L'émission de Jean-Luc DELARUE "ÇA
SE DISCUTE", après son débat consacré à la "culture
pieds-noirs" il y a presque un an, nous offre une nouvelle parenthèse
sur l'Algérie dans son émission du 23 mai 2001 dont le thème était le
suivant :
Un titre accrocheur comme à l'accoutumée. Delarue
a ses inconditionnels.
Voici l'introduction :
"Cette semaine nous parlons
d'insoumission, ce que l'on peut résumer comme le refus de reconnaître une
autorité.
Être insoumis, c'est ne pas faire ce qu'on vous demande
parce qu'on place la morale, en tout cas sa propre morale, au dessus des lois
ou parce qu'on refuse d'obéir aux règles qui gouvernent le milieu dans
lequel on vit.
Les invités de " Ça se discute " sont
tous à leur manière des rebelles. Ils ont refusé les ordres, ils ne
supportent pas qu'on leur dicte leur attitude, ils remettent en cause les lois
que presque tous les autres acceptent. Les uns disent " non " à
tout et font du refus un mode de vie ; les autres ont dit " non "
parfois au péril de leur vie, parce que les circonstances historiques
l'exigeaient.
Nous essaierons de savoir si l'insoumission est affaire
de fabrication ou d'éducation ; si la désobéissance s'apprend ou si elle
est un trait de caractère. Nos invités nous diront à qui et à quoi ils ont
dit " non ".
Après la fin d'un programme sur une autre chaîne, je
zappe et au même moment je découvre Jean-Luc DELARUE présentant
...... Noël FAVRELIÉRE.
En résumant, il le décrit ainsi :
Noël Favrelière 66 ans
En 1956, Noël Favrelière, jeune appelé, est envoyé en Algérie. Il
est contre cette guerre. Le 19 mai, parce qu'il ne supporte plus les exactions
de l'armée française, il déserte emmenant avec lui des armes et un
prisonnier fellagha condamné à mort. Il traverse le désert fuyant l'armée
française. Il n'a jamais revu Mohamed, le prisonnier qu'il a libéré.
Pour Noël c'est en agissant ainsi qu'il a le mieux servi son pays. Il
n'avait pas d'autre choix que de refuser de se soumettre. Mitterrand
l'a condamné à mort deux fois, il a été soutenu par Sartre et Simone
de Beauvoir… Aujourd'hui Noël est médaillé toujours par la
France pour son courage pendant la guerre d'Algérie .
S'ensuit un long monologue de l'intéressé qui raconte
son histoire que tout un chacun commence à connaître étant donné qu'il est
actuellement l'invité ponctuel de toutes les émissions consacrées à
"La Torture en Algérie". Il narre ainsi sur un ton laconique et
dans un silence quasi religieux, ce qu'il a vu expliquant ainsi le pourquoi de
sa "rébellion": les corvées de bois, les assassinats sommaires, la
petite boule blanche cachée derrière un buisson tuée par un militaire sur
l'ordre de son chef qui pensait que c'était un rebelle et qui n'était qu'une
petite fille.
Voici donc toutes les raisons qui ont poussé Noël
FAVRELIÉRE à se conduire en insoumis et à s'évader en compagnie d'un
fellagha à qui il sauve ainsi la vie. Puis il se réfugie en Tunisie. Il en
profite, incité par J.L. DELARUE pour faire la promotion de son livre.
Comment ne pas émouvoir l'auditoire présent par de
tels propos qui n'ont aucune impartialité. Monsieur FAVRELIÉRE
n'a-t-il jamais eu la douleur de voir ses copains de régiment tomber dans une
embuscade? A-t-il assisté à des attentats et secouru les victimes et compté
les morts innocents?
Et là une nouvelle fois Jean-Luc DELARUE manque
totalement d'objectivité et de connaissance réelle sur cette partie de
l'histoire. Tout comme l'indique le titre de son émission "Ça se
discute", il aurait du ouvrir un débat sur le contexte de l'époque et
lui demander si le prisonnier avec lequel il s'était évadé était innocent
ou coupable d'attentats, de meurtres ou de tortures lui aussi, s'il ne
faisait pas partie d'un réseau de terroristes? Il aurait du aussi lui
demander ce qu'il avait fait pendant qu'il était en Tunisie. Le héros
aurait-il eu alors le courage de lui répondre qu'il avait armé le FLN, ces mêmes
armes qui ont servi à assassiner SES compatriotes français de toutes
origines?
Personne ne saurait contester l'horreur de cette
terrible méprise car qui peut accuser l'armée d'avoir tiré sciemment sur
une petite fille cachée derrière un buisson. L'ambiguïté des propos de Noël
FAVRELIÉRE tendrait à installer le doute à ce sujet justement. J'ai la
décence de penser qu'il n'en est rien, le militaire ayant perdu la raison.
Non, Monsieur FAVRELIÉRES RIEN ne peut effacer
la mort innocente de cette enfant. Mais rien non plus ne saurait effacer la
mort de cette petite fille blonde que j'ai vue, le corps ensanglanté et mutilé,
victime d'une grenade lancée par un fellagha un dimanche midi dans un café où
comme tous les dimanches après la messe nombreux étaient ceux qui se réunissaient
entre amis.
L'objectif était conscient. Le lieu, l'heure n'étaient
pas le fait d'une malheureuse coïncidence, c'était un choix précis.
Beaucoup de personnes ont été gravement blessées Et je garderais toujours
en mémoire l'image de ce corps sans vie transporté dans les bras d'un homme
à la chemise blanche maculée de sang. C'était à MAISON-CARRÉE en 1961.
Et combien de personnes pourraient ici apporter leurs témoignages
pour vous raconter l'indiscible. Mais les micros et les caméras ne leur sont
pas présentés.
Je ne décrirai pas ici le témoignage que j'ai eu d'une
personne qui 40 ans après ne pouvait contenir ses larmes en me racontant
l'assassinat horrible d'une famille et de leur petite fille tués tous dans
des conditions horribles.
Par respect pour la souffrance que j'ai lue dans son
regard , ces lignes s'arrêteront là.
Ne vous cachez pas Monsieur FAVRELIÉRE derrière
de telles motivations qui en réalité ne sont pas les raisons exactes, votre
appartenance politique vous ont guidé vers le chemin de la trahison et
non de l'insoumission.
Après ce long interview, Jean-Luc DELARUE se
tourne vers Jean-François KHAN qui a été invité en qualité de
chroniqueur. Rappelons que Jean-François KAHN est directeur du journal
habdomadaire"Marianne".
Il lui demande son avis sur l'insoumission de Noël
FAVRELIÉRE. Pour information, Jean-Luc DELARUE précise
que Jean-François KAHN "décortique et analyse dans son livre "Les
rebelles : ceux et celles qui ont dit non" (Chez plon), partant du
principe que " ceux qui ont dit non, ont transformé le monde " et
que " l'histoire officielle n'a pas toujours été équitable avec ces
rebelles qui ont fait progresser l'humanité.
Jean-François Kahn
A mon avis, on ne peut pas se définir comme contestataire ou rebelle, ce
n'est pas une posture, c'est quelque chose qu'on est à un moment donné. Quand
j'étais jeune, j'ai été très marqué par la guerre d'Algérie. Je ne
supportais pas l'idée de la torture, c'était contraire à toutes mes
conceptions morales ou religieuses. C'est à des instants comme cela qu'il
faut dire non........
D'un côté il y a les types structurellement insoumis,
qui sont incapables de se soumettre à une quelconque autorité ou discipline.
Or, la vie en société implique des règles. Ces gens là donnent tellement
d'importance à leur petite personne qu'ils refusent de se soumettre à l'intérêt
général. En fait, ce sont des malades caractériels et des gens très égoïstes.
L'insoumission de principe dans une société, c'est le
refus de la solidarité, du civisme, c'est ingouvernable si tout le monde fait
ça. D'un autre côté, il y a les vrais insoumis, ceux qui prennent des
risques et payent cher leur refus.
Ceux qui en refusant sacrifient leurs propres intérêts.
Ça c'est du courage et de la vraie insoumission, se rebeller au nom d'un
principe qui vous dépasse.
Quand Hugo, par exemple, défend le coup d'état
sous Napoléon III. Il se transcende. Son intérêt direct aurait été
d'accepter et de se taire. Il choisit pourtant le plus compliqué dans la rébellion,
en se mettant en rupture avec votre propre milieu. C'est ce qu'il y a de plus
héroïque, il n'a rien à y gagner personnellement. C'est pareil pour De
Gaulle ou Zola ou Noël Favrelière sur votre plateau. De Gaulle était un
conservateur, militaire dans l'âme, pas vraiment la trempe d'un contestataire
et pourtant. Quant à dire où l'insoumission commence, c'est compliqué. Il
faut intégrer à la fois la morale et les règles
.
Emporté par son élan, Jean-François KAHN va même
oser dire en désignant du doigt Noël FAVRELIÉRE qu'il faudrait ériger
un mémorial à tous ces insoumis, ces rebelles qui ont osé dire non.
Pourquoi pas Monsieur KAHN? Après tout il est
tellement plus facile d'ériger un mémorial à ceux qui se font passer pour
des héros et que tous les médias transcendent, plutôt que de chercher à rétablir
une vérité dont la France aurait à rougir sur les 175 000 disparus après
le 19 mars 1962, sans compter tous les morts innocents tombés auparavant.
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