Conférence
Général SCHMITT
Recueilli par
Luc
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Lyon, le 19 Septembre 2002.
Ce soir là, lorsque le Général Schmitt
prend la parole, devant le rideau rouge de la salle Rameau à Lyon, ce n'est
pas pour jouer dans une oeuvre d'imagination, mais bien pour nous replonger
brutalement dans la sinistre année 57 à Alger. Il est là pour nous
faire part de ses considérations sur le terrorisme et sur les faits de
torture qui lui ont été reprochés.
La salle est comble, mais
curieusement, je ne vois aucun des traditionnels petits coupons souvent
épinglés sur les dossiers du premier rang et sur lesquels on peut lire
"Réservé PRESSE". Au hasard des conversations, on comprend
que tous ceux qui sont présents, ont eu, de prés ou de loin, en tant que
civil ou militaire, leur vie liée au destin tragique de l'Algérie Française
et que beaucoup ont encore en mémoire bon nombre d'évènements dramatiques,
vécus pendant ces années de guerre.
Maurice Schmitt
est Général d'Armée, ancien chef d'État-Major des Armées. Il a participé
à la fameuse émission de Patrick Rotmann... L'homme parle d'une voix
grave, posée, énonçant des faits précis, des lieux, des dates.
Il reprend les propos de Louisette
Ighilahriz qui prétend que l'indépendance a coûté un million de morts
à l'Algérie. Les chiffres sont ramenés à 400.000, dont 200.000 du fait de
la guerre contre l'armée Française et 200.000 du fait du FLN lui même... Il
rappelle en effet, combien cette guerre fut surtout une guerre civile. Au
début de l'insurrection, le FLN devait asseoir son autorité et collecter des
fonds. Il souligne que pour ce faire, pas moins de 6000
musulmans furent tués sur le sol de France.
Reproche-t-on au Général Bigeard
d'avoir lui même pratiqué la torture, à Alger, à une date précise. Il
explique que le fait est impossible car dans le même temps, il était à
Colomb Béchar... On prétend que tel détachement militaire aurait torturé
plusieurs milliers de personnes... Il rappelle que l'effectif du détachement
en question aurait imposé un "travail en série", jour et
nuit, sans pouvoir y parvenir pour autant.
Nombreuses sont les accusations
réfutées, "démontées" par
cet homme qui possède un vécu, une mémoire extrêmement détaillée de ces
évènements. Il extrait alors de sa serviette un document jauni par le temps.
Depuis la salle, on distingue un organigramme : L'organisation terroriste
implantée à Alger et démantelée en 57. Schmitt cite des noms
tristement célèbres : Yacef Saadi,
Larbi Ben M'hidi...
Il désigne par "opération
torture", la campagne menée depuis deux ans par des éléments d'extrême
gauche soutenus par de nombreux médias, campagne visant à salir la
France et son armée en vue d'une espèce de "repentance"
unilatérale. On cherche surtout à prouver que tous les militaires ne furent
qu'une horde de tortionnaires abominables.
Et puis, le public s'exprime, les
questions, les témoignages fusent. On demande un micro ici et là. Les voix
sont tremblantes d'émotion lorsqu'un survivant de la rue d'Isly s'exprime
ou lorsqu'on rappelle ce que fut le 5 juillet 62 à Oran. On s'indigne
aussi en racontant ce que le pouvoir en place en Algérie, diffuse aujourd'hui
à l'attention des jeunes générations : Film "fabriqué"
montrant par exemple, comment l'aviation du FLN
abattait des avions Français dans le ciel d'Algérie...!!!
C'est alors que deux personnes
assises à mes cotés, s'agitent tout à coup, l'une essayant vainement de
calmer l'autre sans y parvenir. L'un d'eux demande un micro, se lève et
s'exprime vivement dans un Français difficilement compréhensible, car
mélangé à l'Arabe.
- Nous aussi, nous avons souffert,
et encore plus que vous...!
Il désigne à tous la décoration
cousue au revers de sa veste. Je vois sa main, son bras trembler d'émotion.
- En 62, nos enfants, à l'école,
il y avait une classe, une seule classe, du plus petit au plus grand, c'était
ça l'école pour nous...
- Les jeunes... la drogue... la
délinquance, détraqués, oui nous sommes maintenant des détraqués par tout
cela...
Les paroles deviennent difficiles
à comprendre tant l'homme est bouleversé.
- La reconnaissance par la France,
il faut nous le dire, dites le...
et puis, directement, presque
agressif, s'adressant au Général :
-Dis le, dis le...!
En quelques mots, le Général
rend un hommage appuyé...
Pied-Noir, mais aussi Français,
je ressens tout à coup sur mes épaules, le poids de cette indignité que
nous avons commise à l'égard des combattants Harkis, eux qui avaient
choisi la France dans l'honneur. J'ai si honte de ce manquement irréparable,
inscrit à jamais dans notre histoire. Leur colère est noble, c'est une juste
colère. La réunion se termine.
J'essaie de rattraper cet homme
pour lui dire quelque chose, lui serrer la main, mais il s'est fondu dans la
foule bruyante agglutinée vers la sortie...
Luc.
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