Commencé en 1971 pas encore fini en 2001. J’avais appelé
ça « un livre »
Il reste néanmoins que j’en fais le :
1er témoignage - 1ères preuves -
Ce livre je le dédié au Ministre de la
Défense Nationale et à mes camarades en
activités. (de l’époque)
U N E V I E D
E G E N D A R M E
Partie III
...
Après l’indépendance
de mon pays en juillet 1962, en remerciements de mes bons et loyaux services (mais
pour l’Algérie Française), j’ai été affecté dans l’Est de la France,
à Amanvillers. Un petit village de cinq cents habitants mais avec une très
grande superficie et de nombreux villages à surveiller. Amanvillers est situé
à une vingtaine de kilomètres de Metz.
Vous
allez penser, « 500 habitants, il a du être peinard le flic » Eh
bien non, parce que j’ai sué le « burnous » dans ce patelin. Je
dirais plutôt dans la « Gendarmerie » de ce patelin. Les gens ont
été d’une gentillesse peu commune. Vous savez que dans la Gendarmerie les
gendarmes (ne rient pas toujours)
sont mutés et les épouses et enfants ne sont que tolérés. Ils
suivent le bonhomme.
Donc
à Amanvillers, j’avais la famille avec moi. Nous avons été logés dans un
appartement F3 vide. L’immeuble
était une construction récente et situé dans le village six ou sept cents mètres
de la Brigade. Le village bombardé par les Allemands pendant la guerre, avait
été en partie reconstruit. Le bâtiment où se trouve la Gendarmerie est du
style ancien, ce qui me fait penser qu’il n’avait pas été touché par les
bombes. La brigade est située sur le bord de la route, route qui relie Metz à
Sainte-Marie aux Chenes, Montois-la-Montagne et les Usines de Moyoeuvres dans le
département voisin. Amanvillers,à l’exception des usines, se trouve être
sur un plateau que l’on situait approximativement à la même hauteur que les
clochers de la cathédrale de Metz.
Nous
sommes arrivés avec juste deux valises et dans un appartement vide. Encore une
chose que vous devez savoir, en métropole le gendarme est logé mais doit se
meubler lui-même. Outre-mer les appartements sont meublés. Cela est fait dans
ce dernier cas pour éviter au gendarme muté outre-mer de ne pas se trimbaler
avec son mobilier. Je n’ai rien à dire à ce sujet mais par contre celui qui
est muté outre-mer et qui n’a pas où entre-poser ses affaires, il est obligé
de les placer dans un garde-meubles à ses frais sans aucune indemnité. Cela
m’est arrivé. Mon mobilier en est resté sept ans. C’est moi qui ai voulu
partir parce que j’étais écœuré de la vie que je menais dans cette brigade
de fous.
Oui
de fous, il n’y a pas d’autre mot pour qualifier les bêtises que nous avons
dù supporter.
-
Les
« grosses têtes » veulent,
-
les « grosses têtes »
voudraient, mais
-
les « grosses têtes » ne feront rien de bon si
elles le font sans l’avis de la base, c’est à dire des gendarmes. Eux seuls
savent réellement ce qui ne va pas dans gendarmerie.
Je
reviens à la gentillesse des gens du village. C’est peut être exagéré, en
sommes ce n’était pas tout le village, mais le curé et quelques bonnes dames
âgées qui nous ont aidé. Elles nous avaient prêté des affaires pour nous
permettre de nous installer dans l’appartement parce que notre mobilier se
trouvait toujours en Algérie.
Pour
ne pas crever de froid la nuit en ce mois de novembre 1962, nous utilisions un
petit chauffage électrique, vieux, mais en état de marche ; ça c’était
le prêt du curé.
Mais,
alors qu’a fait la Gendarmerie ? RIEN absolument RIEN. Il a fallu que je
gueule pour finalement avoir deux lits d’une place à lames d’acier, plus
deux paillasses et des couvertures ainsi qu’un poêle à charbon le tout prêtés
aimablement par l’armée. Inutile de vous dire que le premier soir nous nous
les sommes caillées.
Nous
avions rapproché les deux lits pour n’en faire qu’un et nous avons placé
les enfants entre ma femme et moi. Il devait faire à peine 5 degrés. Jamais je
n’avais eu à dormir, ni à vivre avec une telle température.
Je n’étais pas au bout de mes surprises.
Quelque
temps après, je recevais la
facture à payer pour les affaires que l’armée m’avait si aimablement
prêtées.
Je ne me souviens pas de la somme…mais du principe.
Un
matin alors que j’étais de repos mon épouse est descendue à la cave
ramasser le linge qu’elle avait lave la veille et étendu. Elle revient
quelques minutes après sans rien dans les mains.
---Je
n’arrive pas à ramasser le linge. Viens m’aider. Me dit-elle.
Nous
voilà tous les deux dans la cave. Surprise ! Tout le linge est gelé.
Impossible de le détacher des pinces à linge. Un drap de 1m80 par 2m était
totalement glacé. Arrive à ce moment une voisine qui nous dit :"surtout ne le
pliez pas il se casserait ". ???? Le drap nous
l’avons monté à deux dans l’appartement comme une plaque de contre-plaqué
et posé contre le mur. Le reste du linge il a fallu attendre toute la journée
que la température baisse pour enfin le ramasser.
Cela
nous a servi de première leçon. Biensur les indigènes avaient l’habitude
et nous avons préféré ne pas trop ébruiter notre petite histoire.
Notre
petite « jeannette » ainsi nous l’appelions notre 4 CV Renault
d’occasion, je précise, nous l’avions ramené d’Algérie. C’était toute
notre fortune. Elle revenait de loin car le 2 Juillet 1962 jour de
l’indépendance les manifestants essayèrent de me la voler devant mes yeux,
mais j’avais pris la précaution d’enlever la batterie et le delco. Ils volèrent
celle d’un collègue moins prévenant que moi. En Algérie les hivers étant
modéré, j’avais enlevé le
chauffage qui, lorsque nous faisions de la route, faisait monter dangereusement la température
du moteur.
Premier
jour de repos nous voilà parti tous les quatre à Metz. Mois de novembre 1962,
temps pluvieux, température aux environ de 8 degrés, après une promenade au
centre ville, et la visite des boutiques, je laisse mon épouse et les deux
enfants emmitouflés dans leur anorak dans la 4 chevaux parquée sur la grande
Place pour aller chez le coiffeur. Une heure après me voilà de retour. Ma
femme est inquiète. La petite, Michou, (3 ans) malgré ses vêtements chauds, dans les
bras de sa mère semble être sans connaissance. Tout l’intérieur de la
voiture est recouvert de givre et pas de chauffage. La nuit est tombée
apportant sur la ville un épais brouillard, de l’humidité et un peu plus de
fraîcheur. Vite, nous repartons sur Amanvillers, situé à une quinzaine de
kilomètres de Metz.
Trop
inquiet, je préfère m’arrêter à la brigade chez mon camarade et collègue
Cantegreil, que je savais être chez lui. Son épouse plus expérimentée que la mienne
prend la petite dans ses bras et nous dit : "vite faites chauffer de l’eau cette
gosse est en train de mourir de froid". Elle place une bassine d’eau froide à
coté de la bassine d’eau chaude et plonge notre enfant tout nu, un coup dans
l’une, un coup dans l’autre. Au bout de dix minutes elle reprend vie et nous
dévisage surprise de se voir au milieu de tant de gens. Enfouie dans une
couverture en laine, nous avons fini la soirée à discuter de notre Algérie.
C’était notre deuxième leçons de la vie en France.
Je
ne connaissais pas grand chose de la France. Je n’avais vécu qu’en Algérie
et je ne m’étais jamais rendu en métropole, même en vacances. Ma femme et
les enfants non plus. C’était tout nouveau de découvrir l’est avec ses
maisons bâties d’un style particulier et des toits bien en pentes. C’était
drôle d’entendre parler les gens avec un accent aussi prononcé qui
ressemblait presque à de l’Allemand. Bien différent des habitants du
Sud-ouest.
Ce
sont des Lorrains, de braves personnes qui ont eu à souffrir, un peu comme nous
les pieds-noirs. Il leur a fallu déménager pendant la guerre. Ils ont connu la
méchanceté d’autres français pendant leur chemin de croix me
racontaient-ils. A la seule différence avec nous, c’est qu’eux sont revenus
au pays. Autrement nous avions beaucoup de points
communs.
Ma
femme et moi-même nous nous sommes bien entendus avec les habitants de cette région,
les civils, comme nous disions dans
la gendarmerie.
Nous
étions deux familles de gendarmes à être logées à l’extérieur.
Le
froid mis à part, nous aimions beaucoup cette région. Mon voisin, un civil,
m’a montré les endroits où je pouvais trouver les champignons (les rosés).
J’étais devenu un champion. Je faisais mes ballades en mobylette. Dans la
gendarmerie, contrairement aux officiers, les gendarmes se déplacent en
bicyclette et avec le progrès, les grosses têtes, nous on autorisé à nous déplacer
en mobylette à condition que ce soit nous qui nous la payant. Pour les
patrouilles nous devions nous payer l’essence.
Le
jour de repos, avec ma petite famille, nous partions cueillir des fraises
sauvages, du muguet. Ensuite vint la saison des escargots de bourgogne puis des
noisettes.
Je
n’avais jamais vu des couleurs aussi merveilleuses en automne. Le feuillage
des arbres est de couleurs irréelles, rouge, jaune, orange, mauve, incroyable.
Je n’oublierai jamais la Vallée de Monvaut( ?) Pardonnez moi si
l’orthographe n’est pas correcte). Elle me rappelle
les belles couleurs mais aussi les nombreux accidents de la route, que
j’ai eu à constater de jour comme de nuit.
Comme
je vous ai dit plus haut, la brigade était située en bordure de la route. Nous
couvrions plusieurs communes. C’est dans cette région que sont situées les
mines Devendel. Il paraît qu’elles appartiennent à la famille De
Gaulle. (Rumeur
à vérifier).
Nous
avions à contrôler de nombreux étrangers, 41 nationalités dont une
d’apatride. Nous étions cinq gendarmes et un commandant de brigade.
Au
début de mon arrivée, c’était un chef qui la dirigeait. Puis celui-ci préférant
servir outre-mer, fut remplacé par
un adjudant. J’étais le plus jeune de la bande et pied-noir par-dessus le
marché. Le chef et quatre gendarmes étaient des natifs de la région. J’étais
« l’étranger ». Heureusement, quelque temps après, est arrivé un
compatriote. Il était plus âgé que moi mais nous nous accordions très bien.
Il s'appelait Jean Cantegreil. J’aurai aimé le revoir mais j’ai perdu sa trace.(1)
Après dix-huit mois passé
ensemble, moi âgé de 27 ans, je suis parti en Guadeloupe, et lui âgé de 46,
a pris sa retraite et s'est retiré à Perrigueux. Il faut dire qu’il avait vu des vertes et des pas mures et
était fatigué de la gendarmerie. Il revenait d’Oranie, Algérie. Il avait
laissé sa maison et ses morts. Sa femme était très brave et très gentille
avec ma femme. Elle avait de grands enfants. Lui aussi avait été remercié
avec une telle affectation.
(1)-
J'ai pu rentrer en contacte par téléphone avec mon camarade grace au Site, il
y a deux mois - Mars 2002 soit 37 ans après. Quelle ne fut pas
notre immense joie de pouvoir nous parler après tant d'années. !
Le
matériel de la brigade, comme la plus part des brigades de France en ce temps là,
1962, n’était pas des plus modernes ; mis à part son réseau radio qui
nous reliait à la Compagnie et à la Légion.
Le
Groupement n’existait pas encore. Pour
l’humble civil qui ne serait pas au courant, le Groupement c’est l’intermédiaire
entre la compagnie et la Légion. Il fut crée bien plus tard.
Il
y avait un véhicule Peugeot 304 break, assez vétuste, sans capitonnage au
plafond. Ce détail va avoir son importance pour la suite de mon récit.
Il
nous arrivait d’être autorisés de prendre cette voiture pour nous rendre en
service particulièrement le jour. Très rarement la nuit. Dans les deux cas,
pour moi c’était l’enfer si par malheur j’avais comme équipier un collègue
dont je tairai son nom et qui pesait 150 kgs à 100grammes près. Bon dieu
qu’il sentait mauvais ! J’étais obligé, mine de rien, de baisser la
vitre même par des températures de moins 20 pour respirer un peu d’air pur.
Je regrettais à
ces moments là, la mobylette, quitte à mourir de froid. Lorsque
nous sortions par de telles températures en voiture, tout le plafond se
remplissait de givre comme l’intérieur d’un congélateur. Inutile de vous
dire que nous étions bien conservés.
Le
plus souvent par économie d’essence pour la gendarmerie, nous étions désignés
de service en mobylette. Mais il m’est arrivé plus d’une fois que le collègue
avec qui je devais sortir, ne possède qu’un vélo. Ils étaient deux à
refuser d’acheter une mobylette. Proche de la retraite, ils ne voulaient pas
faire de frais inutiles. Le commandement ne s’opposait pas à ce refus dans la
mesure où nous devions avoir un moyen de locomotion. Vélo ou mobylette, c’est
le gendarme qui devait se le payer. Avant l’emploi du vélo, le gendarme
utilisait le cheval. Je crois savoir que les chevaux étaient la propriété de
l’Etat. Par contre, je me demande si le gendarme n’était pas obligé de
payer l’avoine. Vous voyez le tableau, deux gendarmes l’un en vélo et
l’autre en mobylette à tourner autour de lui en attendant qu’il avance!
A
cette époque, la jeunesse et les gens en géneral n’avaient pas evolués. La
gendarmerie encore moins. Personne s’étonnait donc en voyant passer un
gendarme en vélo et un en mobylette. Ils devaient penser
qu’il y avait un flic plus riche que l’autre.
Imaginez-vous
cette scène aujourd’hui ? que croyez-vous que les gens penseraient ?
Ils penseraient tout simplement que les gendarmes sont des rigolos. Comme dans
les films de Louis de Funes. Quels respect peut-on s’attendre de la part de la
population ? Un exemple monsieur la grosse-tete : Vous êtes ministre
et vous recevez vos visiteurs dans un bureau vétuste, sombre un parquet délavé,.
Ils devront s’asseoir sur de vieilles chaises en bois mangées par les
termites, branlantes. Que vont-elles penser ces personnes ? Quels respect
croyez-vous qu’elles auront vis à vis de vous et de la France que vous
representez ? Que penseriez-vous maintenant, si à votre place ce sont des
gendarmes qui vont les recevoir dans les mêmes conditions ? Est-ce que vous
croyez que les gens d’aujourd’hui auront la même réaction que ceux
d’hier ? Foutaise !
Aujourd’hui,
il n’y a plus de respect pour les représentants de la loi, non pas que le
gendarme est le plus mal loti, mais que les gouvernements d’hier et
d’aujourdhui sont, avec la justice du système, les principaux responsables.
Les
gouvernements se suivent et pour la Gendarmerie,
se ressemblent. Nous sommes leurs larbins dans le sens le plus propre du
terme.
Le lendemain
de mon arrivée à la caserne de Gendarmerie Mobile de Maison Carrée
en Algérie où j’ai fait mon stage de six mois, à cheval, nous avions
été rassemblés dans une grande salle, tous les élèves-gendarmes, une
soixantaine environ. Un adjudant-chef, adjoint à l’officier responsable du
stage est là
qui nous fixe un après l’autre. Il a sous le bras une fine
cravache en cuire. Après un court instant d’observation,
il prend la parole :
« en franchissant la porte de cette caserne vous avez laissé vos
couilles dehors. Ceux qui ne seraient pas d’accord il est encore temps de
partir ».
Il nous a mis au parfun sur la discipline , l’honneur et tout
le tralala.
Notre
dortoir était situé à coté des écuries. Mon stage était l’avant dernier
qui se faisait à cheval. Le réfectoire se trouvait à
l’opposé et nous
traversions la grande cour d’honneur pour prendre nos repas trois fois par
jour. Sur le coté gauche se trouvaient les bâtiments des gendarmes mobiles et
leur famille. A droite il y avait la salle d’études et les bureaux des
gendarmes en service à
l’entrée de la caserne.
Nous
avons été à nouveau rassemblés dans la grande salle une quinzaine de jours
après le début du stage. Nous ignorions le motif de cette réunion. Ce jour ce
fut le lieutenant responsable du stage qui pris la parole.
---Ce
ne sera pas long, tout simplement je viens vous avertir que lorsque vous
traverserez la cour pour vous rendre au réfectoire ou vis et versa, il vous
sera désormais interdit de regarder en direction des logements des familles.
Celui qui sera surpris à désobéir, sera immédiatement renvoyé dans ses
foyers. Stop et fin.
Nous
nous sommes regardés, surpris et l’air interrogatif. J’apprenais plus tard,
qu’il y avait eu un élève gendarme qui avait « dragué » une épouse
esseulée.
Mais,
revenons à Amanviller.
Je suivais
les cours d’O.P.J. Cela veut dire officier de police judiciaire. Ce titre
acquis n’a de valeur que dans la gendarmerie et ceci afin d’empêcher les
titulaires de quitter cette Arme pour exercer dans le civil ou dans la
police d’Etat. Il donnait droit à une prime de huit francs par mois (1965).
Les OPJ représentent sur le terrain le Procureur de la République, un juge
pour les enquêtes de crimes et délits
Les procédures
sont utilisées par les tribunaux pour les jugements depuis le petit délinquant
jusqu’au grand criminel. Trouver un boy pour exécuter un tel travail pour
huit francs par mois ça vaut pas un « képi ».
Je
me demande comment j’ai pu me farcir quatre ans de travaux pour obtenir ce
fichu titre qui ne me servira à rien dans le privé.
Le
gendarme ayant le fameux titre d’OPJ, à la brigade d’Amanviller était donc
celui qui pesait dans les 150kgs. Puis il était donc adjoint au commandant de
brigade. Celui-ci arrivant de la gendarmerie mobile n’avait pas ce titre. Il était
pourtant commandant de brigade. Comme quoi que les affectations étaient faites
en dépit du bon sens par des officiers eux mêmes intéressés d'avantage par leur
carrière ! Ne grincez pas des dents Messieurs les officiers, des preuves
existent par milliers en commençant par moi-même.
Je les tiens en réserve en cas de contestations.
Je suis à la
retraite et je peux parler sans crainte de me voir affecter en « Sibérie ».
C’est comme cela que l’on appelait les mauvaises affections. Marié, avec
des enfants en ages scolaires, le gendarme se voyait affecté dans un poste dit
« déshérité » pour le plus grand plaisir d’un colonel aigri et
complexé par sa taille.
A
Amanviller, je me suis retrouvé un beau jour, adjoint au commandant de brigade.
Mon collègue ayant été désigné d’office pour un séjour
d’amaigrissement et une cure d’eau d’Evian à l’hôpital de Metz.
Je me
souviens de ma première réunion des commandants de brigades à Metz en présence
du capitaine commandant la compagnie. Un
brave homme, intelligent. Il doit être général ou à la retraite. Bref Il
restait tout de même un officier.
Nous
étions donc six de la région de
Metz-campagne. Je profitais de l’occasion qui m’était offerte pour défendre
les gendarmes, chose que jamais ne se permettait un chef de brigade.
J’ai
demandé de prendre la parole à l’étonnement de tous mes collègues évidement
plus âgés que moi. Je n’avais que vingt-sept ans à l’époque.
---Pourquoi
Mon capitaine, nous faites vous faire des patrouilles de nuit en mobylette et vélo
par des températures entre moins 20 et 30 degrés ?
Réponse
du capitaine :
---Parce
qu’en vélo ou mobylette, il est plus facile d’avoir des contacts avec la
population et recueillir ainsi des informations.
---Dans
un patelin de 500 habitants après vingt heures en plein hiver par moins 20 degrés,
avez-vous eu, mon capitaine,
l’occasion de trouver un habitant traîner dans les rues ? Bien nous,
nous l'avons jamais eu.
---Si
vous avez des difficultés parce que vous n’êtes pas habitué au froid,
passez une visite qui vous exemptera de tournées de nuit.
---Non
mon capitaine, je ne parle pas pour moi, mais pour mes collègues originaires de
la région qui ne supportent plus le froid dans ces conditions, alors que la
brigade est dotée d’un véhicule qui n’est utilisé que par le commandant de
brigade.
---Bon,
je vais étudier la question. Point.
Le
commandant de brigade étant parti en congé,
pour palier à cette idiotie, les patrouilles de nuit n’étaient que
fictives, pendant tout le temps que j'assumais le commandement.
Autrement
lorsque j’étais chef de patrouille nous allions nous abriter dans les granges
des paysans.
En
réalité tout cela était une question d’économie d’essence. La brigade était
dotée de X…litres d’essence par mois et il fallait tenir avec.
Quoi
qu’il en soit nous recevions quelques jours après ma réunion, une note de la
compagnie qui disait que dorénavant les patrouilles de nuit entre 21h et 04h du
matin, devaient se faire en voiture. Drôle de tête de mon adjudant.
Dans
ces régions de l’est, il fait très froid et la population a tendance à
forcer sur la bouteille, en particulier, l’eau-de-vie. Moi-même après
quelques mois d’hiver, je commençais à y prendre goût. Surtout l’eau-de-vie
faite par les paysans du coin.
Un
jour, je suis de sortie avec mon collègue de 150kgs. Nous étions en mobylettes
tous les deux pour effectuer des enquêtes judiciaires. Il était 14h00 et nous
devions rentrer vers dix-sept heures trente. C’était tout au début de mon
arrivée dans cette brigade. Premier client : il nous fait rentrer et
asseoir près d’une table. Sort les verres et une bouteille au trois-quarts
pleine de quetsche, 90 degrés.
Pendant
que le collègue sort le dossier, notre bonhomme nous demande si nous voulons
boire un coup. Au moment où j’allais refuser, mon collègue me pose doucement
la main
sur la jambe en signe de ne pas continuer ma phrase et s’empresse d’accepter.
Ce gentil monsieur nous sert un petit verre à
chacun puis lorsqu’il s’âprète
à rentrer la bouteille. Le collègue l’arrête :
---Non
ce n’est pas la peine, nous allons en reprendre un autre coup,
brrrrrrr avec le froid qu’il fait dehors.
J’étais
vachement gênée et surpris. En Algérie , j’ai eu à faire des centaines
d’enquêtes et jamais je ne me serais permis d’agir de la sorte. Après tout
je me suis dit qu’en France ça
devait être la coutume.
Mon
collègue, après avoir vidé le verre « cul sec », sans lever les
yeux, s’empara de la bouteille et
se servi un deuxième verre, puis un troisième ; Lorsque nous sommes
partis, la bouteille était au trois-quarts vide. Je n’avais bu qu’un verre
et forcé.
Ce
jour là, nous avions visité une dizaine de personnes. Ce fut partout la même
chose sauf que je refusais de boire.
Au
moment de rentrer, en mobylette, cela a été pour moi toute une expédition. Je
devais rouler devant et de la main faire serrer à droite les véhicules
arrivant en sens inverse. Arrivé à la brigade, son engin a dérapé à
l’entrée et le collègue s’étalait de tout son long sur le gravier de la
cour. Il était neuf heures du soir et il faisait nuit noire. Avec un effort
surhumain je l’aidais à se relever et le conduire jusqu'à son appartement au
premier étage. Inutile de vous dire, que j’ai failli « dégueuler »
à cause de l’odeur qu’il dégageait et me casser la figure dans
l’escalier étroit. Ce soir là c’est moi qui remplissais le bulletin de
service. « Rien à Signaler ».Tout c’était bien passé.
A
la brigade, il n’était pas le seul à avoir la « descente facile ».
Les deux autres collègues n’y allaient pas de main morte non plus. Il m’est
arrivé, au retour d’un service de nuit, d’apprécier un petit coup de
quetsche même deux tellement j’avais froid. C’est peut être le froid qui
faisait que l’on a tendance à se laisser aller à la boisson. Ces tournées
de nuit en mobylette par moins vingt degrés, je trouvais cela débile.
Dans
cette brigade, je n’ai jamais passé un Noël ou un Jour de l’An en famille.
Il était rare le jour ou la nuit où il n’y avait pas d’accident, de vol ou
d’imprévus.
Une
nuit de Noël, au moment de nous
mettre à table, avec la famille
Cantegreil, le téléphone sonne c’est pour mon collègue qui est
appelé d’urgence à constater un accident de la circulation. Dix minutes plus
tard, mon tour est arrivé. Un feu de cheminée qui avait mis le feu à la
toiture de la maison. Il pleuvait à torrent ce soir là. La première équipe
ayant pris la voiture nous avons eu droit à la mobylette. Nous sommes rentrés
aux environs de deux heures du matin extenués et transis de froid. Je repartais
une nouvelle fois pour constater un accident de la circulation avec blessés
graves.
De
retour au petit matin, désigné comme planton, j’avais juste le temps de me
changer et de prendre mon service à la brigade sans avoir fermé l’œil de la
nuit.
Cela
se renouvelait régulièrement J’avais
eu de la chance dans mon malheur de loger à l’extérieur. La nuit, lorsque
j’entendais un moteur me rappelant la Peugeot 304 de la brigade, je sursautais
dans mon lit. Je gueulais « on vient me chercher pour un accident ».
Puis j’attendais que la sonnette d’entrée retentisse. Apres cinq minutes
d’attente, je me rendormais. Puis cela recommençait plusieurs fois dans la
nuit et toutes les nuits. Un vrai cauchemar.
Il
m’est arrivé au cours d’un constat d’accident, en hiver, de ne pas
pouvoir tenir mon crayon ou mon stylo à bille. Mes doigts étaient gelés.
Lorsque
je sortais en mobylette toujours en hiver, de jour ou de nuit, je mettais un
caleçon long molletonné, un tricot de corps manches longues molletonné, un
gilet en laine sans manche, la chemise bleue couleur de l’Arme, un tricot en
laine bleu marine manches longues, le pantalon en tergal, la veste, le gabon en
lainage bleu-marine, l’imperméable, un passe-montagne, des protèges oreilles
que j’avais trouvées dans une boutique à Metz et le képi. Ah oui grosses
chaussettes en laine bleue et de bonnes chaussures avec une bonne semelle sans
fuite.
Tout
cela monté sur une mobylette. Une forme humaine qui se déplaçait dans la nuit
par moins 20 ou 30, entre Amanviller et Gravelotte en passant en bordure de
trois ou quatre fermes isolées. Un filet de fumée sortait lentement de la
cheminée et se perdait dans la nuit noire.
Vous
voyez chers amis civils, très chers collègues de la police et des armées, si
vous trouvez pire faites moi signe. Le record sera battu.
Grosses-têtes
arrêtez le massacre. Nous approchons de l’an 2000. Je vois encore des
gendarmes mendier des machines à écrire pour pouvoir travailler proprement. Ne
dites pas que cela est faux, Monsieur le Ministre, j’en ai la preuve. Nombreux
sont les gendarmes qui sont obligés de se baisser à demander dans les secrétariats
des mairies ou autres bureaux de Sociétés installés dans leurs communes, des
trombones, du papier carbone, du papier pour « taper » les procès-verbaux
à
la machine à écrire. Et que sais-je encore. Nous passions notre temps à
mendier tous ces articles que la compagnie nous donnait au compte-gouttes.
Par
contre dans les compagnies le personnel ne manquait de rien. Il y avait un poêle dans chaque
bureau. Dans ces conditions n’importe quel gendarme pouvait faire toute sa
carrière dans la gendarmerie en France.
Il faut savoir que ces places étaient
et sont certainement encore très chères et dures à obtenir.
Une
dernière histoire avant de quitter Amanviller.
Ce
jour là, c’était le plein hiver. J’arrive à la brigade prendre mon
service. Belle tenue toute propre, beau trois-quarts bleu-marine, toujours
couleurs de l’Arme. Il est à peine sept heure du matin. Je suis étonné de
voir mon compatriote une pioche à la main, en chemise avec le froid qu’il
faisait à coté du regard de la fosse septique.
---
Qu’est-ce qui t’arrive amigo ? Tu en fais une tête !
---Cette
fichue de fosse est gelée ; Ça fuit dans mes chiottes et le conard du
haut (le collègue de 150kgs) tu crois qu’il arrêterait de chier ? .
J’en ai plein la maison de ses crottes. Et puis ça pu, ça pu la m........
Nous
retirons la dalle et effectivement la fosse est totalement gelées jusqu’au
top.
Il
commence à taper dessus avec la pioche, rien. Le pique rebondit sur la surface
de la glace.
Apres
un quart d’heure d’effort pas moyen de casser la croûte jaune gelée.
---Passe-moi
la pioche Jean. Tu verras si je vais te la déboucher cette saleté.
Au
troisième coup, plaffffffffffffffff. Pour être débouchée, elle était débouchée.
Mais moi, j’étais recouvert des crottes et urine de toutes les familles qui
logeaient au premier. Un vrai geyser. J’avais tout pris dans la tranche.
Pouaaaaaaa l’odeur !
Encore
une dernière anecdote pour en finir avec Amanviller.
Une
fois j’ai verbalisé un algérien de la nouvelle algérie. Il s’agissait
d’une infraction au code de la route pour excès de vitesse. J’ai donc relevé
l’infraction aprés avoir décortiqué tous les papiers et verifié le
vehicule. Une vieille Citroen ID 19. Après avoir pris la déclaration du
conducteur, il a pu repartir.
Deux
mois plus tard je recevais une convocation du Tribunal de Metz. A la date fixée
je me rendais au Parquet. j’avais été cité comme témoin dans l’affaire
de mon algérien. J’ai été appelé à la barre où sous la foi du serment
j’ai temoigné et confirmé le procès-verbal. Lorsque le contrevenant a été
appelé à son tour, j’ai eu la surprise de le voir rester muet aux questions
du juge. Il paraissait ignorer les questions comme s’il ne parlait pas
francais. Le President n’ayant aucun interprète sous la main, fait un appel
dans la salle pour en trouver un. Bien que ne sachant que quelques mots en arabe
je lève le doigt et vais à la barre pour traduire.
Je
fais remarquer au President qu’au moment de prendre la déclaration du
contrevenant celui-ci parlait bien le francais.
L’algérien
parlant toujours l’arabe raconte son histoire. Je n’ai rien compris biensur
mais cela personne pouvait le soupconner. Je me tourne vers le Président et je
lui dit ..X….déclare reconnaître l’infraction et demande l’indulgence du
tribunal. L’algérien se met à gueuler en francais
qu’il n’avait pas dit ca. bla bla bla..que j'étais un menteur....
Le
Président le fait taire, le renvoi à sa place et après avoir prononcé une peine, passe à l’affaire suivante
en me regardant le sourire en coin.
Quelques
mois après je decidais de faire ma demande pour les Departements et Territoires
d’Outre Mer.
Convoqué
par le Capitaine à Metz, celui-ci a essayé de me dissuader dans mon projet. Ce à
quoi je repandais que j’ai beau regarder autour de moi je ne voyais pas de figuiers
dans cette région.
Il
m’a souri et a signé ma demande, en me souhaitant » bonne chance ».
Neuf
mois après j’étais affecté en Guadeloupe où une nouvelle vie allait commencer
pour moi et ma famille.
A suivre -- Cliquez
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