états-majors de l'ALN extérieure
(elles furent captées par les services français)
conseillaient aux groupes armés d'attendre l'indépendance pour s'en prendre aux traîtres.
Et, dès avril, se produisent des
incidents meurtriers -, les vengeurs étant renforcés par les marsiens, ces résistants
de la dernière heure, désireux de donner des gages. Et d'autant plus libres
d'agir que le dispositif
militaire français se rétracte. Un exemple: le célèbre commando Georges à Saïda, unité
d'élite, composé de fellaghas ralliés, est exterminé dans des conditions atroces, excepté ceux qui ont pu
gagner la France grâce à une initiative privée.
Très vite, les
responsables militaires seront au courant de ces exactions et égorgements.
Certains prendront l'initiative de regrouper leurs hommes et leurs familles
pour les envoyer en métropole.
Si le ministre des Armées Pierre Messmer, à ce qu'il assure, a
souvent fermé les yeux sur ces conduites, Louis Joxe et le colonel Buis,
chef de cabinet de Fouchet à Rocher Noir ont la lourde responsabilité
d'avoir signé des circulaires condamnant sous peine de sanctions ces initiatives isolées et
ordonnant même le «renvoi
des supplétifs débarqués en métropole». La cause de ces meurtriers ukases comme en témoignent les
compte-rendus de certains conseils ministériels révélés par Alain
Peyrefitte : ( ... ) ces hommes -De Gaulle les nomme des réfugiés
et non des rapatriés servent de troupes de choc à l'OAS, De plus, on ne
peut tous les accepter. Début 63, de nouveau, De Gaulle exprimera sa
crainte d'«une invasion
de la main d'oeuvre algérienne»_
.. «qu'elle se fasse ou non passer pour des harkis".
Un temps précieux sera perdu
qui aurait permis de sauver les menacés. Evidemment, après l'indépendance, les
massacres auront lieu ouvertement.
Les autorités militaires françaises accepteront d'abriter dans leurs
casernes ceux qui peuvent s'y réfugier mais dans des «cas
exceptionnels». Et en évitant
absolument des incidents qui pourraient conduire à «recommencer la guerre».
Ce drame collectif sera peu
répercuté en métropole,
sauf dans la presse ex-Algérie Française. En novembre, Le Monde y
fera une rapide allusion
dans un article signé Jean Lacouture qui donne le chiffre de 10 000
harkis tués (souvent dans des conditions épouvantables) et 10 000 autres,-
familles incluses arrivés en métropole en 1962. Ils seront regroupés dans
des camps isolés pour les mettre à l'abri des militants de la Fédération
de France du FLN qui est réapparu, au grand jour, après le 19 mars.
40 000 autres ont pu gagner la France, entre 63 et 65 : rescapés de
liquidations systématiques dans certaines régions, atténuées dans d'autres
par des solidarités familiales ou tribales.
Peut-on cependant parler de génocide
? Et quel fut le bilan exact étant donné qu'il ne faut pas compter sur les
autorités algériennes pour le donner... Le chiffre très médiatique de 150
000 morts ne résiste pas à la critique historique si on le compare à tous
les morts de la guerre d'Algérie (200 à 250. 000) voire à ceux (100 à 150
000) de l'actuel conflit anti-islamiste; Après une étude serrée, le général
Faivre conclut sur une estimation de 60 à 80 000 victimes ; ce
qui est énorme pour une population algérienne (en 1962) de dix millions
d'habitants. Comparé à l'épuration de 44-45, en France : cela
correspondrait à presque 400
000 morts. Les
dirigeants algériens soit nient ce drame soit le minimisent et même le
justifient en traitant les harkis de collabos comme l'a fait le président
Bouteflika lors de son récent séjour en France. Dans les rangs islamistes, on
dénonce même des fils de harkis. Les harkis sont en effet le démenti
flagrant au mythe, entretenu par le FLN, d'un peuple algérien unanime contre
le colonialisme. En France, il a fallu attendre le 25
septembre 2001 pour que
le président de la République, Jacques Chirac, leur rende l'hommage
qui leur était dû. Une tardive réparation «pour une Saint Barthélemy
qui pouvait être ÉVITÉE» (Mohand Hamoumou).
Il faut aussi parler d'un autre
drame, celui-ci moins connu : c'est celui des messalistes. Ces
nationalistes algériens, frères ennemis du FLN, dont le rôle a été
minimisé après 54. Ils furent à nos côtés, en France comme en Algérie. Manipulés
par les services policiers et militaires français,
puis abandonnés. Leur
chef, Messali, père fondateur du nationalisme algérien, exilé en
France avant .54, fut inhumé en Algérie après sa mort. Bouteflika le
réintégrant dans la mémoire algérienne. Mais, des deux côtés de la Méditerranée,
ses fidèles ont payé pour lui...
Jean-Paul Angelelli
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