A cette époque, cher monsieur, j'avais 12 ans. Pouvez-vous imaginer le
spectacle? Tout au long de cette guerre j'ai été confronté à de multiples
scènes de massacres, de violence.
En 1960, à Mostaganem, une bombe était jetée au cirque Monte-carlo; je
fus témoin du massacre avec un copain Andréo qui ramassa sa fiancée
âgée de 16 ans, elle avait les deux jambes déchiquetées.
L'attentat fit plusieurs morts et plusieurs dizaines de blessés.
En juillet 1962, un oncle frère à mon père fut enlevé à Oran. Comme
des centaines d'autres victimes, il fut saigné puis pendu à un crochet de
boucherie au Village Nègre. Pour votre information, le Général KATZ
qui commandait les gardes mobiles ne fit strictement rien pour éviter ce
massacre et sauver les Européens.
Voici seulement trois exemples des massacres effectués par les "amis
algériens" de Yves BONNET. Un livre ne suffirait pas à inscrire
toutes les exactions des terroristes du F.L.N. Et puis, un certain général
(sic...) est arrivé un jour au pouvoir. Il devint Chef de l'Etat Français.
Enfin nous allions avoir quelqu'un qui nous comprendrait. En effet il nous a
compris, il nous a même fait des promesses formelles et solennelles; et nous
Pieds-Noirs et Musulmans, nous y avons cru. Nous avons très vite déchanté
devant sa trahison et sa félonie.
Tout ceci, monsieur CALVI, a conduit des milliers d'individus, dont j'ai
fait partie, à rejoindre les rangs des défenseurs de l'Algérie Française.
Venons-en à votre émission et, si vous le permettez, je souhaiterai vous
apporter mon témoignage et mon point de vue sur vos commentaires et ceux de
vos invités, en notant toutefois que toutes les parties n'ont point été
conviées. Or si votre souci est de tenter de rétablir la vérité, il aurait
été judicieux de convier TOUTES les parties, c'est à dire les
membres du M.N.A. (on n'en parle jamais et pourtant ils ont représenté une
très grande partie de la population musulmane), des "petits" Pieds-Noirs,
ceux qui représentaient la grande majorité de la population Européenne
d'Algérie; Mr. X...(Censuré) à qui vous avez consacré un reportage
ne représente pas, malheureusement, cette majorité bien que ce soit
également un Pied-Noir et que je respecte certains de ses écrits, et enfin,
car ils ont le droit à la parole des membres de l'O.A.S.. On a permis à des
terroristes, poseuses de bombes de s'exprimer. Pourquoi pas les défenseurs du
drapeau tricolore. Je conçois aisément qu'un tel débat serait animé,
mais sommes toutes, c'est bien ce que vous recherchez. Le SCOOP, l'AUDIMAT.
Vous seriez, soyez en sûr, servi sur ce plan. A tout seigneur tout honneur.
Donc je commencerai par vous donner mon sentiment et réflexions sur
vous-même et la façon dont vous avez mené les débats qui, rappelons-le,
devaient être uniquement consacrés aux Harkis et Pieds-Noirs. Il en
ressort en tout premier lieu, c'est tout au moins mon impression, que vous
sembliez agacé par les témoignages de monsieur Boussad AZNI et par
ceux de madame Josseline REVEL-MOURROZ; en revanche vous sembliez -
toujours de mon point de vue - avoir plus de mansuétude à l'égard de vos
deux autres invités : notre pseudo-historien, grand spécialiste (selon votre
propos) de la question algérienne Benjamin STORA et l'ex-préfet Yves
BONNET qui a évoqué plusieurs inepties dont je vous ferai part plus tard.
Vous faites un parallèle entre la guerre 1939/45 et la guerre d'Algérie.
Comment, vous journaliste démérite, ne fassiez pas la différence entre
une guerre entre plusieurs nations et une révolution interne sur un
territoire Français (je devrai dire département Français). L'armée
allemande a certes outrepassé les lois de la guerre et, de mon point de vue,
même si aujourd'hui il existe une réconciliation entre nos deux nations,
l'on ne peut oublier les camps de concentration et l'on ne peut pardonner aux
responsables. A cet égard 60 ANS APRES, le peuple Juif continue à entretenir
cette mémoire; personne ne le leur reproche.
Le F.L.N., quant à lui, a commis des atrocités telles que même
l'imagination humaine ne peut décrire sans vomir
J'ose
croire que vous ne contesterez pas ces faits.
Vous voudriez que l'on oublie tout celà et que l'on passe sous silence
toutes ces horreurs sans nom?
POURQUOI DONC NOUS REPROCHEZ DE VOULOIR CRIER AU MONDE ENTIER EN GENERAL ET
AU PEUPLE FRANCAIS EN PARTICULIER CE QUE NOUS AVONS VECU?
POURQUOI DONC NOUS REPROCHEZ MEME APRES 40 ANS DE VOULOIR OBTENIR
REPARATION?
Vous êtes parfaitement au courant que depuis 40 ans tous les gouvernements
qui se sont succédés ont occulté ce qu'ils ont appelé le problème
Pied-Noir et/ou Harki. Alors, cher monsieur CALVI, ne faites surtout
pas d'amalgame entre la guerre d'Algérie et la seconde guerre mondiale. Et,
si vous souhaitez vraiment faire votre travail de journaliste, ayez le courage
de faire éclater au grand jour la vérité, je dis bien LA VÉRITÉ.
De façon tout à fait indécente, vous apostrophiez monsieur Boussad
AZNI sur le fait que vos invités de la semaine dernière, en l'occurrence
des tueurs de Français dans leur grande majorité, aient traité les Harkis
de collaborateurs. Vous sembliez même jouir en parlant de collabos.
Je ne reviendrai pas sur les explications de madame Josseline REVEL-MOURROZ
qui vous a appris ce qu'était le terme collaborateur; je rajouterai en
substance que les véritables collaborateurs furent tous les porteurs de
valise (madame REVEL l'a évoqué), tous les éminents intellectuels ou
défenseurs des terroristes tels que Malraux, Sartre, Simone de Beauvoir,
JJ Servan-Schreiber, Françoise Giroud, sans oublier l'avocat VERGES
qui épouse une poseuse de bombes, maitre Badinter, Dumas, Gisèle Halimi
et quelques-uns de vos éminents confrères. Je fais amende honorable auprès
des personnes que j'aurai oublié de citer.
C'est quoi le problème. Vous avez cité cette phrase à plusieurs
reprises et n'avez même pas eu la décence d'écouter les explications de
madame Josseline REVEL-MOURROZ à qui vous avez sans cesse couper la
parole en réitérant: "C'est quoi le problème?" Et bien,
cher monsieur, le problème C'EST VOUS et tous vos confrères qui
depuis 40 ans n'osent pas dire ce qui s'est réellement passé en Algérie
pendant ces huit années de cauchemar.
Vous avez raison lorsque vous dites l'histoire est faite de
renouvellement et il y a des victimes. Dans le cas présent on a
totalement et délibérément occulté le droit de parole aux victimes du
F.L.N.
On a besoin de faits établis. Tel est également l'un de vos propos.
Soit; si tel est le cas pourquoi alors ne pas avoir convié tous les
représentants des protagonistes de cette guerre (FLN, MNA, appelés et
rappelés du Contingent, Unités opérationnelles, politiques, peuple
Pied-Noir, Musulman, Harkis, O.A.S.) Certes celà fait beaucoup de monde mais
c'est le prix à payer. Or, force est de constater que la quasi-totalité des
émissions consacrées à la guerre d'Algérie porte sur les actes des Pieds-Noirs
et de l'Armée Française; en un mot les victimes sont les terroristes d'hier
qui tuaient des Français, les tortionnaires l'Armée Française!!!
Et vous voudriez que nous, les principales victimes, acceptions toutes ces
contre-vérités sans rien dire? Et bien NON, nous nous battrons, tout
comme s'est battu le Peuple Juif, pour le rétablissement de la vérité, pour
la mémoire, pour que tous nos morts ne soient pas morts pour rien et reposent
en paix, pour que nos enfants, nos petits-enfants continuent à perpétrer NOTRE
mémoire, pour que le peuple français prenne - enfin - conscience du mal
qu'il nous a fait (même inconsciemment). Aurait-il oublié que nous les
Africains avons donné notre sang pour celle que nous considérions et
continuons à considérer comme notre Mère-Patrie. Notre ministre de
l'éducation nationale veut à nouveau enseigner la Marseillaise dans nos
écoles; c'est très bien. Les paroles du chant C'est nous les Africains
seraient également bienvenues. Elles veulent tout dire. Vous évoquez
également et posez la question de savoir si les conditions sont requises pour
un rapprochement entre la France et l'Algérie. Ma réponse, opposée bien
entendu, à celle du sieur BONNET, est NON
- tant que le président Boutlefika et tous ses acolytes n'auront
pas reconnu officiellement les génocides qu'ils ont commis,
- tant que monsieur Boutlefika continuera directement et
indirectement à créer et entretenir un climat de culpabilité de la France
envers l'Algérie (voir ce qui se passe dans les banlieues...),
- tant que monsieur Boutlefika ne reconnaîtra pas que le F.L.N. a
commis des exactions contraires à toute loi humaine.
Voici en quelques lignes, monsieur CALVI, ce que m'ont inspiré vos
propos, n'y voyez là aucune haine ni animosité, mais tout simplement une
grande, une profonde amertume. ----- Benjamin STORA, quant à lui,
voudrait que l'on fasse le deuil de cette histoire; celà l'arrangerait bien
pour écrire lui-même son histoire, mais sur ce point il fait fausse
route; nous ne ferons pas le deuil de ce qu'il appelle cette histoire. Il
souhaiterait également que l'on évite le cloisonnement de la mémoire.
Autant que je sache et sauf erreur de ma part, c'est bien grâce aux
cloisonnements des mémoires que l'histoire s'est écrite, à moins que dans
son propos il ne veuille que l'on efface ce que nous avons subi.
L'on a bien ressenti également que cet "historien" n'appréciait
pas les interventions de monsieur Boussad AZNI et que, pendant un
moment, il fut quelque peu agressif à son égard; sans doute n'a t'il pas
apprécié les quelques vérités dites par ce dernier.
Par contre, pour ce qui est de l'histoire des Européens d'Algérie, voilà
un sujet qui devrait être passionnant et qui permettrait d'ouvrir une
fenêtre sur ce qu'était l'Algérie de 1830, de ce qu'elle fut en 1962 et...
ce qu'elle est aujourd'hui.
Faut-il également effacer de notre mémoire ce qu'ont réalisé nos aïeux?
Ils ont fait ce pays de leurs mains, qu'en reste-il aujourd'hui? Prenez
donc des photos de nos villes, de nos villages, de nos campagnes jusqu'en
1962: comparez-les avec les villes, les villages, les campagnes d'aujourd'hui.
Celà se passe de commentaire.
Il y a effectivement une problématique sur la responsabilité de l'Etat; Benjamin
STORA le reconnaît. Par conséquent, puisqu'il est historien, il ne
manquera pas d'évoquer notre Charles de Gaulle national et la félonie
dont il a fait preuve. Paix à son âme mais que toute la vérité soit
faite sur ses agissements tout au long de sa carrière politique, sans omettre
bien entendu le fameux "appel". ------
Yves BONNET. Voici un personnage intéressant. On se demande pourquoi
il fut invité à cette émission. Sa place aurait été plus justifiée à
l'émission précédente consacrée à ses "amis". Ce sont ses
propres propos. En fait, il n'a dit qu'une vérité; sans doute parce qu'il ne
pouvait pas faire autrement : "les Harkis : c'est le grand déshonneur
de la France". En revanche il semblait trouver normal ou légitime
que les Harkis et les Pieds-Noirs subissent "la vindicte du peuple à sa
libération (sic...), en un mot que les Harkis et les Pieds-Noirs (à Oran
particulièrement) soient massacrés et ce malgré les accords d'Evian
(articles 2 et 11).
Je crois inutile de rappeler que pour ces deux massacres l'Armée
Française est restée passive. Yves BONNET, grand militaire semble-t'il,
officier de surcroît, évoque le fait que "la grande majorité des
appelés du contingent ressentait une difficulté de vivre avec les Pieds-Noirs".
-Au fait dans quelle arme a t’il servi?
-Quelles sont ses campagnes?
-Ses décorations?
Je rappellerai à cet"ami des algériens" qu'il a la mémoire
courte à moins qu'elle ne soit sélective, ce qui est fort probable. En effet,
n'est-il pas au fait qu'une campagne avait été faite auprès de TOUTE la
population Européenne afin que les familles accueillent des militaires du
contingent? Celà fut suivi à la lettre par une très grande majorité
d'Européens et je rappelle également à ceux qui l'auraient oublié et plus
particulièrement à Yves BONNET que de nombreux militaires du
contingent se sont mariés et faits démobilisés en Algérie.
Ma famille, elle-même, reçut à toutes ses permissions un jeune appelé
basé à Mostaganem et prénommé Lucien BOUCHER. Un oncle qui
travaillait dans une ferme près d'Oran, à Assi-Bou-Nif, recevait en
permanence les appelés et rappelés basés dans le village; Lucien BOURRIN,
BATTIER Claude, MERLE Jean, Georges .....?... et tant d'autres ne peuvent
oublier l'accueil de ma famille.
Vous pouvez constater, monsieur CALVI, que certains racontent
n'importe
quoi et ce, sans aucune preuve de ce qu'ils avancent; moi bien modestement et
sans avoir fait de recherches préalables, vous apporte des faits authentiques
qu'il vous serait facile de vérifier.
"Le peuple a souffert pour sa libération". Décidément Yves
BONNET n'a vraiment rien connu de la guerre d'Algérie pour affirmer un
tel propos.
Le peuple algérien a souffert en effet, mais pas pour sa libération, mais
pour les atrocités et chantage que lui faisait subir le F.L.N. A l'inverse de
ce qu'avance Yves BONNET et auquel j'apporte un démenti - également
formulé par monsieur Boussad AZNI dont on ne pourrait mettre en doute
sa parole - j'indique le contraire par quelques faits VECUS. -
- en 1962, des membres du M.N.A. rejoignent les rangs de l'O.A.S. Pourquoi?
en 1962, des commandos O.A.S. opérant dans le maquis se font héberger par un
douar, les habitants de ce douar les tiennent informés des passages du F.L.N..
Pourquoi?
-le 30 juin 1967 (donc après l'indépendance), la Légion quitte le
Sahara.
-Des centaines de musulmans manifestent drapeau tricolore en tête de
cortège. Pourquoi?
-fin 1967 au départ de Mers-El-Kébir, nous retrouvons des dizaines
d'algériens cachés dans des containers en partance pour la France. Pourquoi?
-
- Enfin depuis l'indépendance, combien a-t'on recenser d'Algériens
désireux de quitter leur pays?
-Autant de questions restées, encore aujourd'hui, sans réponse. Pourquoi?
Sur l'évocation de ce que l'on appelle le"problème des Harkis"
et malgrè le reportage qui en disait long sur les camps de ces derniers, Yves
BONNET prétend que "c'est la communauté Harki qui s'est repliée
sur elle-même".
Dans l'hypothèse où cette communauté se soit repliée sur elle-même,
c'est sans doute parce qu'elle était rejetée de TOUT LE MONDE.
Le reportage que vous avez diffusé et que Yves BONNET ne semble pas
avoir vu, montrait clairement la façon dont les Harkis étaient parquées
dans des camps de "concentration" d'où ils ne pouvaient
évoluer à leur guise.
Par conséquent comment pouvaient-ils s'intégrer?
C'est à cette interrogation que devrait répondre Yves BONNET.
"L'Algérie a besoin de l'aide de la France, mais à condition
que..." Si tel est le cas, l'Algérie devrait commencer par faire acte de
rédemption sur les huit années de rébellion et sur les conséquences de sa
politique actuelle tant au niveau politique qu'économique.
Par ailleurs en quoi sommes-nous redevables et pourquoi oublier les "querelles".
Parce que pour le sieur BONNET les atrocités commises par le F.L.N.
devraient être considérés comme des "querelles". Je crois rêver
en écoutant de telles inepties proférées par un homme de son rang.
Quelle est la famille qui n'a pas été touchée par cette guerre?
Nos plaies sont encore vives et, si un jour elles se referment, les
cicatrices - elles - demeureront à jamais.
Enfin et toujours selon Yves BONNET, c'est l'O.A.S. qui est la cause
de l'exode et il faudrait en faire son procès. Soit, faisons le procès de
l'O.A.S. qui, rappelons-le à nouveau, s'est battu pour le maintien du drapeau
tricolore - donc Français. Mais faisons également le procès de tous les
terroristes qui ont PENDANT HUIT ANS égorgé, massacré, posé des bombes,
tué des innocents.
Après celà, l'histoire jugera.
Quand à la responsabilité de l'O.A.S. sur l'exode (affirmation de Yves
BONNET); il n'y avait strictement rien à espérer du peuple algérien
qui, pour tenter de se justifier auprès du F.L.N., aurait de toutes façons
tuer des "roumis" et des "traîtres" (tous
les spécialistes pourront vous le dire).
Par contre l'O.A.S., par sa présence, a évité dès mars 1962 les
massacres qui auraient pu avoir lieu. Sa seule présence dans les villes et
les villages a dissuadé des manifestations anti-françaises. Si Yves
BONNET connaissait l'Algérie comme il le prétend, il serait parfaitement
au fait de cette situation.
La France n'a en aucun cas à se justifier ni à se culpabiliser auprès
des Algériens; la France n'a en aucun cas à rougir de son Armée qui a
donné le meilleur d'elle-même.
En revanche, la France devrait rougir de la façon dont elle traite
son Armée; - du génocide des Harkis; - de l'accueil réservé tant aux Pieds-Noirs
qu'aux Harkis en 1962. (nous aurions rêvé avoir l'accueil que la France
réserve aujourd'hui aux milliers d'étrangers venus de tous horizons).
Et vous, médias, vous devriez au moins avoir la décence de
respecter les milliers de morts pour la France et l'Algérie Française. ----
J'ai peu d'espoir d'une réponse de votre part, mais à vrai dire je n'en
attends pas et pour être franc (ce fut l'un de vos termes au cours de
l'émission) je m'en moque.
Je souhaite simplement que vous fassiez un examen de conscience, pour tant
soit que vous puissiez le faire, afin de regarder la vérité en face même
si elle gêne et que vous ne fassiez pas, comme la grande majorité de vos
confrères, une recherche de scoop et d'audimat.
Je vous remercie de la patience dont vous aurez fait preuve à la lecture de
ce que l'on pourrait qualifier d'"Etats d'Ame", et vous prie
d'agréer, cher monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.