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    | Et ils osent encore nous parler
      des tortures de l'Armée Française et donner des leçons de morale ?
      
       |  EXTRAITS
  DU LIVRE "AFIN QUE NUL
  N'OUBLIE"de José CASTANO
 Recueilli
  par Sivéra De
  Perpignan, Montpellier, Marseille, Nice, Lyon affluaient les renseignements
  qui alimentaient la chronique journalière des média et plaçaient de plus en
  plus le Gouvernement dans une situation inconfortable et embarrassante. 
  
   ICI,
  on apprenait comment se déroulait une séance de torture : Jour et nuit,
  cagoule sur la tête, les malheureux étaient fouettés nus, battus à coups
  de tuyau de caoutchouc, leurs organes sexuels "traités" au 220
  volts pendant deux heures. Ensuite, une demi-heure de "repos" puis
  les sévices reprenaient à coups de pieds dans le ventre, entre autres (1). 
  
   LA,
  il était question d'employer les détenus aux travaux d'utilité publique
  ": construction de routes et même d'une base militaire secrète en plein
  Sahara, "déminage" à la frontière tunisienne. Les hommes devaient
  avancer droit devant eux, jusqu'au moment où ils sautaient sur une mine. On
  les achevait, si besoin était, d'une balle dans la nuque. 
  
   Et puis ce cas
  abordé le 4 Novembre 1963 devant le Sénat par le sénateur Dailly,
  en présence du prince de Broglie (qui restera de marbre) et repris de
  concert par la presse :
 " le 4 mars 1962, donc trois mois après les accords d'Evian, Guy
  Lanciano et Daniel Falcone sont enlevés à Alger, dans le quartier
  du Ruisseau. Ils subissent pendant quarante et un jours des tortures
  effroyables à la villa Lung : on leur coupe le nez, les oreilles,
  on crève les yeux de l'un, on matraque l'autre ; il a perdu l'usage de la
  parole. L'aveugle peut parler ; celui qui voit ne parle plus."
 
 Ils seront libérés par un
  commando de l'OAS et remis aux services médicaux de l'armée française à
  l'hôpital Maillot. Leur état physique est tellement dégradé qu'on les
  garde longtemps... trop longtemps dans cet hôpital... jusqu'au mois
  d'avril 1963, période à laquelle la Croix-Rouge avise les
  familles de leur transfert à l'hôpital de Nancy par avion sanitaire. JAMAIS
  ces familles ne les reverront! ...
 Le Sénateur Dailly
  interpelle de Broglie sur cette disparition. Réponse du Ministre :
 "L'affaire est sans doute compliquée : il subsiste quelques points
  obscurs. Je fais actuellement poursuivre sur le territoire national des
  recherches extrêmement poussées.
 Inutile de préciser que ces recherches - si elles ont vraiment eu lieu -
  n'ont jamais abouti...
 
 
 La presse se déchaînait et
  reprenait en guise d'exemple de barbarie un autre cas, l'odyssée de ce jeune
  militaire originaire du Lot-et-Garonne, André Aussignac, appelé en
  Algérie. Celui-ci, sortant de sa caserne d'El Biar le 21 juillet 1962,
  soit quatre mois APRES la signature des accords d'Evian, fut enlevé à
  huit cents mètres de celle-ci. Conduit dans une briqueterie, il fut enfermé
  dans un four éteint. Trois autres fours étaient remplis d'Européens. Le
  lendemain, tous partirent en camion bâché puis à pied. Ils étaient une
  soixantaine avec interdiction de parler. La destination après plusieurs jours
  de marche, fut la mine de Miliana. Au fond, une soixantaine de Français
  avec un verre d'eau et une poignée.de semoule pour tout repas... juste de
  quoi les maintenir en vie. Aussignac dut boire son urine comme les
  analyses médicales ultérieures le démontreront.
 C'est
  là qu'un jour un ministre algérien en visite lui donna un coup de
  pied au visage parce qu'il ne s'était pas levé assez vite. Il s'évada alors
  une première fois. Repris au bout d'un kilomètre, il s'évada à nouveau :
  on lui arracha les ongles des orteils et on lui brisa les jambes. Vingt
  sept ans après il en porte toujours les traces. Il s'évada alors une
  troisième fois avec deux autres camarades qui seront tués. Récupéré épuisé
  sur le bord d'une route par des Français demeurés en Algérie, il embarqua
  clandestinement sur un chalutier et rejoignit la France en Mars 1963.
 ---==oOo==---
 (1)
  Tortures infligées, entre autres, à André-Noël
  Chérid, détenu dans la Centrale de Lambèse-Tazoult, près de Batna, à
  600 km au sud d'Alger et rendu miraculeusement à la liberté le 24 décembre
  1986 dans un état physique déplorable. il rapportera le témoignage d'un
  détenu algérien en disgrâce qui lui avoua avoir, à lui tout seul,
  égorgé comme des moutons, vingt civils européens à Arris dans les Aurès,
  uniquement pour se "venger" et se "satisfaire".
  
  
   André
  - Noël Chérid réside
  actuellement à Béziers. Dans ce même pénitencier se trouvait officiellement
  en mai 1982 une centaine de Français.
  Cette information fut rapportée à cette époque par Spécial Dernières,
  Minute et Présent... sans qu'aucune "bonne
  conscience" ne s'en émut
  outre mesure.  ---==oOo==---
   Mais le
  chemin de croix de ce jeune soldat ne s'arrêta pas là. Pire, il se
  poursuivit en France car les autorités ne tenaient nullement à ce qu'il dévoilât
  les tourments endurés et la réalité de la situation.
  
  
  
  Mais laissons la parole au Sénateur Dailly
  qui, le 19 Novembre 1963, rapporta au Sénat la suite de l'odyssée d'André
  Aussignac.
 ---==oOo==---
  
    Il
  est recueilli dans un fossé, épuisé, par des Français d'Algérie qui le
  ramènent à Alger, qui l'embarquent sur un chantier. Il est attendu à
  Marseille. On le débarque et on l'achemine sur son domicile en mars 1963.
  Il se marie le 21 juin 1963. Le 22 juillet, il est arrêté
  par la gendarmerie, et est amené à la caserne de Bordeaux, au fort du Ha, et
  là, il subit des interrogatoires dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils
  sont mouvementés - chacun me comprend. Pourquoi
  est-il battu? Parce qu'on voudrait
  qu'il donne les noms des gens qui l'avaient recueilli à Alger, et les noms
  des gens - qui l'avaient accueilli à Marseille. 
  
   Il a fallu -
  car il était inculpé de désertion - le courage et le soin d'un commissaire
  du Gouvernement à qui j'ai moi-même parlé et qui a fait honneur aux quatre
  galons qu'il portait, pour obtenir son acquittement. Celui-ci intervient le 4
  septembre au tribunal permanent des forces armées de Bordeaux, et le
  jugement est définitif. ! 
  
   Mais n'allez
  pas croire que ses malheurs s'arrêtent là! On
  lui offre de l'argent et une situation, mais à condition qu'il ne parle pas.
  Pour venir à Paris, il a dû prendre mille ruses.Ne croyez pas non plus qu'il puisse vivre. On ne le démobilise pas. Lorsqu'il
  va à la caserne demander ses papiers, on ne les lui donne pas; mais,
  lorsqu'il cherche du travail, ceux qui le suivent vont dire à l'employeur
  qu'il n'a pas le droit de l'employer puisqu'il est encore militaire. J'ai là
  son avis de mutation daté du 1er octobre 1963 puisque jusque là il
  est encore administré par une compagnie d'Algérie - ordre du jour sur lequel
  il est marqué - et ceci n'est pas sans m'inquiéter : «
  Deuxième classe rengagé ». Comme
  si on avait décidé de le maintenir coûte que coûte sous contrôle
  militaire pendant le plus longtemps possible, au besoin en violant les lois,
  alors qu'il n'a jamais signé le moindre contrat de rengagement. J'ai par
  ailleurs là son bulletin d'hôpital et toutes ses pièces.
 
 Pourquoi ne veut-on pas qu'il parle ?
 De quel secret d'État peut-il s'agir?
 
 On ne veut pas qu'il raconte qu'il a souffert, ni qu'il raconte qu'il a vu des
  Français vivants dans les geôles algériennes et à la mine de Miliana. Et
  ceci alors qu'ici plus de 1500 familles attendent des nouvelles de ceux
  qui ont disparu dans des conditions analogues.
 Mais quels sont
  donc ceux qui ont disparu? J'ai là
  leurs fiches - et j'en tiens 600
  environ à votre disposition - toutes concernant des enlèvements postérieurs
  aux accords d'Évian.Voilà un instituteur, sa femme, son fils d'un an -, voilà une famille de
  quatre personnes ; une famille de cinq personnes, les quatre enfants ayant
  dix-sept ans, quatorze ans, sept ans et neuf ans, ceux-ci sont enlevés alors
  qu'ils circulaient le 21 septembre 1962, six mois après les accords d'Évian,
  après 10 heures du matin dans une 403 de couleur noire ; passons! Ou en
  voulez-vous d'autres? Voilà une famille de sept personnes, des enfants de six
  ans, quatre ans, deux ans enlevés le 5 juin, donc pas du tout lors de
  l'émeute d'Oran du 5 juillet -, d'ailleurs ce n'est pas à Oran.
 J'ai là
  des fiches, j'en ai autant que l'on en veut concernant des familles nombreuses
  ou des célibataires.
 Je n'ennuierai pas le Sénat en poursuivant plus longtemps, mais, si je suis
  aujourd'hui monté à cette tribune, ce n'est pas, Mesdames, Messieurs, je
  l'affirme, et contrairement à ce que certains pourraient croire, pour requérir,
  non! Je suis monté à cette tribune pour implorer - j'espère l'avoir fait
  sans passion, Monsieur le secrétaire d'État -
  pour implorer le Gouvernement de prendre enfin conscience pleinement, oui de
  prendre pleinement conscience de son devoir, et de faire enfin et d'urgence ce
  qui doit l'être, tout ce qui doit l'être, pour que cesse le doute, pour
  sauver les derniers vivants, et pour que des sépultures décentes soient données
  à nos morts; les familles y ont droit. C'est le devoir du gouvernement.
 Et à qui fera-t-on
  croire que vous n'avez pas le moyen de le remplir ? A qui fera-t-on croire que
  le gouvernement ne dispose plus dans ce pays du service de renseignements le
  mieux placé ? En Algérie qui a été notre terre pendant 130 ans! A qui fera-t-on
  croire que l'armée ne peut pas apporter une aide déterminante? A qui fera-t-on
  croire que le gouvernement fait son devoir lorsqu'il accepte de négocier
  directement avec M. Ahmed Francis, comme vous le rappeliez tout à
  l'heure, et avec M. Boumaza, lorsqu'il s'agit d'intérêts économiques,
  mais - ce sont vos lettres et surtout vos déclarations à la tribune qui
  l'expliquent - qu'il s'en remet. à la
  Croix-Rouge Internationale lorsqu'il s'agit de nos disparus ? 
  
   Vous avez dit
  tout à l'heure : « Là nous avons mené l'affaire ». 
  
   C'est une
  expression que j'ai notée dans votre intervention. Mais pourquoi ne
  menez-vous pas cette affaire-là aussi avec les moyens dont vous disposez ?
  Croyezvous que c'est ce que le pays voulait lorsque, à votre instigation et
  à votre demande, il a ratifié les accords d'Evian dont je ne rappelle pas l'article
  11 sur la restitution des prisonniers, pas plus bien sûr que les
  dispositions communes sur les droits et libertés des personnes et leurs
  garanties. J'affirme à la tribune du Sénat que, quelles que soient
  nos opinions, pas un seul d'entre nous n'a voulu cela. Bien sûr, nous n'avons
  pas pris tous la même position sur le problème; c'est secondaire, c'est le
  passé et on ne revient pas sur le passé. Quel est donc, oui . , quel est
  donc celui qui ose, dans ces conditions, parler de dignité? Quel est
  donc, oui quel est donc celui qui ose, dans ces conditions, parler de
  grandeur? Je pense, pour ma part, qu'on
  ne saurait parler de grandeur et qu'on ne peut pas envisager la moindre coopération,
  tant que les règles essentielles de la morale commune aux nations ne sont pas
  respectées. 
  
   Ce que je suis
  venu dire ce matin à cette tribune, c'est ma conviction qu'il existe encore
  des vivants sur la terre d'Algérie et, si j'avais pu faire partager au Sénat
  cette conviction, si j'avais pu lui transmettre un peu de l'émotion qui m'étreint,
  s'il avait bien voulu comprendre que je ne cherche aucun succès de tribune
  sur un sujet trop douloureux et trop facile - j'en donne ici ma parole - alors
  peut-être, Monsieur le secrétaire d'État, comprendriez-vous que
  votre devoir est d'exiger ce respect de la morale commune aux nations? 
  
   Vous en avez
  les moyens. Ne nous dites pas le contraire. Et. lorsque vous l'aurez exigé,
  lorsque, enfin, vous aurez pu faire la lumière, lorsqu'il n'y aura plus dans
  vos statistiques de rubrique de présomptions de décès, du moins en aussi
  grand nombre, alors, oui, mais alors seulement vous pourrez peut-être venir
  ici nous demander les moyens de votre coopération franco-algérienne.Mais aujourd'hui le pays ne comprendrait pas que nous vous les donnions et, à
  mes yeux, nous n'avons pas le droit de vous les donner.
  
  
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   Ce texte est issu
  du livre "AFIN QUE NUL N'OUBLIE" Publications José
  CASTANOBP 25 bis-34471 PEROLS Cedex.
 Ce livre qui était un vibrant hommage à notre tragédie, à nos Disparus et
  à nos morts date du 1er trimestre 1990.
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   COMMENTAIRE
  de Sivéra
  
   Et ils osent encore
  nous causer des tortures de l'Armée Française après de tels témoignages ?
  Nous ne voulons plus vous entendre Messieurs et Mesdames les porteurs de
  valises ! Ni vous politiciens corrompus dont certains firent parti activement
  de cette catégorie et qui ont sur les mains et la conscience le sang des
  Harkis et des Pieds-Noirs livrés à leur bourreaux par des accords iniques
  JAMAIS APPLIQUES ! Votre amnésie générale n'a d'égal que votre cynisme et
  votre pourriture morale !
  
    POURRIS
  VOUS ÊTIEZ, POURRIS VOUS ÊTES et POURRIS VOUS RESTEREZ !
 
  
   
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