LE
TERRORISME FLN EN FRANCE
Recueilli
par Sivéra
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Tueurs et
porteurs de valises
(Source : Enquête
sur l’Histoire N°15-
Trimestriel Hiver 96-pages 52 ;53 ;54-)
Par G. C.
Le terrorisme algérien n'est pas un phénomène nouveau. Durant, les
années noires de la guerre d'Algérie, les attentats se sont multipliés sur
le sol de la métropole. Une histoire pas si lointaine qui permet de mieux
comprendre, les réalités d'aujourd'hui.
Tout a commencé, non en 1954, mais au matin du 25 août 1958 où les
Français découvrent avec stupeur que la guerre d'Algérie a franchi la
Méditerranée. Dans la nuit, une série d'attentats ont été commis
simultanément dans plusieurs régions : postes de police attaqués, policiers
et militaires tués, voies ferrées sabotées, dépôts d'essence et
raffineries incendiées.
En Algérie même, l'ALN est alors en pleine déroute, saignée à blanc
par les paras, la Légion et les commandos de chasse. Aussi cette diversion,
amplifiée par la presse et les radios du Moyen-Orient, est-elle reçue, au
Caire, par la direction extérieure du FLN « comme un véritable ballon
d'oxygène ».
Il a fallu près de quatre ans aux dirigeants du FLN pour mettre en place,
parmi les quelques 300.000 immigrés
algériens que compte la France de l'époque, une organisation politico-militaire
capable de les contrôler. Cela ne s'est pas fait sans mal. Plusieurs fois la
police en a démantelé la direction. Sur son propre terrain, le FLN s'est
d'abord attaché à éliminer l'organisation concurrente, le MNA de Messali
Hadj, et à s'imposer à toute l'immigration. Cela se fait à coups de
couteau et à coups de pistolet. Ces « règlements de compte entre
Nord-Africains » , pour utiliser l'expression consacrée par la
presse, vont faire environ plus de 4
000 morts et 8 000 blessés parmi
les musulmans immigrés. Chiffre énorme qui montre l'importance de l'enjeu.
Cette lutte interne se poursuivra jusqu'à l'indépendance. Cependant, dès
1958, le FLN est maître du jeu, ses adversaires ne menant plus qu'un combat
d'arrière-garde.
Deux ouvrages nous renseignent avec précision sur le sujet. Tout d'abord
celui d'un acteur du côté algérien, Ali Haroun, La 7ème Willaya (Le
Seuil, 1986).
Ancien dirigeant de la fédération de France du FLN, Me
Ali Haroun reste un partisan qui n'a rien oublié des haines anciennes,
et continue de régler en 1986 les comptes de 1962.
Son livre, épais, indigeste et assez confus, comporte bien des omissions et
des zones d'ombre. Pourtant il explique assez bien ce que fut le
développement de l'organisation terroriste, grâce, notamment à de
nombreuses complicités, en France même et dans les pays limitrophes. Il
faut le compléter par la lecture de La Guerre d'Algérie en France (Presses
de la Cité, 1994), écrit par Raymond Muelle , ancien officier des
services spéciaux, ayant participé à la guerre secrète contre le FLN et
dont la documentation est de première main.
Le « nidham », organisation politique du FLN, quadrille toute les
agglomérations à forte densité algérienne. De gré ou de force chacun doit
se soumettre à cette administration parallèle. La fonction principale de
l'organisation clandestine est double : servir de vivier au terrorisme et
collecter les fonds destinés à financer la guerre du FLN. Haroun
conteste le mot mais pas la réalité de ce racket exercé par la violence sur
la population algérienne immigrée. Il cite ces chiffres astronomiques et
assure que les « cotisations » mensuelles ont représenté 80
% des ressources totales de la
rébellion.
Un réseau de banquiers complaisants
Sortir l'argent de France pour le mettre à la disposition de la direction
extérieure du FLN au Caire, à Tunis ou au Maroc, via la
Suisse, est la tâche dévolue à des Français enrôlés dans des
réseaux de soutien. Recrutés le plus souvent parmi les progressistes
intellectuels et les chrétiens de gauche, ces « porteurs de valises
» sont poussés par un mélange de culpabilité, d'espoir, de rédemption, de
romantisme révolutionnaire et de haine de leur propre communauté,
quand ce n'est pas par simple passion amoureuse.
Haroun, qui semble assez réservé pour la personne et le rôle de Francis
Jeanson , le plus connu des « porteurs
de valises » , nous apprend au passage que l'aide la plus efficace
fut apportée par le réseau d'Henri Curiel, habituellement considéré
comme un sous-marin des services soviétiques (1)
. Sans en dire plus, l'auteur fait
allusion à un « réseau de banquiers [qui] prenait livraison des fonds à
Paris et les virait à Genève moyennant une commission tout à fait
raisonnable.
Durant l'année 1960 , ce réseau aura transféré un montant de «
3 189 619 699 francs français [anciens]. » Une somme qu'il faudrait
multiplier par dix pour l'actualiser.
Les réseaux de soutien ne se limitent pas au passage des frontières avec
ou sans valises. Jacques
Charby organise un réseau
d'hébergement des dirigeants et des tueurs du FLN recherchés par la police. «
Il s'adresse à ses amis, gens du spectacle, du cinéma et de la télévision
» . Haroun cite de nombreux noms plus ou moins connus qui
figuraient déjà dans la complaisante hagiographie de Hervé
Hamon et Patrick Rotman (Les
porteurs de valises, Albin Michel).
Il apporte des précisions qui surprendront les Français d'aujourd'hui : «
Des réunions de chefs de willaya se tiendront dans les bureaux de la maison
de production cinématographique dirigée par Serge Reggiani et Roger
Rigault . D'autres réunions du même ordre se dérouleront à Villiers-le-Bel,
dans la résidence de la comédienne Hélène Duc et de son
époux René Catroux , le fils du général. Combien de gens de
théâtre, ajoute Haroun, tels Georges Berger , Jean-Marie
Beoglin , Jacques Mignot , Marina Vlady ont apporté dans
ce domaine une aide multiforme. N'est-ce pas la puissante Jaguar de Françoise
Sagan qui permit plusieurs liaisons rapides et sûres ? » ( Françoise
Sagan. Le monde du spectacle et le Tout-Paris littéraire furent mis à
contribution pour porter les valises du FLN. )
L'hébergement n'a pas été le monopole des gens du spectacle. Le
terrorisme du FLN a trouvé chez certains ecclésiastiques, dont plusieurs
seront identifiés par la police à Lyon (séminaire
du Prado) ou à Paris (Missions
de France) , au sein des syndicats
chrétiens et dans les groupuscules d'extrême gauche, un accueil auquel Haroun
rend un hommage qui laisse songeur. Quelques médecins français constituent
un réseau pour soigner les terroristes blessés au cours
d'affrontements avec la police,
Le FLN éprouve plus de difficultés avec certains de ses avocats. Ainsi Me
Stibbe , l'un des premiers
défenseurs des militants algériens, se rebelle contre les consignes de
l'organisation. Il veut bien être un avocat du FLN mais pas un exécutant
aveugle. D'autres, en revanche, que cite Haroun, se plieront aux
exigences les plus opposées à la déontologie de leur profession, au point
que plusieurs, convaincus de complicité, seront inculpés d'atteinte à la
sûreté de l'État. Ils trouveront alors pour les défendre, dans un article
qui fit quelque bruit, un de leurs jeunes confrères encore peu connu, Robert
Badinter.
Naiveté et passion partisane
Hors des frontières françaises, dans les pays voisins, en Belgique,
en Grande Bretagne, en Allemagne, en Suisse, le FLN
trouve des appuis inattendus, parfois haut placés.
Haroun est fort discret sur l'aide apportée par les pays « frères »
, Maroc et Tunisie notamment,
tout en reconnaissant que leurs antennes diplomatiques à l'étranger furent
toujours à la disposition du FLN. Il reste muet sur le soutien des pays de
l'Est, affirmant que jamais les terroristes algériens n'y reçurent de
formation. Celle-ci était semble-t-il dispensée au Maroc, dans le
camp militaire de Larache.
Très tôt, la brûlante question de l'armement s'imposa comme une
nécessité vitale. En 1956, à Lyon, Aissa Noui
, responsable local du FLN s'adresse
au milieu local par l'intermédiaire de ses correspondants algériens. Une
commande est passée, des arrhes sont versées. La livraison sera faite depuis
la Belgique. Au jour dit, le camion chargé de salades passe la
frontière et pénètre dans le garage lyonnais contrôlé par le FLN. Avec
une impatience fébrile, les hommes de Noui entreprennent de vider le
camion. Mais au milieu de la montagne de légumes, pas le plus petit 6,35 !
Ils n'ont d'ailleurs pas le temps de s'en indigner car la police fait
irruption et coffre tout le monde. Ceux-là resteront détenus jusqu'à la fin
du conflit.
L’organisation parisienne essuie au même moment une déconvenue
analogue. C'est alors qu'intervient un certain Mehdi
Mabed , alias « Chitane » (le diable), ex-instituteur au Maroc
, personnage plein d'entregent. Puisque
le Maroc récemment indépendant est acquis à la cause, c'est de là que
partiront les premières armes. «
Chitane » aménage deux voitures,
l'une bourrée de pistolets, l'autre de bombes à retardement de fabrication
artisanale. Elles transitent par l'Espagne et arrivent successivement à
Paris, conduite par la respectable épouse d'un avocat de Casablanca. Les
cinquante pistolets et les dix pistolets-mitrailleurs de cette livraison
constituent l'amorce du futur arsenal du terrorisme algérien en France.
Où sont passées les armes du FLN ?
En novembre 1956 , Abdelkrim Souici, qui
vient de purger trois mois de prison et bénéficie d'une mise en liberté
provisoire - la Justice républicaine est bonne fille - fait acheter en Italie
un lot de pistolets Beretta par l'un de ses hommes. À l'époque, cela
présente peu de difficultés. Les armes pénètrent en France dans les
bagages d'un paisible touriste.
Une seconde opération « Beretta » sera moins heureuse. Le responsable de
l'acheminement décide de les expédier de Nice par la SNCF en bagages non
accompagnés. À Paris, gare de Lyon, lors des manipulations, l'une des
valises s'écrase, vomissant une cinquantaine de pistolets avec leurs
munitions. La police, alertée, tend une souricière dans laquelle tout le
groupe de « logistique » se fait coincer.
Quelques jours après le 13 mai 1958, Amar Haddad, surnommé «
Amar-z-yeux bleus », arrive par le train à Düsseldorf. Dans un hôtel de la
Bismarkstrasse, il rencontre une certaine Mme Bisner , intermédiaire
en tous genres, et M. Springer, son associé. Le contact a été
préparé depuis Le Caire. On se met d'accord sur trois
mille pistolets calibre 9 mm parabellum avec deux chargeurs chacun. Le
jour même, le trio se rend dans une usine proche de la frontière de
l'Allemagne de l'Est. La marchandise est payée comptant et chargée à
destination de Cologne où elle est entreposée avant de pouvoir être
acheminée en France.
« Chitane » arrive à son tour en Allemagne. Il a ses propres
relations. En l'occurrence, un trafiquant d'armes bien connu des services de
renseignements, Georg Puchert. Propriétaire d'une petite flotte
marchande, il était le fournisseur en armes des nationalistes marocains avant
l'indépendance. Tout naturellement, il offre ses services au FLN (2) .
Ses premières fournitures, livrées en Allemagne, sont composées d'un lot de
pistolets espagnols Astra calibre
9 mm parabellum , de Beretta et de Mauser dans le même
calibre.
Encore faut-il stocker puis acheminer ce matériel. Trois villas isolées
sont louées. L'une près de Bonn, l'autre aux environs d'Aix-la-Chapelle, la
troisième non loin de Francfort. Des ouvriers spécialisés arrivent
du Maroc pour aménager des caches et des garages insonorisés, puis
transformer des voitures de telle sorte que les armes passent la frontière,
camouflées dans la caisse, sans que rien ne trahisse le chargement. Pour les
conducteurs, il faut éviter le type nord-africain. On met donc à
contribution les réseaux « porteurs de valises ».
Ce sont ainsi plusieurs milliers de pistolets et pistolets-mitrailleurs qui
pénètrent en France pour armer les groupes de combat et les terroristes
du FLN. Pour la seule région parisienne, du 1er janvier 1957 au
mois de mai 1960, vingt et un fonctionnaires de police trouvent ainsi la
mort et vingt-sept autres sont grièvement blessés.
Du 1er janvier 1956 au 23 janvier 1962 (on a continué de tuer après),
les statistiques incomplètes de la Sûreté nationale font état, pour la
métropole, de Il 896 agressions dues à des Algériens : 3 957
Algériens, 150 civils Français, 16 militaires et 53 policiers.
En face, la répression reste souvent impuissante. Moins de 10 % des
condamnations à mort prononcées par les tribunaux français sont exécutées.
Il arrive parfois à la police de saisir certaines armes. En mai 1960, la
DST arrête à Paris, 314, rue Saint-Honoré, Zina
Harraigue , jeune algérienne, et Inge Huscholtz ,
étudiante allemande. Chez elles, on découvre vingt-sept pistolets
mitrailleurs et quarante-sept pistolets. C'est beaucoup pour deux jeunes
filles, dont l'activité préfigure les techniques du terrorisme
international, mais c'est peu par rapport à l'arsenal du FLN.
Aussi est-on tenté de poser une question sans réponse : que sont devenus les
milliers de pistolets et de pistolets mitrailleurs de la fédération de
France du FLN ? Combien d'entre eux ont servi à des attentats terroristes
après 1962 ? Combien dorment encore, soigneusement huilés, dans les caches
des « enclaves » algériennes en France.
Tout en changeant d'appellation, l'emprise de l'organisation
politico-administrative du FLN n'a pas cessé et s'est même renforcée. Elle
bénéficie depuis 1962 du soutien d'un État indépendant auquel les
gouvernements français successifs ne refusent rien. La vague de
terrorisme qui a frappé la France durant le second semestre de 1995 a
révélé que les banlieues à forte concentration immigrée constituent
des enclaves de non-droit propices au développement d'une véritable
guérilla urbaine pouvant dégénérer en une véritable guerre civile.
Elle est alimentée à terme par le sentiment fanatique d'une guerre
religieuse (djihâd) et par une xénophobie anti-française qui
se propage comme une épidémie chez les plus jeunes des binationaux.
G. C.
(1) Le 4 mai 1958, Henri Curiel fut victime d'un attentat, dont
le mobile reste inconnu et dont les auteurs n'ont pas été identifiés.
(2) Georg Puchert sera exécuté par les services spéciaux français,
le 3 mars 1959, dans l'explosion de sa Mercédes .
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C OMMENTAIRE
DE SIVERA
Voilà un sujet qui éclaire un peu le climat de la fameuse manifestation
pacifique de 1961 à Paris,-( commémorée par une plaque à l'instigation du
Maire de Paris : Jacques en a rêvé, Bertrand l'a fait ! )- et
l'Etat d'esprit de nos Forces de l'Ordre face à ces informations alarmantes
en ce qui concernait l'arsenal du parfait petit fellagha qui circulait aux
mains de ces pacifiques manifestants ! Ce sont vraiment des Pays avec lesquels
nous avons des "liens privilégiés" ! La preuve, ils sont
tous cités dans cet article !
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